Rapport sur Projet de Protocole additionnel à l’Accord européen sur la transmission des demandes d’assistance judiciaire

Catégories: Commission des questions juridiques et des droits de l'homme, Conseil de l'Europe, Europe, Justice

Parliamentary Assembly

Assemblée parlementaire

Doc. 9071                                                                                                      3 mai 2001

Projet de Protocole additionnel à l’Accord européen sur la transmission des demandes d’assistance judiciaire

Rapport

Commission des questions juridiques et des droits de l’homme

Rapporteur: M. Michel Hunault, France, Groupe des démocrates européens

Résumé

Le rapport approuve le projet de protocole sous réserve de quelques modifications mineures. Étant donné que ce projet traite seulement des affaires civiles, commerciales et administratives, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres d’étudier les moyens d’améliorer aussi la coopération européenne concernant l’assistance judiciaire en matière pénale.

I.        Projet d’avis

1.        Il est évident que les personnes dépourvues de ressources suffisantes ne peuvent exercer leurs droits en justice, dans leur pays et à l’étranger, que si une assistance judiciaire leur est effectivement accordée.

2.        Cette assistance consiste en une subvention de l’Etat ou d’une autre autorité aux personnes dont les revenus sont insuffisants pour leur permettre de payer les frais encourus pour la défense de leurs intérêts devant les tribunaux. Il est tout à fait essentiel de garantir à tous l’égalité d’accès à la justice.

3.        L’Assemblée note qu’aux termes de la Convention européenne des droits de l’homme, l’assistance judiciaire en matière pénale est un droit fondamental. D’après l’article 6, paragraphe 3 (c):

      «3. Tout accusé a droit notamment à:.

      …

  • (c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent;»

4.        Il est donc un peu surprenant que le Conseil de l’Europe n’ait pris aucune mesure pour veiller à l’application de l’article 6 § 3 (c) de la Convention européenne des droits de l’homme à l’assistance judiciaire en matière pénale, s’en remettant simplement sur ce point à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

5.        De nombreux pays membres du Conseil de l’Europe ont mis en place un système d’assistance judiciaire satisfaisant. Pratiquement tous ces Etats sont devenus Parties à l’Accord européen du Conseil de l’Europe sur la transmission des demandes d’assistance judiciaire.

6.        Cet Accord européen concerne la transmission des demandes d’assistance judiciaire en matière civile, commerciale et administrative. Il a été ratifié par vingt-trois pays membres, signé par cinq autres Etats membres et est entré en vigueur le 28 février 1977.

7.        Le Comité des Ministres propose à présent un protocole additionnel à cet Accord afin de:

i.        faciliter, accélérer et améliorer les procédures de transmission des demandes d’assistance judiciaire en matière civile, commerciale et administrative;

ii.        améliorer la communication entre le demandeur et son avocat.

8.        L’Assemblée

i.       approuve ce projet de protocole sous réserve des amendements suivants à son article 4:

  •       a.        Après l’alinéa a) ajouter le nouvel alinéa suivant:

◦                     «D’informer les autorités expéditrices des décisions prises au sujet de la demande.»

  •       b.        Inverser l’ordre des alinéa b. et c.

ii.       recommande au Comité des Ministres, sous réserve des amendements ci-dessus, d’ouvrir le projet de protocole à la signature et à la ratification;

iii.       recommande au Comité des Ministres d’inviter les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait, de mettre en place un système d’assistance judiciaire approprié et de ratifier l’Accord européen sur la transmission des demandes d’assistance judiciaire;

iv.       recommande au Comité des Ministres de charger son comité directeur pour les problèmes criminels (CDPC), en coopération avec le comité d’experts sur l’efficacité de la justice (CJ-EJ), d’étudier la coopération internationale concernant la transmission des demandes d’assistance judiciaire, tant pour les victimes que pour les personnes suspectées ou accusées d’actes criminels.

II.       Exposé des motifs

  •       par M. Hunault, rapporteur

1.        De nombreux pays membres du Conseil de l’Europe accordent une «aide» ou une «assistance» judiciaire aux personnes dont les revenus sont insuffisants pour leur permettre de faire face aux frais encourus pour la défense de leurs intérêts devant les tribunaux. En pratique, cela signifie qu’une autorité officielle désigne un avocat d’office, dont les frais et honoraires sont pris en charges par l’Etat. Cette subvention est considérée comme essentielle pour garantir à tous l’égalité d’accès à la justice et remplace le système en vigueur autrefois lorsque les avocats assuraient à leurs frais la défense de leurs clients démunis (pro Deo).

2.        D’après la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) l’assistance judiciaire en matière pénale est considérée comme un droit fondamental et, conformément à l’article 6 § 3 (c) de ladite convention «Tout accusé a droit… à se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent;». On peut se demander pourquoi cette disposition apparaît comme un droit fondamental uniquement dans une procédure pénale. Des droits fondamentaux comme le droit à la vie privée, à la liberté de religion, à la propriété, au regroupement familial, et d’autres droits -tous énumérés dans la CEDH- peuvent être tout aussi importants et justifier l’octroi d’une assistance judiciaire. Ce n’est toutefois pas le sujet du présent rapport, mais la commission des questions juridiques et des droits de l’homme pourrait y revenir dans le rapport sur l’inclusion de nouveaux droits dans la convention que son rapporteur, Mme Nabholz-Haidegger, est en train d’élaborer.

3.        L’assistance judiciaire peut aller bien au-delà de la prise en charge des frais de justice. Elle peut inclure la communication d’informations, des conseils juridiques et une assistance dans des conditions, à des moments et dans des lieux qui conviennent aux demandeurs, une attention particulière devant être accordée à l’aptitude des clients à comprendre ce que leurs avocats leur disent.

4.        D’après l’article 6 § 3 (c) de la CEDH, deux conditions doivent être remplies pour que l’assistance judiciaire soit accordée gratuitement à un accusé: d’une part celui-ci ne doit pas avoir les moyens de rémunérer un défenseur et d’autre part il faut que les intérêts de la justice l’exigent. À cet égard, plusieurs critères seront pris en compte, comme la gravité de l’infraction et de la peine potentielle, la complexité de l’affaire et la situation personnelle de l’accusé.2

5.        Il serait certes intéressant de développer chacun de ces critères et la jurisprudence de la Cour, mais il n’y a pas lieu de le faire ici surtout parce que la jurisprudence de la Cour porte sur des affaires pénales, tandis que le projet de protocole à l’étude concerne uniquement l’assistance judiciaire en matière civile, commerciale et administrative. Pour aider les personnes à obtenir une assistance judiciaire en matière civile, commerciale et administrative à l’étranger, l’article 1 de l’Accord européen sur la transmission des demandes d’assistance judiciaire dispose que «Toute personne, ayant sa résidence habituelle sur le territoire d’une des Parties contractantes, qui désire demander l’assistance judiciaire en matière civile, commerciale ou administrative sur le territoire d’une autre Partie contractante peut présenter sa demande dans l’Etat de sa résidence habituelle. Cet Etat est tenu de transmettre la demande à l’autre Etat.»

6.        L’Accord ne porte que sur la transmission des demandes. Il ne contient aucune disposition concernant les conditions matérielles que le demandeur doit remplir pour recevoir une assistance judiciaire. Son objectif est de permettre à une personne économiquement faible d’obtenir plus facilement une assistance judiciaire dans une Partie contractante autre que celle dans laquelle elle réside habituellement. Cette personne doit faire une demande à l’autorité expéditrice de son pays de résidence et cette autorité lui fournira toutes les informations utiles pour présenter une demande et l’aidera à régler les difficultés qu’elle pourrait rencontrer. Il est clair que seuls les Etats membres du Conseil de l’Europe qui sont eux-mêmes dotés d’un système d’assistance judiciaire approprié peuvent devenir Partie à l’Accord. Ce serait aller trop loin cependant que de prétendre que les Etats membres qui n’ont pas ratifié l’Accord sont sans doute dépourvus d’un tel système. En fait, certains pays ne peuvent aisément ratifier la convention à cause d’une situation constitutionnelle complexe lorsque, par exemple, les questions relatives à l’assistance judiciaire ne relèvent pas du gouvernement central mais des pouvoirs locaux ou régionaux. L’article 7 de l’Accord disposant que les autorités centrales des Parties contractantes se tiennent mutuellement informées de l’état de leur droit en matière d’assistance judiciaire, il a été décidé de constituer un comité multilatéral de l’Accord européen sur la transmission des demandes d’assistance judiciaire, chargé de coordonner l’action des autorités centrales.

7.        Depuis son adoption et son ouverture à la signature en 1977, l’Accord a été complété par diverses résolutions et recommandations du Comité des Ministres visant à accroître son efficacité. Il apparaît maintenant utile de compléter l’Accord par un protocole additionnel afin d’établir quelques principes relatifs à la communication entre les clients et leurs avocats et d’améliorer l’efficacité de l’Accord.

8.        Ces questions auraient sans doute pu être traitées dans le cadre d’une recommandation exhaustive du Comité des Ministres aux gouvernements membres, mais le Comité des Ministres s’est prononcé en faveur d’un protocole additionnel qui -une fois signé et ratifié par les Parties contractantes- se révèlera peut-être plus efficace qu’une nouvelle recommandation. Étant donné la nature du projet de protocole (coopération entre Etats) et son libellé qui n’est pas toujours contraignant (par exemple le membre de phrase à l’article 3 paragraphe 2: «Lorsque l’application du paragraphe 1 .. n’est pas réalisable… ») le Comité aurait pu opter à nouveau pour une recommandation. Cependant, l’Assemblée souhaiterait respecter le choix du Comité des Ministres et approuver le projet de protocole auxquelles il est proposé d’apporter quelques modifications mineures dans le projet d’avis soumis à l’Assemblée.

9.        Comme il est indiqué plus haut, l’assistance judiciaire est considérée comme un droit fondamental en matière pénale, mais il est surprenant que le Conseil de l’Europe et son Comité directeur pour les problèmes criminels (CDPC) n’aient pas tenté de mettre en oeuvre cette disposition par des mesures concrètes de coopération au niveau européen, comme celles qui ont été prises pour l’assistance judiciaire en matière civile, commerciale et administrative. Certes, la situation en matière pénale est différente, néanmoins votre rapporteur pense qu’il y a ici une lacune et il propose que le Comité des Ministres charge le CDPC d’examiner la question, en coopération avec le Comité d’experts sur l’efficacité de la justice (CJ-EJ). Il est d’ailleurs évident que l’assistance judiciaire en matière pénale devrait s’appliquer tant aux victimes qu’aux personnes suspectées ou accusées d’actes criminels.

Commission chargée du rapport: commission des questions juridiques et des droits de l’homme

Renvoi en commission: Doc 8983, renvoi n° 2591 du 14 mars 2001

Projet d’avis adopté à l’unanimité par la commission le 26 avril 2001

Membres de la commission: M. Jansson (Président), M. Magnusson, M. Frunda, Mme Gülek (Vice-présidents), M. Akçali, M. G. Aliyev, M. Andreoli, Mme van Ardenne-van der Hoeven, M. Attard Montalto, M. Bartumeu Cassany, M. Bindig, M. Bordas, M. Brejc, M. Bruce, M. Bulavinov, M. Cilevics, M. Clerfayt, M. Contestabile, M. Demetriou, M. Dimas, M. Enright, Mme Err, M. Floros, Mme Frimannsdóttir, M. Fyodorov, M. Guardans, M. Gustafsson, Mme Hajiyeva, M. Holovaty, M. Irtemçelik, M. Jaskiernia, M. Jurgens, M. Kelemen, Lord Kirkhill, M. Kostytsky, M. S. Kovalev, M. Kresák, M. Kroupa, Mme Krzyzanowska, M. Lacão, M. Lento, M. Lintner, M. Lippelt, M. Loutfi, Mme Markovic-Dimova, M. Marty, M. McNamara, M. Michel (remplaçant: M. About), M. Moeller, Mme Nabholz-Haidegger, M. Olteanu, M. Pavlov, M. Pollo, Mme Postoico, Mme Pourtaud (remplaçant: M. Dreyfus-Schmidt), M. Rodeghiero, Mme Roudy, M. Rustamyan, Mme Serafini (remplaçant: M. Lauricella), M. Shaklein, M. Simonsen, M. Skrabalo, M. Solé Tura (remplaçante: Mme Lopez Gonzales), M. Spindelegger, M. Stankevic, M. Stoica, Mme Süssmuth, M. Svoboda, M. Symonenko (remplaçant: M. Khunov), M. Tabajdi, M. Tallo, Mme Tevdoradze, M. Uriarte, M. Vanoost, M. Vera Jardim, M. Wilkinson, Mme Wohlwend, M. Wojcik (remplaçant: M. Walendziak), Mme Wurm (remplaçante: Mme Stoisits)

N.B. Les noms des membres qui ont participé à la réunion sont indiqués en italique.

Secrétaires de la commission: M. Plate, Mme Coin, Mme Kleinsorge et M. Cupina