Rétention de sûreté

Catégories: Assemblée Nationale, Interventions en réunion de commission, Justice, Sécurité

Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mardi 8 janvier 2008

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 28

Examen en application de l’article 88 du Règlement, des amendements au projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (n° 442) (M. Georges Fenech, rapporteur)

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Georges Fenech, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements au projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (n° 442).

Article 1er (art. 706-53-13 à 706-53-22 [nouveaux] : art. 717-1 ; art. 723-37 ; art. 723-38 [nouveau] du code de procédure pénale) : Instauration de la rétention de sûreté :

—  Art. 706-53-13 du code de procédure pénale : Champ d’application de la mesure de rétention de sûreté :

La Commission a repoussé les amendements n° 71 de M. Serge Blisko et n° 94 de M. Michel Vaxès.

Puis, elle a repoussé les amendements n° 72 et 73 de M. Serge Blisko.

Le rapporteur ayant précisé qu’il avait lui-même déposé un amendement ayant le même objet, la Commission a repoussé l’amendement n° 110 de M. Christian Vanneste.

La Commission a ensuite adopté l’amendement n° 63 du rapporteur visant à étendre la possibilité de prononcer la rétention de sûreté aux personnes condamnées pour des crimes d’enlèvement et de séquestration d’un mineur.

Puis, elle a repoussé les amendements n° 74 et 69 de M. Serge Blisko.

Elle a en revanche adopté l’amendement n° 64 du rapporteur complétant des conditions exigées pour pouvoir prononcer une rétention de sûreté à l’encontre d’un condamné dont la particulière dangerosité est caractérisée par une probabilité très élevée de récidive par l’existence d’un « trouble grave de la personnalité » , le rapporteur ayant précisé que la seule dangerosité criminologique, et non psychiatrique, était ici visée.

La Commission a ensuite été saisie de l’amendement n° 65 du rapporteur, visant à étendre la possibilité de prononcer la rétention de sûreté de personnes condamnées à une peine de quinze ans de réclusion pour certains crimes commis sur des victimes majeures.

Le rapporteur a rappelé que l’âge des victimes n’était pas un critère d’appréciation de la dangerosité des criminels et a donc estimé légitime de ne pas limiter la rétention de sûreté aux seuls auteurs de crimes commis sur des mineurs. Il a fait valoir que le champ de la rétention de sûreté demeurerait toutefois plus restreint en cas de crimes contre des majeurs qu’en cas de crimes contre des mineurs, puisqu’une circonstance aggravante sera exigée dans le premier cas.

M. Dominique Raimbourg a souligné que cet amendement renforçait son opposition au projet de loi, car il risque d’élargir à l’excès le champ de la rétention de sûreté, dont on ne sait combien de personnes elle est susceptible de concerner.

M. Jean-Christophe Lagarde a jugé l’amendement indispensable et ajouté qu’il serait absurde pour le législateur de ne prendre en compte l’émotion de l’opinion publique que pour les crimes commis sur des mineurs.

M. Christian Vanneste s’est réjoui de cet amendement en notant qu’il permettrait de revenir sur une distinction infondée entre sujets de droit. Il s’est en outre étonné de certaines déclarations sous-entendant que la vie d’un majeur est moins importante que celle d’un mineur.

M. Serge Blisko a fait part de sa consternation devant la méthode législative employée et la nature de l’amendement proposé. Il s’est étonné du décalage entre l’extension proposée et la discussion tenue lors de l’examen du projet de loi en Commission, seule la question d’un élargissement aux crimes commis sur des mineurs de quinze à dix-huit ans ayant été posée en décembre dernier. Il a regretté que le Parlement légifère non plus dans l’intérêt général, mais en réaction immédiate à l’émotion populaire soulevée par certains crimes, dont les victimes sont parfois nommément citées dans l’exposé sommaire des amendements. L’impact de l’amendement proposé, qui étend le champ du projet de loi aux crimes commis sur des personnes majeures, mériterait à l’évidence une évaluation préalable, sans précipitation, d’autant que le nombre de personnes concernées demeure inconnu.

M. Jean-Jacques Urvoas a rappelé qu’une estimation du nombre de personnes concernées par la nouvelle rétention de sûreté avait été demandée à Mme Rachida Dati, Garde des sceaux, ministre de la Justice, lors de son audition par la Commission le 11 décembre dernier. Celle-ci avait alors affirmé, s’agissant du « nombre de personnes concernées par le texte », que « les individus extrêmement dangereux représentent, au sein de la population carcérale actuelle, une centaine de personnes, dont une quinzaine présente un risque de récidive sur mineurs de moins de quinze ans ». Il a remarqué que le nombre de personnes concernées serait ainsi beaucoup plus important si l’extension aux crimes contre les majeurs était adoptée et a désapprouvé, s’agissant de la méthode législative, l’examen tardif et précipité d’un changement aussi essentiel.

M. Jean-Paul Garraud a jugé préférable de ne pas établir, dans ce projet de loi, de distinction entre victimes mineures et victimes majeures, la dangerosité des criminels ne tenant pas à l’âge de leurs victimes. Il a considéré qu’il n’était pas ici question de légiférer dans l’émotion immédiate, puisque des crimes épouvantables ont été commis en France depuis de nombreuses années et que le projet de loi permettrait de mieux protéger la société de « grands prédateurs » particulièrement dangereux, dont le nombre excède largement la dizaine.

M. Jean-Christophe Lagarde a estimé que l’extension du dispositif aux victimes majeures a pour but d’éviter la réitération des crimes les plus graves, quel que soit l’âge de la victime, et non de répondre à l’émotion créée par un fait divers. Légiférer sous le coup de l’émotion consisterait au contraire à différencier le traitement pénal en fonction de l’âge de la victime, car ce sont les crimes commis à l’encontre des mineurs qui suscitent le plus d’émotion. Puis il a considéré que l’augmentation du nombre de personnes potentiellement concernées justifiait d’autant plus l’intervention d’une loi.

Après avoir rappelé que la commission des Lois travaille depuis plusieurs années sur la question de la prévention de la récidive criminelle, de même que le ministère de la Justice, en partenariat avec le ministère de la santé, avec des résultats intéressants, M. Guy Geoffroy a indiqué avoir visité, avec le Garde des Sceaux et le rapporteur, le centre de détention de Melun où un travail expérimental est mené en la matière. Loin d’avoir été préparé en urgence, le projet de loi se situe dans la continuité de ces actions tendant à répondre aux attentes de la population et à éviter que des personnes sortent de prison aussi dangereuses qu’elles y sont entrées. M. Guy Geoffroy a également déclaré que le texte n’était pas privatif de liberté, mais protecteur d’éventuelles futures victimes.

Rappelant que la dernière loi relative à la récidive date du 10 août 2007, Mme Élizabeth Guigou a estimé que légiférer à partir de faits divers conduit logiquement à une escalade sans fin, alors même que la loi pénale doit concilier la nécessaire répression avec le respect des grands principes du droit. Elle a regretté qu’un nouveau texte soit débattu sans qu’un bilan ait été dressé ni des moyens alloués à la justice, ni des lois précédentes qui ont amélioré le traitement pénal des criminels dangereux. Puis elle a jugé que le projet de loi contrevient aux principes fondamentaux du droit sans pour autant permettre une prévention plus efficace de la récidive, car les unités psychiatriques ne disposent pas des moyens nécessaires pour soigner les condamnés dès leur incarcération.

Après avoir partagé le constat d’un manque de moyens effectifs de contrôle des condamnés libérés, M. Dominique Raimbourg s’est inquiété de la probable extension du champ d’application du texte à chaque événement suscitant l’émotion du public, notamment sous la pression des victimes de crimes ou délits autres que ceux prévus par le projet de loi.

M. Michel Hunault a exprimé son désaccord avec la distinction entre les victimes majeures ou mineures et a rappelé qu’il préconisait depuis dix ans la prise en compte de la dangerosité des condamnés. Il a estimé que, face aux cas de récidives de crimes constatés ces dernières années, il était nécessaire d’améliorer la loi afin de mieux protéger les victimes, tout en s’interrogeant sur les moyens de la justice.

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Articles additionnels après l’article 12 :

La Commission a examiné l’amendement n° 107 de M. Michel Hunault visant à permettre aux présidents de conseil généraux et aux maires d’accéder au fichier national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles, spécialement lorsqu’ils recrutent des cadres exerçants des activités au contact des mineurs.

Après que le Président Jean-Luc Warsmann eut souligné la nécessité de rectifier cet amendement pour en préciser les modalités d’application, et notamment pour en réserver l’application aux préfets, et que M. Jean-Christophe Lagarde eut souhaité que soit prise pour référence la procédure existante pour les centres de loisirs, via les directions départementales de la jeunesse et des sports, la Commission a accepté cet amendement.

La Commission a ensuite accepté l’amendement n° 108 de M. Michel Hunault, prévoyant la remise au Parlement par le Gouvernement, au plus tard le 1er septembre 2009, d’un rapport sur les conditions d’application de la loi.