Réforme de la garde à vue

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session extraordinaire de 2010-2011



Compte rendu 
intégral

Deuxième séance du jeudi 20 janvier 2011

Garde à vue

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 34 à l’article 7.

Article 7 (suite)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 183.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Cet amendement a deux objets.

D’une part, il propose de supprimer les deux dernières phrases de l’alinéa 9, qui autorisent les policiers à censurer des questions posées par l’avocat de la personne mise en cause, car cette possibilité de censure n’est pas accompagnée de garde-fou puisque toute question qui serait « de nature à nuire au bon déroulement de l’enquête » pourra être écartée. Les policiers pourraient donc parfaitement empêcher systématiquement les avocats de poser des questions. Quant à la deuxième justification de cette censure, il s’agit d’une véritable provocation : en effet, les policiers sont autorisés à censurer une question si elle nuit « à la dignité de la personne ». Comme si une question d’un avocat de la défense, chargé de défendre son client, allait porter atteinte à la dignité de la personne ! Faut-il rappeler que, dans le dispositif de la garde à vue, les abus en termes de dignité de la personne constatés ces dernières années n’avaient pas pour auteurs des avocats mais bien, malheureusement, quelques policiers ? Pouvez-vous, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, nous donner un exemple concret d’une question d’avocat qui serait susceptible de nuire à la dignité de la personne et qui justifierait par conséquent sa censure par les policiers ? Pensez-vous réellement que l’objectif des avocats, qui portent la robe après avoir prêté serment, soit de porter atteinte à la dignité de la personne ? Le sens de leur engagement n’est-il pas plutôt de protéger, partout où c’est nécessaire, cette dignité, tant de fois mise en cause par les conditions déplorables de la garde à vue ?

D’autre part, notre amendement propose d’ajouter que l’avocat peut « formuler des observations orales ». Il s’agit de mettre en conformité le présent projet de loi avec les arrêts rendus le 19 octobre 2010 par la chambre criminelle de la Cour de cassation, dont il résulte que l’avocat doit pouvoir participer aux auditions. Ainsi, à l’issue de celles-ci, l’avocat doit pouvoir formuler des observations orales. Il n’est pas pensable de le cantonner à un rôle de simple témoin ou de contrôleur de la légalité de la procédure. Or, en l’état actuel du texte, le défenseur de la partie poursuivie ne peut intervenir que sous la forme interrogative !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Le texte de la commission, contrairement à l’amendement, apporte une précision qui s’inspire de la procédure de l’instruction où il est bien précisé que le juge « peut s’opposer aux questions de nature à nuire au bon déroulement de l’information ou à la dignité de la personne » – c’est l’article 120 du code de procédure pénale. Certains bancs jugeront très bonne cette disposition puisqu’elle découle d’une loi du 15 juin 2000. Vous voyez, monsieur Muzeau, dans quel état d’esprit nous sommes. Mais votre amendement est en contradiction avec cette disposition. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Je suis pour le rejet de cet amendement, en raison de l’une de vos interventions de ce matin, monsieur le ministre, durant laquelle, à l’appui de l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, vous avez explicité le rôle de l’avocat.

Jusqu’à présent, nous étions dans une situation dénoncée par le Conseil constitutionnel, la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de cassation.

Ce projet de loi vise un équilibre et la présence d’un l’avocat qui ait un rôle. Contrairement à vous, monsieur Brard, je pense que le rapporteur a très bien répondu en citant l’alinéa 9 où il est précisé : « l’avocat peut poser des questions ».

Le rôle de l’avocat est reconnu par la loi. Nous n’avons aucun intérêt à aller plus loin. D’ailleurs, nous avons déjà eu ce débat, et une partie de l’opposition s’est abstenue sur vos amendements ce matin sur le thème : l’avocat assiste une personne privée de liberté, mais c’est un auxiliaire de justice. Nous n’en sommes pas au stade de la confrontation mais à celui de l’enquête, de la recherche de la vérité.

Avec la majorité, monsieur le ministre, vous devez être vigilant et veiller à cet équilibre. Quel est le rôle de l’officier de police judiciaire qui va diriger la garde à vue ? Il doit trouver la cause de crimes ou de délits graves. L’avocat joue un rôle d’auxiliaire et il doit garantir le respect de la présomption d’innocence durant ces heures essentielles de garde à vue où des charges pourront être retenues et resteront contre la personne mise en examen.

Monsieur Brard, je comprends la signification de votre amendement, mais il ne va pas dans le sens que vous souhaitez vis-à-vis de la personne privée de liberté. Le texte est équilibré ; nous y avons veillé au cours de cette discussion parlementaire. Tout en étant aussi attaché que vous à ce rôle actif de l’avocat, je suis contre la rédaction de votre amendement.