Réforme des collectivités territoriales

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2009-2010



Compte rendu
 intégral

Première séance du mercredi 2 juin 2010 

Réforme des collectivités territoriales

Suite de la discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat 

Discussion des articles

Article 32 (suite)

 

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de suppression de l’article, n° 56.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, cet amendement vise à supprimer l’article 32 afin de pouvoir maintenir le régime actuel de détermination de l’intérêt communautaire, le texte issu de la commission prévoyant le passage à un vote à la majorité simple du seul conseil communautaire.

Monsieur le secrétaire d’État, l’un des intérêts du texte du Gouvernement est d’associer les communes au fonctionnement de l’intercommunalité. La meilleure preuve en est que la désignation des conseillers communautaires fait l’objet d’un scrutin fléché, à partir de la liste des candidats aux élections municipales. Il existe donc un lien organique entre conseil municipal et conseil communautaire, les conseillers communautaires étant choisis parmi les conseillers municipaux.

En revanche, prévoir que la définition de l’intérêt communautaire ne sera déterminée qu’au sein du conseil communautaire revient à déconnecter complètement les communes du débat communautaire. S’il n’y a qu’un seul délégué communautaire au sein du conseil communautaire, il n’y aura plus de débat devant les conseils municipaux. Or, il est important que ces derniers soient tenus informés de ce qui se passe au sein du conseil communautaire et qu’ils puissent s’approprier ces données à travers un débat.

M. Jacques Pélissard. Déconnecter le conseil municipal du conseil communautaire est un risque qu’il ne faut pas courir. Il faut éviter de marginaliser les communes par rapport à l’intercommunalité.

Je vous invite donc, chers collègues, à adopter cet amendement qui permet de maintenir l’engagement des communes dans la définition de l’intérêt communautaire, au travers d’un vote à la majorité qualifiée des conseils municipaux.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Perben, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 56.

M. Dominique Perben, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, madame la présidente.

Aujourd’hui, les conditions dans lesquelles l’intérêt communautaire est défini différent selon les structures intercommunautaires : dans les communautés de communes, la définition de l’intérêt communautaire exige un accord à la majorité qualifiée des communes membres de l’EPCI ; dans les communautés d’agglomération et les communautés urbaines, il suffit d’un accord exprimé par le conseil communautaire à la majorité qualifiée des deux tiers.

L’article 32 apporte deux modifications au régime actuel.

D’une part, il est proposé de confier la définition de l’intérêt communautaire au conseil communautaire dans les communautés de communes, point que vous souhaiteriez voir modifier, monsieur Pélissard. Au vu de ce qui se passe dans les communautés d’agglomération, il n’y a pas de difficultés à redouter. J’ai moi-même pendant longtemps présidé une telle structure et je peux vous dire que le système fonctionnait sans problème avec la majorité des deux tiers. Les services du ministère n’ont pas recensé de difficultés par ailleurs.

D’autre part, il est proposé de remplacer la majorité qualifiée par une majorité simple.

Il importe de bien comprendre que notre démarche repose sur la volonté de prendre en compte le renforcement du sentiment communautaire. Je ne pense pas que le président de l’Association des maires de France la conteste. Beaucoup de responsables d’intercommunalité ont appelé de leurs vœux une évolution en ce sens.

Reste à trouver les meilleures modalités pour y parvenir. Que la décision soit prise par le conseil communautaire me paraît une bonne chose. Je précise que la règle que nous proposons est celle de la majorité des membres et non celle de la majorité simple, monsieur Pélissard.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Le projet du Gouvernement prévoyait d’aligner les différents régimes sur une majorité simple du conseil communautaire. La commission des lois du Sénat a supprimé cet article et la commission des lois de votre Assemblée a souhaité le rétablir en le modifiant. Le Gouvernement ne peut que suivre la proposition de votre commission, qui est conforme à son projet initial : il faut bien maintenir une certaine cohérence. Du reste, cette simplification se situe dans la logique de la maturation progressive du fait intercommunal, comme l’a souligné M. le rapporteur.

Monsieur Pélissard, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Je comprends l’inquiétude exprimée par M. Pélissard. Les propos du rapporteur n’ont rien de rassurant. Le fait qu’il n’y ait pas eu de difficultés jusqu’à présent ne saurait constituer un argument. C’est l’objet même de la loi que de prévenir les difficultés à venir.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Pour ma part, je suis d’accord avec la commission et le Gouvernement. Compte tenu de l’évolution de l’intercommunalité, il n’y a pas lieu de traiter différemment une intercommunalité pour laquelle le scrutin fléché permettra déjà d’inscrire de manière très intéressante le débat intercommunal dans les élections. Par ailleurs, la présence d’une majorité des représentants des communes me semble aller dans le sens d’une simplification de nature à opérer une convergence avec les autres formes de structures dans lesquelles l’accord s’établit sans difficulté.

On sait très bien que, dans ces cas, la discussion préalable a lieu partout. Une telle mesure de simplification a pour seul objectif d’acter que l’intercommunalité est tout de même composée des représentants des communes.

Mme la présidente. La parole est à M. René Couanau.

M. René Couanau. Je joindrai ma voix à celle du président Pélissard et j’apporterai donc mon soutien à son amendement.

Je partage d’une façon générale l’inquiétude qui s’exprime sur ces bancs face à ce projet de loi qui renforce sérieusement la communauté – ce n’est pas un mal – mais au détriment de la commune, ce qui me paraît prématuré et quelque peu risqué. Je suis, en effet, désolé de contredire le rapporteur, mais cet amendement tend à parer à un danger que je sens bien. Ainsi, le mode de désignation des conseillers composant la communauté, les facilités accordées en matière de transfert de compétences et l’absence de consultation de la commune lorsqu’il s’agira de définir l’intérêt communautaire provoqueront progressivement une rupture qu’il aurait été alors préférable d’inscrire dans les lignes du projet de loi. Or c’est du non-dit. Je préférerai donc, pour ma part, qu’on le précise nettement. Je ne suis, quant à moi, pas partisan d’un transfert de compétences forcené aux communautés parce que je suis favorable au maintien des communes. Je vois, là encore, un signe inquiétant de plus.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Nous sommes tout à fait d’accord avec les objectifs de l’amendement du président Jacques Pélissard. Toutefois, là encore, le rapporteur et le secrétaire d’État ont eu raison d’apporter les apaisements voulus. Le texte que le Gouvernement nous propose de voter est-il est un progrès ou un recul sur l’existant ? C’est plutôt un progrès. En effet, s’agissant du mode de désignation lors des élections municipales, il y aura un fléchage. Nous connaîtrons alors avec précision quels élus siégeront dans l’intercommunalité. En outre, je rappelle, sous l’autorité du secrétaire d’État et du rapporteur, qu’une amélioration est apportée puisque toutes les sensibilités politiques seront représentées à la proportionnelle.

Enfin, un seuil de majorité est proposé concernant les questions d’intérêt communautaire. Nous savons comment cela se déroule dans la pratique. Il y a toujours un débat annuel sur ce qui se passe dans l’intercommunalité et les représentants des conseils municipaux ont un devoir d’information.

Par conséquent, autant je rejoins le président Pélissard sur les objectifs de son amendement, autant je considère qu’il a été écouté et que la commission des lois a eu raison d’apporter ces précisions.

(L’amendement n° 56 est adopté.)

……….

Article 34

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Que l’on passe un peu de temps sur la situation des personnels transférés dans le cadre de cette loi me paraît une bonne chose. Le Gouvernement s’en est remis à la sagesse de l’Assemblée. Est-il vraiment indispensable, monsieur le rapporteur, de trancher entre la mise à disposition et le transfert, ne peut-on pas laisser le choix ?

Thierry Benoit a pris un exemple de personnels transférés dans le cadre des compétences nouvelles de la région mais je me souviens qu’en commission des lois, nous avons dû passer beaucoup de temps pour régler la situation des agents de l’équipement. Nous nous sommes en effet aperçu au bout de quelques années que, pour les centres d’intervention, nous avions à peu près réglé le problème juridique de transfert des matériels mais que nous n’avions rien réglé du tout pour le personnel.

Certains sont favorables au transfert, d’autres à la mise à disposition. Est-il vraiment du domaine de la loi de régler catégoriquement le problème cet après-midi ? Ne pourrait-on pas laisser le choix ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Domergue.

M. Jacques Domergue. Les EPCI sont des collectivités à fiscalité propre.

M. Jacques Domergue. Il est donc important qu’elles maîtrisent leur budget et, notamment, cela paraît évident, qu’elles prennent en charge le personnel. Quand on transfère une compétence, la loi impose que l’on transfère également le personnel correspondant.

La notion de transfert me paraît irréversible. Si vous transférez une compétence à une intercommunalité, il paraît logique que vous transfériez le personnel. Sinon, la personne sera salariée par la commune et mise à disposition de l’intercommunalité, avec un droit à un système de rétrocession, ce qui alourdit le travail administratif, alors qu’on pourrait très bien clarifier les choses en prévoyant simplement qu’à partir du moment où une personne est transférée, elle appartient à la nouvelle intercommunalité.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Perben, rapporteur. La mutation, monsieur Morel-A-L’Huissier, est une mesure individuelle – une personne est mutée d’une collectivité à une autre –, alors que le transfert est collectif, en accompagnement du transfert de compétences. Voilà la différence entre les deux.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard. Pour les agents, la mise à disposition est une sécurité, car elle implique l’accord de celui qui est mis à disposition, celui de l’EPCI d’accueil et celui de la commune d’origine.

C’est mieux également pour la collectivité parce que la mise à disposition peut être partielle alors qu’un transfert est à 100 %. Dans ma propre intercommunalité, par exemple, on a transféré la compétence sportive. Certaines communes ont transféré des agents à temps partiel, qui, pour d’autres tâches, restent affectés à leur commune. Cela évite des doublons et des dispositifs trop lourds, cela permet plus de souplesse à la fois pour l’agent et pour les collectivités.

M. Philippe Vuilque. Absolument !

(L’amendement n° 562 est adopté.)

(…)

Avant l’article 35

(…)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. L’amendement de notre collègue Lecoq a l’intérêt d’anticiper la discussion sur l’article 35. Je rejoins pour ma part ce que vient de dire le rapporteur. Vous savez, monsieur le secrétaire d’État, qu’on ne peut réformer les collectivités territoriales sans s’engager dans une clarification des compétences. Aujourd’hui, plus personne ne sait qui fait quoi. Certains investissements nécessitent le concours de plusieurs collectivités territoriales.

Permettez-moi néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, de vous demander une précision. Il m’avait semblé, dans la discussion générale et en commission, que la clause de compétence générale ne concernerait pas l’immense majorité des communes de France, notamment celles de moins de 3 500 habitants. Pour beaucoup de communes, certains investissements seraient impossibles sans le concours des départements et des régions.  Il est donc important de préciser qu’elles ne seront pas concernées par la réforme.

D’autre part, deux secteurs – le sport et la culture – paraissent plus sensibles encore. Vous avez confirmé, monsieur le secrétaire d’État, que, pour ces secteurs essentiels, départements et régions pourront continuer à apporter leur participation.