Re-découpage des circonscriptions législatives

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2008-2009



Compte rendu
 intégral

Deuxième séance du mercredi 19 novembre 2008

Application de l’article 25
 de la Constitution

Création de la commission
 prévue à l’article 25 de la Constitution
 et élection des députés

 Discussion générale

M. Michel Hunault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous entrons, à la faveur de l’examen de ces projets de lois organique et ordinaire, dans une étape de concrétisation de la réforme constitutionnelle adoptée en juillet dernier à l’issue de débats d’une riche intensité, tant au sein de cet hémicycle qu’au Sénat.

À ce titre, je tiens à rappeler l’importance de la révision constitutionnelle qui vise à valoriser, contrairement à ce qui a été dit par l’opposition, le rôle du Parlement.

Dois-je vous rappeler, chers collègues de l’opposition, que, grâce à cette réforme que vous avez combattue, vous avez pu vous exprimer en septembre dernier sur la présence de nos troupes en Afghanistan ? Si vous appelez cela affaiblir le rôle du Parlement, vous vous trompez.

Cette révision était devenue indispensable avec l’adoption du quinquennat puis l’inversion du calendrier électoral.

Je souhaite rappeler l’objectif des textes que nous examinons aujourd’hui.

Il s’agit d’abord de respecter l’obligation posée par le code électoral de procéder à un redécoupage de nos circonscriptions législatives après deux recensements généraux de la population. Je rappelle que les délimitations de nos circonscriptions reposent toujours sur les données du recensement général opéré en 1982, il y a plus de vingt-cinq ans, alors que, depuis 1986 et le dernier redécoupage, deux recensements généraux ont eu lieu, en 1990 puis en 1999. Comme l’indique le Conseil constitutionnel, il est donc grand temps pour le législateur d’autoriser le Gouvernement à procéder à un redécoupage.

Afin de conforter la position du Gouvernement, je veux citer les observations du Conseil constitutionnel dans sa délibération du 7 juillet 2005.

« Dans la perspective des élections présidentielle et législative de 2007 […] et compte tenu des évolutions de la législation intervenues depuis 2002, le Conseil constitutionnel formule les observations suivantes :

« Le remodelage des circonscriptions législatives.

« Le Conseil constitutionnel a observé, à propos des élections législatives de 2002, que la recherche de l’égalité rendait ce remodelage nécessaire.

« En effet, le découpage actuel résulte de la loi n° 86-1197 du 24 novembre 1986 relative à la délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés. Il repose sur les données du recensement général de 1982. Depuis lors, deux recensements généraux, intervenus en 1990 et 1999, ont mis en lumière des disparités de représentation peu compatibles avec les dispositions combinées de l’article 6 de la Déclaration de 1789 et des articles 3 et 24 de la Constitution.

« Ces disparités ne peuvent que s’accroître avec le temps.

« Il incombe donc au législateur de modifier ce découpage. Si cela n’est pas fait avant les prochaines élections législatives, ce qui serait regrettable, cela devra être entrepris au lendemain de celles-ci. »

Le Nouveau Centre appuie le Gouvernement dans sa volonté de procéder au redécoupage suggéré par le Conseil constitutionnel à maintes reprises, et que la gauche n’avait pas eu le courage de faire quand elle était aux affaires entre 1997 et 2002.

Si l’on ne saurait trop souligner que, malgré les critiques qu’il avait alors essuyées, le redécoupage opéré en 1986 n’avait pas empêché l’opposition de l’époque de devenir majoritaire suite aux élections législatives de 1988, nous ne pourrons, mes chers collègues, que nous réjouir de voir mise en place, conformément aux nouvelles dispositions de l’article 25 de notre Constitution, une commission indépendante chargée de se prononcer par un avis public sur les modalités du redécoupage.

Si ladite commission voit son indépendance consacrée dans le code électoral, cette indépendance se trouve également confortée, monsieur Urvoas, par les dispositions amenées à en régir la composition. Elle sera ainsi composée de trois personnalités nommées respectivement par le Président de la République, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat après consultation des commissions compétentes de chaque assemblée. À ces trois personnalités se joindront trois magistrats issus de chacune de nos juridictions suprêmes et désignés par leurs pairs. Nous nous réjouissons de l’étendue des garanties ainsi offertes à cette commission en termes d’impartialité et d’indépendance.

Le redécoupage des circonscriptions législatives devra permettre à l’Assemblée nationale de représenter plus justement l’ensemble de nos compatriotes, et ce en prenant en compte les évolutions démographiques qu’a connues la population française depuis 1982, tout en conservant certains tempéraments relevant de la tradition républicaine, lesquels permettent à chaque département d’être représenté par un minimum de deux députés : je pense notamment à ceux dont la population est inférieure à 100 000 habitants.

Les parlementaires du Nouveau Centre soutiennent les tempéraments inhérents à cet impératif de justice territoriale, qui s’imposeront à la mise en conformité des circonscriptions législatives avec les évolutions démographiques. Je suis sûr, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement rassurera les collègues de ces départements peu peuplés.

Par ailleurs, je veux également évoquer la question de la représentation à l’Assemblée nationale de nos concitoyens de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Si leur mode actuel de représentation n’est pas de nature à soulever de difficulté, il serait au contraire problématique de déroger à la règle selon laquelle chacune de nos collectivités ultramarines se voit représentée par un député au moins, quand bien même le regroupement de ces deux collectivités au sein d’une seule et même circonscription législative serait justifié par des considérations d’ordre démographique et géographique. En effet, nous ne souhaitons pas que soit permise outre-mer une dérogation aux principes que nous défendons pour les circonscriptions de l’hexagone.

Plus généralement, le redécoupage de nos circonscriptions législatives prendra pour la première fois en compte la nécessité de représenter à l’Assemblée nos concitoyens établis hors de nos frontières, sans que ceux-ci aient pour autant à voter dans une circonscription où ils ne résident plus. Cette mesure était un engagement du Président de la République. Permettre aux Français établis hors de France d’être représentés au sein des deux chambres de notre Parlement est, outre une exigence constitutionnelle depuis juillet dernier, un impératif, tant au regard de la particularité des enjeux auxquels ceux-ci sont confrontés que du véritable rôle d’ambassadeurs de notre pays qu’ils exercent quotidiennement. Il est parfois bon de le rappeler dans notre hémicycle.

Il faudra toutefois permettre à cette représentation d’être effective, notamment en donnant à tous nos compatriotes établis à l’étranger la possibilité d’exercer leur droit de vote sans qu’ils aient à entreprendre de trop longs déplacements. De plus, une réflexion devra être menée sur l’équilibre à trouver entre le poids démographique de chacune de ces nouvelles circonscriptions et leur étendue géographique, dans le sens d’une représentation équitable de l’ensemble de nos concitoyens.

Enfin, l’examen de ces projets de lois organique et ordinaire sera également l’occasion de nous pencher sur la question du caractère désormais provisoire de la suppléance d’un parlementaire accédant à des fonctions gouvernementales. Cette mesure est empreinte de bon sens.

J’en veux pour preuve les faibles chiffres de la participation lors des élections législatives partielles consécutives à la démission d’un ministre souhaitant redevenir parlementaire.

Monsieur le secrétaire d’État, le Nouveau Centre soutient le Gouvernement avec confiance, car celui-ci apporte des garanties pour l’impartialité de la commission indépendante chargée d’accompagner la nécessaire réforme dont nous débattons. À ceux d’entre nous qui la combattent, je rappelle qu’elle est exigée par le Conseil constitutionnel.

Toutefois, j’ai écouté les arguments de l’opposition avec beaucoup d’attention, notamment au sujet du mode de scrutin. Ce débat concerne la loi ordinaire et l’organisation de la représentation de nos concitoyens au sein de l’Assemblée. Tous les partis politiques ont le devoir de travailler au renouvellement de la classe politique et de faire une place, non seulement aux femmes, mais aussi aux minorités.

Il est anormal que les députés siégeant dans l’hémicycle ne soient pas représentatifs de la population française. Tous les partis politiques sont confrontés aux défis du renouvellement et du rajeunissement. Cette obligation, monsieur le secrétaire d’État, nous est commune. Elle seule donnera leur pleine légitimité aux lois que nous adoptons, parfois avec peine, et que nous peinons plus encore à faire accepter. La réflexion en ce domaine dépasse le cadre de ces deux projets de loi, mais elle est nécessaire.

Vous avez pu compter sur le soutien des députés du groupe Nouveau Centre lors de la révision constitutionnelle votée à Versailles en juillet dernier, conformément à l’exigence du Président de la République de moderniser nos institutions et notre vie politique. Aujourd’hui, vous nous en proposez la première concrétisation : nous vous apporterons de nouveau notre soutien.