Rétention de sûreté

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2007-2008



Compte rendu 
intégral

Troisième séance du mardi 8 janvier 2008 

Rétention de sûreté 
et déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental (nos 442, 497).

Discussion générale

 

M. Michel Hunault. Mme Guigou, qui vient de s’exprimer au nom du groupe socialiste, a conclu son propos en affirmant que le projet de loi présenté par le Gouvernement et soutenu par la majorité était assimilable à ce qui se passait au temps de l’Allemagne nazie.

En 1998, alors que vous étiez garde des sceaux, madame Guigou, vous avez proposé un texte que, lors de la réunion de la commission des lois de ce matin, en votre présence, nous avons salué comme une étape importante pour améliorer la lutte contre les criminels sexuels. L’opposition de l’époque avait alors adopté une attitude constructive et s’était efforcée d’améliorer le texte.

Un point de désaccord demeurait néanmoins lors des débats : la prise en compte de la dangerosité des détenus, qu’il s’agisse de la remise de peine ou du suivi. Le texte que Mme la garde des sceaux a aujourd’hui le courage de nous présenter s’attaque à ce problème qui mérite beaucoup de modestie sur tous les bancs de notre assemblée, tant il est difficile. Nous ne légiférons pas sous le coup de l’émotion mais dans la sérénité. Je suis sûr que l’opposition a, autant que la majorité, la volonté d’améliorer notre système pour lutter contre ces crimes odieux, qui plongent dans le drame tant de familles.

Il y a dans les tribunes de cette enceinte des parents dont les enfants ont été tués. Leur répondre est un défi qui rend notre rôle de législateur peut-être plus difficile encore. Je souhaiterais donc que nous mesurions nos propos afin d’améliorer le texte, de le corriger peut-être, tant le Gouvernement est ouvert à la discussion et aux amendements. Au cours de ces derniers jours, notre rapporteur a accompli un travail remarquable, un travail d’écoute et de consultations pour trouver les moyens de relever ce défi de la lutte contre la récidive des personnes les plus dangereuses.

Tout au long de l’après-midi, l’opposition s’est élevée contre la situation dans les prisons françaises. Mais de grâce, qui donc, depuis six ans, vote les budgets pour l’améliorer ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Le 15 novembre dernier, les crédits de l’administration pénitentiaire ont été augmentés de 7 %. Jamais un plan de modernisation des lieux privatifs de liberté n’a été lancé avec des moyens financiers aussi modernes : des partenariats entre public et privé doivent ainsi accélérer la construction des prisons, tant il est nécessaire que chacune d’elles accueille moins de détenus. Mme la garde des sceaux a lancé le chantier de la loi pénitentiaire, qui vise à lutter contre la surpopulation carcérale, à rendre la détention provisoire plus exceptionnelle et à favoriser les mesures alternatives à la prison. Vous dites, comme l’oratrice qui m’a précédé, que tout cela n’est pas suffisant. Mais alors, aidez-nous à voter les budgets et à améliorer la situation !

Je vous rejoins, chers collègues de l’opposition, sur l’idée que l’on n’évitera pas de poser le problème des moyens : ceux de la psychiatrie, ceux du suivi socio-médico-judiciaire que vous avez voté. Vous avez indiqué que des centres avaient dû fermer faute de moyens. Nous en sommes d’accord : il faut que ce projet de loi donne aux juges les moyens d’exiger, comme le prévoit la loi, un suivi socio-médico-judiciaire. L’état de la psychiatrie en France est catastrophique : nous manquons de moyens humains, de structures adaptées et d’établissements. Le texte dont nous discutons n’aurait donc aucun sens s’il ne s’accompagnait d’une telle exigence de moyens quant au suivi.

Je voudrais par ailleurs, madame la garde des sceaux, revenir sur la mesure-phare, contestée, de votre projet de loi : la rétention de sûreté. Ce matin, j’ai déposé un amendement, cosigné avec le rapporteur, M. Garraud et M. Geoffroy, qui vise à ce qu’aucune distinction ne soit faite entre les victimes : celles-ci restent en effet ce qu’elles sont, qu’elles aient plus ou moins de quinze ans. Aussi proposons-nous d’étendre l’application de la mesure de sûreté. Je rappelle en effet que votre texte, madame la garde des sceaux, prévoit qu’un an avant la libération d’un détenu, une commission d’experts évalue la dangerosité de celui-ci : il s’agit d’éviter la sortie « sèche » d’une personne qui, ayant refusé de se soigner, serait en situation de récidiver. Je l’affirme au nom de mes collègues du Nouveau Centre : ce texte est un texte de protection.

Vous vous êtes demandé, madame Guigou, s’il était utile de légiférer. Oui, c’est utile : cet après-midi, Mme la garde des sceaux a cité des cas concrets. S’ils se sont produits, c’est qu’il existe des failles dans notre législation.

Notre ambition sera, lors de l’examen des articles, d’améliorer les textes de loi pour protéger la société, protéger les victimes et éviter la récidive. Je suis autant animé que vous par le respect essentiel auquel chacun a droit, et dont la France est dépositaire : nous sommes ici pour que l’on n’y porte pas atteinte.

Comme vous, je suis attaché à la dignité humaine. Pour avoir visité, avec une délégation du Conseil de l’Europe, des lieux privatifs de liberté, j’ai pu mesurer l’atteinte à la dignité de la personne humaine que constitue la prison pour des personnes qui n’ont aucune perspective. Je sais bien que tout prisonnier a vocation à sortir un jour mais, dans le cas des plus dangereux, c’est une obligation pour la société de prévoir un suivi et des soins, ainsi que d’évaluer leur degré de dangerosité.

Madame la ministre, soyez assurée du soutien du groupe du Nouveau Centre et de toute la majorité pour qu’enfin on évalue la dangerosité d’un détenu avant de le libérer.

Je pourrais ajouter à la liste évoquée par Mme la ministre le cas de ces criminels qui avaient violé et tué, mais qui sont sortis après avoir effectué la moitié de leur peine et qui ont recommencé. Sans ce projet de loi, ils pourraient continuer à bénéficier de remises de peine et sortir de prison sans que soit prise en compte leur dangerosité.

Ce texte difficile, qui propose des solutions, ne doit toutefois pas remettre en cause des principes dont nous sommes garants. Un amendement du Gouvernement porte sur le cas des détenus déjà jugés. Il soulève un problème difficile : nous en débattrons, avec le souci de veiller à la non-rétroactivité de la loi.

Au nom de mes collègues du Nouveau Centre, qui m’ont fait l’honneur de me désigner pour les représenter, je voudrais redire avec beaucoup d’humilité et de modestie à Mme la garde des sceaux qu’elle peut compter sur notre soutien. Mais sur des sujets aussi difficiles, mes chers collègues, de grâce, cessez de nous donner des leçons sur des principes auxquels nous sommes très attachés. Ce soir, au nom de l’émotion et du respect que nous inspirent les parents des victimes, que nous avons tous rencontrés, restons dignes. Comme l’a dit notre collègue Jean-Paul Garraud, ils ne sont pas animés par un esprit de vengeance mais de pardon. Ils ont également une exigence : il nous faut donc légiférer pour améliorer la loi et éviter que des faits semblables ne se reproduisent. Certes, une loi n’arrêtera pas les crimes, mais nous devons mettre tout en œuvre pour les prévenir.

Madame la garde des sceaux, c’est avec confiance que nous vous apportons notre soutien, mais un soutien exigeant, dans la fidélité à des valeurs qui nous sont communes et sur lesquelles, j’en suis certain, nous pouvons nous retrouver. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)