Responsabilité pénale du Chef de l’Etat

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2011-2012



Compte rendu
 intégral

Séance du mardi 17 janvier 2012

Application de l’article 68 
de la Constitution

Discussion d’un projet de loi organique

Motion de renvoi en commission

 Mme la présidente. Au titre des explications de vote, la parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre

M. Michel Hunault. Je serai très bref, car le rapporteur et, surtout, le garde des sceaux ont excellemment répondu à notre collègue Braouezec, que j’ai écouté avec beaucoup d’attention. Je le remercie de la qualité de ses propos, mais, comme le garde des sceaux et le rapporteur, j’ai trouvé qu’ils étaient hors sujet.

Je me demande, cher collègue, si nous avons bien assisté aux mêmes travaux. En effet, vous avez dit des choses très intéressantes sur la démocratie participative, mais le dernier texte que la majorité a été appelée à voter la semaine dernière avait précisément pour objet d’instaurer un référendum d’initiative populaire. Sous l’égide du garde des sceaux, nous en avons précisé les conditions, et c’est cette majorité qui a adopté cette réforme de nature à assurer une meilleure participation de nos concitoyens s’agissant des grands problèmes de notre démocratie. En revanche, votre groupe, me semble-t-il, a voté contre ce projet.

J’en conclus donc à une contradiction entre les propos que vous venez de tenir à la tribune et votre vote d’il y a huit jours. Vous avez alors voté contre une mesure qui avait précisément pour ambition de contribuer à cette démocratie participative.

Je crois donc qu’il n’y a pas lieu de voter votre motion.

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Discussion générale

 Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après ce suspens sur la position qu’arrêtera l’opposition mardi prochain, je me montrerai plus clair et vous donnerai, en présence notamment de Raymond Durand, toujours très présent, la position du groupe Nouveau Centre.

Après le récent examen du projet de loi portant application de l’article 11 de la Constitution et alors que nous arrivons au terme de la législature, le projet de loi organique qui nous est soumis parachève la mise en application effective de l’ensemble des dispositions adoptées en Congrès à Versailles en juillet 2008.

Au cours de ces dernières années, nous avons eu, dans le cadre de la réforme de la Constitution, de nombreux débats sur la modernisation des institutions, les droits et prérogatives de l’opposition comme de la majorité et, plus largement, sur le rôle du Parlement au sein de notre démocratie.

C’est dans la continuité de cette démarche que nous sommes appelés à examiner les modalités de mise en application de l’article 68 de la Constitution relatif à la procédure de destitution du Président de la République.

La modification du titre IX de la Constitution aura eu le mérite de mettre fin à un flou juridique et constitutionnel qui entourait le statut pénal du chef de l’État. Objet de positions divergentes à la fois du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, la question de la responsabilité pénale du Président de la République se devait d’être clarifiée.

Désormais, la Constitution pose le principe de l’irresponsabilité du Président de la République pour les actes qu’il accomplit en cette qualité et son inviolabilité provisoire pour les faits extérieurs ou antérieurs à la fonction présidentielle. Le régime pénal du Président de la République repose ainsi sur deux principes fondamentaux que sont à la fois la séparation des pouvoirs et la continuité de l’État.

Clef de voûte des institutions, le Président de la République est le représentant de la nation et doit à ce titre bénéficier des immunités qui s’attachent à cette qualité, immunités devant lui permettre d’assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. La Constitution reconnaît ainsi que le Président de la République n’est pas et ne peut être un justiciable comme les autres.

Pour en revenir au cœur des dispositions du projet de loi organique, rappelons que l’article 68 de la Constitution prévoit une procédure spécifique de destitution prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour, et ce en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ».

Comme l’a excellemment rappelé notre rapporteur, l’initiative de proposer la réunion de la Haute Cour revient donc intégralement au Parlement. Ainsi, en faisant dépendre la procédure de destitution d’une initiative parlementaire, les constituants ont clairement fait le choix d’une procédure parlementaire dénuée de tout caractère juridictionnel.

Au-delà du débat sur l’opportunité d’un tel choix, il nous revient aujourd’hui de déterminer les modalités d’exercice de cette procédure, en ayant à l’esprit le souci d’éviter un écueil majeur, celui de la responsabilité politique du chef de l’État devant le Parlement. Car la transformation de la procédure de destitution en une motion de censure politique du Parlement contre le Président risquerait de mettre à mal l’équilibre de nos institutions, particulièrement en période de cohabitation.

L’exposé des motifs du projet de loi organique précise, à ce titre, que la procédure de destitution « n’a ni pour objet ni pour effet de conférer à une minorité de parlementaires le droit de contester en toute circonstance ou à des fins partisanes l’action du Président de la République et de rendre celui-ci politiquement responsable devant le Parlement ». Le texte rappelle que « seul le Gouvernement, qui détermine et conduit la politique de la nation, assume cette responsabilité, dans les conditions prévues aux articles 49 et 50 de la Constitution ».

Ce faisant, si nous souhaitons que ces principes puissent trouver une application concrète, nous devons veiller à ce que la procédure de destitution soit entourée de garanties effectives, que le rapporteur nous a rappelées tout à l’heure. À cet égard, je tiens à saluer son travail, et celui de la commission des lois, qui a su, en s’inspirant notamment du rapport de la commission Avril, enrichir le texte de dispositions allant en ce sens.

En premier lieu, l’article 68 de la Constitution prévoit d’ores et déjà que « les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l’assemblée concernée ou la Haute Cour ». En complément de ce dispositif, le projet de loi soumet l’enclenchement de la procédure à certaines conditions. La proposition de résolution doit être signée par au moins un dixième des membres de l’assemblée devant laquelle elle est déposée. En outre, chaque membre du Parlement ne pourra signer, au cours de la durée d’un mandat présidentiel, qu’une seule proposition.

Par ailleurs, afin qu’une majorité politique ne puisse pas dénaturer le contenu d’une proposition de résolution, le texte prévoit qu’aucun amendement n’est recevable, à aucun stade de son examen.

En résumé, nous voulons rester fidèles à la volonté des constituants, nous voulons rester vigilants quant à la mise en application de cette procédure, qui, rappelons-le, n’a pas vocation à mettre en place une motion de censure politique du Parlement contre le Président de la République. Il convient, en ce sens, de préserver le caractère exceptionnel de cette procédure. L’objet de notre discussion n’est pas de revenir – et je rejoins en ceci Jean-Jacques Urvoas – sur le statut pénal du chef de l’État, mais de mettre en application l’article 68.

À l’image du travail exigeant de son rapporteur, la commission des lois a voulu encadrer cette procédure. C’est pourquoi, au nom du groupe Nouveau Centre, j’appelle tous nos collègues à voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)