Rapport sur la lutte contre le terrorisme et le respect des Droits de l’Homme

Catégories: Commission des questions juridiques et des droits de l'homme, Conseil de l'Europe, Droits de l'Homme, Ethique, Europe, International

Parliamentary Assembly

Assemblée parlementaire

Doc. 9331                                                                                                      22 janvier 2002

Lutte contre le terrorisme et le respect des droits de l’homme

Rapport

Commission des questions juridiques et des droits de l’homme

Rapporteur: M. Michel Hunault, France, Groupe des démocrates européens

Résumé

L’Assemblée est préoccupée par les menaces aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales que représentent les moyens utilisés pour combattre le terrorisme après le 11 septembre 2001.

Elle rappelle avec force aux Etat membres qu’ils doivent s’abstenir de déroger à la Convention européenne des droits de l’homme ou d’extrader des présumés terroristes sans avoir l’assurance que la peine de mort ne sera pas requise contre eux.

Combattre le terrorisme doit passer par le renforcement des mesures juridiques et en premier lieu par la ratification et la mise en œuvre des conventions existantes et par la coopération accrue en matière de lutte contre le financement du terrorisme.

I.       Projet de résolution

1. L’Assemblée rappelant sa Recommandation 1426 (1999) adoptée le 23 septembre 1999 et saRésolution 1258 (2001) et sa Recommandation 1534 (2001) sur les démocraties face au terrorisme, adoptées le 26 septembre 2001, estime nécessaire de faire le point sur les moyens utilisés pour combattre le terrorisme.

2. Tout d’abord, l’Assemblée souligne le caractère nouveau du conflit surgi après les actes terroristes du 11 septembre qui ne peut être qualifié de guerre au sens classique du droit international, puisqu’il n’y a pas eu de déclaration de guerre et qu’il n’a pas été prouvé qu’un Etat ait été le commanditaire de ces actes. L’objectif de l’intervention militaire menée en Afghanistan en réponse aux attentats était dirigée non pas contre un Etat, mais contre une organisation terroriste et contre l’ancien gouvernement de l’Afghanistan supposé lui apporter un appui.

3. L’Assemblée estime qu’il faut s’interroger sur les causes du terrorisme pour pouvoir mieux le combattre et surtout le prévenir. Elle réitère toutefois que rien ne saurait justifier le recours à des actes terroristes.

4. Eliminer le soutien dont peut bénéficier le terrorisme et le priver de tout financement sont des moyens essentiels pour la prévention de ce phénomène criminel.

5. La lutte contre le terrorisme doit être menée dans le respect de la légalité nationale et internationale et des droits de l’homme.

6. L’Assemblée est d’avis que le développement du niveau d’éducation, l’accès à des conditions de vie décentes et le respect de la dignité humaine, sont les meilleurs instruments pour réduire le soutien dont bénéficie aujourd’hui le terrorisme dans certains pays.

7. L’Assemblée, qui s’est résolument prononcée contre la peine capitale et qui a réussi à faire de l’Europe un continent exempt de la peine de mort, n’admet aucune exception à ce principe. Par conséquent, avant l’extradition de personnes accusées d’actes terroristes vers des Etats qui appliquent cette peine, des assurances doivent être obtenues que cette peine ne sera pas requise.

8. L’Assemblée insiste également sur le fait que les Etats membres ne doivent en aucun cas procéder à des extraditions exposant la personne concernée à des risques de mauvais traitement contraire à l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme ou à un procès qui ne respecte pas les principes fondamentaux d’un procès équitable.

9. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les Etats membres du Conseil de l’Europe ne devraient pas introduire des dérogations à la Convention européenne des droits de l’homme.

10. L’Assemblée souhaite que soit rapidement ratifié le Statut de la Cour pénale internationale et que sa compétence s’étende au terrorisme.

11. L’Assemblée est d’avis qu’en matière de coopération judiciaire, le mandat d’arrêt européen que mettra en place l’Union Européenne, dans la mesure où il s’applique au terrorisme, devrait être étendu à l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe, dans le respect des droits fondamentaux tels que garantis par la Convention européenne des droits de l’homme.

12. L’Assemblée appelle en conséquence les Etats membres du Conseil de l’Europe à:

i. ratifier, s’ils ne l’ont pas encore fait, sans délai:

  • - la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme, 
- la Convention européenne pour la prévention du terrorisme, 
- la Convention européenne d’extradition et ses deux protocoles additionnels, 
- la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale et ses deux protocoles additionnels,
- la Convention européenne sur la transmission des procédures répressives, 
- la Convention européenne relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime,
- la Convention sur la cybercriminalité;

ii.       ratifier, s’ils ne l’ont pas encore fait, dès que possible, le Statut de la Cour pénale internationale;

iii.       créer des réseaux de coopération entre les unités d’intelligence financière (UIF) et mettre en place les moyens de coopération;

iv. refuser, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Soering et à l’article 11 de la Convention européenne sur l’extradition, d’extrader vers des pays qui continuent à appliquer la peine de mort les présumés auteurs d’actes terroristes, à moins que l’assurance que la peine de mort ne sera pas requise ne soit donnée;

v. s’abstenir de faire usage de l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme pour limiter les droits et libertés garantis par l’article 5 de la Convention (droit à la liberté et à la sûreté).

II.       Projet de recommandation

1. L’Assemblée se réfère à sa Résolution…(2002) sur la lutte contre le terrorisme et le respect des droits de l’homme dans laquelle elle préconise un certain nombre de mesures que les Etats membres devraient prendre pour lutter contre le terrorisme tout en respectant les droits de l’homme.

2. Elle a constaté qu’il pourrait y avoir une contradiction entre le souhait d’ouvrir aux Etats observateurs et aux autres Etats non membres du Conseil de l’Europe la Convention européenne sur la suppression du terrorisme, qui ne prévoit pas expressément la possibilité de refuser l’extradition en cas de risque de peine de mort et le refus d’extrader des personnes soupçonnées de terrorisme vers des pays appliquant le peine demort. L’Assemblée est d’avis que cette question devrait être résolue dans le cadre des travaux de mise à jour de la Convention européenne sur la suppression du terrorisme.

3. Elle se félicite de la mise en place par le Comité de Ministres d’un Groupe multidisciplinaire sur l’action internationale contre le terrorisme (GMT)), chargé de mettre à jour les instruments pertinents du Conseil de l’Europe et d’identifier de nouvelles actions que le Conseil de l’Europe pourrait conduire, dans son domaine d’expertise, pour mieux lutter contre ce dangereux phénomène criminel. Elle estime qu’il faudrait en outre accélérer la coopération internationale en matière de lutte contre le blanchiment de l’argent du crime notamment en matière d’enquêtes financières et accroître la lutte contre le financement du terrorisme.

4. Par ailleurs, l’Assemblée prend note des dix nouvelles recommandations sur le financement du terrorisme adoptées en décembre 2001 par le Groupe d’action financière (GAFI) et se félicite de la décision du comité restreint d’évaluation des mesures contre le blanchiment (PC-R-EV) du Conseil de l’Europe d’étendre à l’échelle du continent européen l’efficacité des nouvelles recommandations du GAFI en les intégrant dans le cadre de son propre programme d’activités.

5. Enfin, l’Assemblée considère que le GMT devrait envisager d’utiliser la définition du terrorisme agréée au sein de l’Union Européenne dans le cadre de ses activités pour promouvoir une meilleure coopération à l’échelle du continent contre le terrorisme.

6. Une coopération européenne efficace suppose l’amélioration de l’espace judiciaire européen, qui doit harmoniser la définition des délits et des crimes, leur incrimination et les poursuites.

7. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres :

i .       de modifier la Convention européenne sur la suppression du terrorisme en prévoyant que l’extradition peut être refusée lorsqu’il n’existe pas de garantie que la peine de mort ne sera pas requise à l’encontre d’un prévenu;

ii.       d’accélérer la coopération internationale en matière de lutte contre le blanchiment de l’argent du crime notamment en matière d’enquêtes financières et d’accroître la lutte contre le financement du terrorisme;

iii.       de demander au Groupe multidisciplinaire sur l’action internationale contre le terrorisme (GMT) devrait envisager d’utiliser la définition du terrorisme agréée au sein de l’Union Européenne (voir annexe).

Annexe

Position commune du Conseil européen du 27 décembre 2001
relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme
(2001/931/PESC)

Article premier
…

3. Aux fins de la présente position commune, on entend par « acte de terrorisme », l’un des actes intentionnels suivants, qui, par sa nature ou son contexte, peut gravement nuire à un pays ou à une organisation internationale, correspondant à la définition d’infraction dans le droit national, lorsqu’il est commis dans le but de:

i) gravement intimider une population, ou
ii) contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou
iii) gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale:
a) les atteintes à la vie d’une personne, pouvant entraîner la mort; 
b) les atteintes graves à l’intégrité physique d’une personne; 
c) l’enlèvement ou la prise d’otage; 
d) le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique, à un système de transport, à une infrastructure, y compris un système informatique, à une plate-forme fixe située sur le plateau continental, à un lieu public ou une propriété privée susceptible de mettre en danger des vies humaines ou de produire des pertes économiques considérables; 
e) la capture d’aéronefs, de navires ou d’autres moyens de transport collectifs ou de marchandises; 
f) la fabrication, la possession, l’acquisition, le transport, la fourniture ou l’utilisation d’armes à feu, d’explosifs, d’armes nucléaires, biologiques ou chimiques ainsi que, pour les armes biologiques ou chimiques, la recherche et le développement; 
g) la libération de substances dangereuses, ou la provocation d’incendies, d’inondations ou d’explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines; 
h) la perturbation ou l’interruption de l’approvisionnement en eau, en électricité ou toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines; 
i) la menace de réaliser un des comportements énumérés aux point a) à h); 
j) la direction d’un groupe terroriste; 
k) la participation aux activités d’un groupe terroriste, y compris en lui fournissant des informations ou des moyens matériels, ou toute forme de financement de ses activités, en ayant connaissance que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe.

Aux fins du présent paragraphe, on entend par « groupe terroriste », l’association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des actes terroristes. Les termes « association structurée » désignent une association qui ne s’est pas constituée par hasard pour commettre immédiatement un acte terroriste et qui n’a pas nécessairement de rôles formellement définis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure élaborée.

III.        Exposé des motifs

  •       par M. Hunault, Rapporteur

A.       Introduction

1.        Les actes commis le 11 septembre 2001 aux Etats Unis d’Amérique conduisent à s’interroger une fois de plus sur la nature du terrorisme et sur ce qui le rend possible. Si l’ampleur du nombre des victimes d’un acte terroriste est inégale, la nature du terrorisme, elle, est toujours la même.

2.        Il faut ensuite s’interroger sur les conséquences de ces actes qui, elles, sont nouvelles : peut-on parler de guerre alors qu’il n’y pas eu de déclaration de guerre et qu’il n’y pas d’Etat commanditaire des actes terroristes?

3.        Enfin il faut réfléchir aux moyens les plus appropriés de lutter contre ce phénomène, en visant tant les causes, que les effets, et donc en privilégiant la prévention. Il faut enfin développer les moyens juridiques dans le strict respect des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe. Tels sont les points que nous allons développer ci-après. L’Assemblée rappelle sa Résolution 1258 relative aux démocraties européennes face au terrorisme (voir Annexes I et II).

B.        Le terrorisme: un défi au monde

4.        L’acte terroriste, qu’elle que soit son ampleur, présente un certain nombre de caractéristiques communes.

5.        C’est un acte venant dans la grande majorité des cas d’une entité non étatique qui ne vise pas un ennemi déclaré. Les actes du 11 septembre n’échappent pas à ce critère. Cependant la réaction à ces actes a pris la forme d’une guerre, une guerre portée contre un Etat sur le territoire duquel se trouvait le commanditaire présumé des actes terroristes. Il s’agissait de s’emparer de lui et, en même temps, de renverser le régime qui l’a soutenu. Mais il semble bien que son arrestation ne mettra pas fin à cette guerre, car il est clair qu’il s’agit de détruire des réseaux de terroristes se trouvant dans un grand nombre de pays et qui bénéficient d’un certain appui populaire.

6.        Des réseaux terroristes ont pu se constituer assez facilement faute d’une volonté de lutter contre la criminalité organisée.

7.        Si un soutien populaire s’est manifesté dans certains pays, il s’est développé sur le terreau de la pauvreté, sur l’écart grandissant entre pays riches et pays pauvres. Le conflit palestino-israëlien n’est certainement pas étranger non plus aux sentiments de frustration d’une grande partie des pays arabes qui contribuent à alimenter les sentiments anti-occidentaux en général et anti- américains en particulier.

8.        Il faut refuser de voir dans les événements du 11 septembre les prémices d’un soi-disant conflit de civilisations, encore moins d’une guerre de religion.

9.        La lutte contre le terrorisme est un combat complexe et de longue haleine qui se joue sur plusieurs fronts. La nébuleuse terroriste est opaque et secrète et sait utiliser les failles juridiques dans un monde de plus en plus globalisé.

10.        Si la lutte contre le terrorisme doit être universelle et si les Nations Unies demeurent l’enceinte qui doit rester garante des actions entreprises le Conseil de l’Europe doit être le cœur des valeurs qui ne doivent en aucun cas être bafouées.

C.        Lutter contre le terrorisme

1.        La Convention des Nations-Unies sur la répression du financement du terrorisme

11.        Il existe neuf conventions internationales contre le terrorisme (voir Annexe III), mais la Convention des Nations Unies s’attaque directement à la question centrale du financement du terrorisme.

12.        Commettre un acte terroriste suppose des moyens importants pour organiser des réseaux clandestins, entretenir des équipes, se procurer des armes. Pour s’attaquer au terrorisme il faut donc prévenir et combattre en amont.

13.        La Convention des Nations Unies qui permet d’incriminer directement tous ceux qui financent les actes terroristes en créant un délit spécifique de financement des actes de terrorisme, est donc un instrument particulièrement bien adapté à la prévention. Encore faudrait-il qu’il soit ratifié par la quasi-totalité des Etats membres ce qui est loin d’être le cas.

2.        S’attaquer aux causes et au financement du terrorisme

14.        La moralisation de la vie financière internationale est une obligation pressante.

La communauté internationale s’est dotée d’instruments nouveaux dans différentes enceintes :

  • - le Groupement d’Action Financière (GAFI) dans le cadre de l’OCDE qui s’attache à repérer les pays dont la législation est défaillante en matière de blanchiment ;
- le Forum de la stabilité financière en est un autre exemple.

15.        Les attentats du 11 septembre obligent à donner une toute autre dimension à la lutte contre l’argent sale, d’autant plus que le financement des activités terroristes fait moins appel au blanchiment d’argent sale qu’au «noircissement» d’argent propre, c’est-à-dire, le financement légal par des Etats, des banques, des particuliers ou des associations, des activités des réseaux terroristes.

16.        Le Conseil de l’Europe dispose de plusieurs instruments juridiques adaptés à la lutte contre les divers aspects du terrorisme : la Convention européenne pour la répression du terrorisme, la Convention d’extradition et ses deux protocoles additionnels, la Convention d’entraide judiciaire en matière pénale et son protocole additionnel, la Convention européenne sur la transmission des procédures répressives, la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et enfin la plus récente d’entre elles la Convention sur la cyber-criminalité ouverte à la signature le 23 novembre 2001. Des tableaux des états de ratification de ces instruments figurent à l’Annexe IV).

17.        Les Etats membres du Conseil de l’Europe ont l’obligation morale de ratifier ces traités et d’identifier, de détecter, de geler et de saisir les fonds utilisés à des fins criminelles ainsi que de renforcer les dispositifs d’entraide judiciaire sans possibilité d’invoquer le secret bancaire ou le caractère fiscal d’une infraction et d’accroître la coopération internationale par l’intermédiaire d’Interpol et d’Europol qui vient d’ailleurs de voir son mandat élargi. Reste cependant que Europol ne couvre que les Etats membres de l’Union Européenne et qu’il faudrait examiner les possibilités d’extension de certaines de ses activités aux Etats membres du Conseil de l’Europe.

18.        Il ne devrait plus être possible que des pays membres du Conseil de l’Europe acceptent des centres off-shore, des paradis fiscaux ou les sociétés écrans qui servent à blanchir l’argent d’organisations criminelles qui prospèrent grâce à la drogue, la prostitution, les filières de travail clandestin.

19.        Le problème essentiel reste, au-delà de la ratification desdits traités, d’instaurer un mécanisme de suivi de ces instruments.

20.        Une discussion avec le Parlement Européen, qui apparaît comme l’interlocuteur privilégié de l’Assemblée Parlementaire, devrait s’engager sur les modalités d’extension des instruments existants et éventuellement sur d’autres formes de coopération. Un débat joint pourrait se tenir à l’occasion de la réunion commune Parlement Européen/Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe en septembre 2002.

21.        Il conviendrait de créer un organisme européen, dont la mission, à l’instar du Financial Services Authority (FSA) britannique, consisterait à contrôler les marchés financiers, à combattre le blanchiment d’argent sale et traquer les tentatives de manipulation des marchés financiers.

3.        La nécessité de faire respecter les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe

22.        L’Assemblée a maintes fois affirmé sa détermination à lutter contre le terrorisme en mettant l’accent sur la nécessité de respecter les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe et en particulier la Convention européenne des droits de l’homme et ses protocoles additionnels, notamment son protocole N° 6 sur l’abolition de la peine de mort.

23.        Elle ne peut donc qu’émettre des réserves à l’égard du décret adopté par le Président des Etats Unis d’Amérique le 14 novembre 2001 concernant la détention, le traitement et le jugement de certains étrangers dans la guerre contre le terrorisme par lequel il décide que ceux-ci seront jugés par des tribunaux militaires et qu’ils encourent la peine de mort.

24.        Par sa Résolution 1253 (2001) l’Assemblée a demandé aux Etats-Unis d’Amérique (et au Japon) d’instituer sans délai un moratoire relatif aux exécutions et qu’ils prennent les mesures nécessaires pour abolir la peine de mort. L’ensemble du continent européen est exempt de la peine de mort et par conséquent, quel que soit le caractère odieux des crimes commis, les pays membres du Conseil de l’Europe ne peuvent pas accepter d’extrader des personnes qui risquent la peine de mort. Cette position a été confirmée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt Soering. Les gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe devraient à cet égard s’inspirer de ce qu’a fait l’Espagne.

25.        Le Royaume-Uni a adopté une loi (Anti-terrorism crime and security Bill) et a décidé de se prévaloir du droit à une dérogation à l’article 5 de la Convention européenne de droits de l’homme en se référant à l’article 15 § 1 de la Convention qui prévoit la possibilité de dérogations «en cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation» dans la stricte mesure où la situation l’exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international.

Devant quel tribunal traduire les auteurs présumés d’actes terroristes?

26.        Dans sa Résolution 1258 (2001) l’Assemblée estime que la future Cour Pénale Internationale serait l’institution propre à juger des actes terroristes. Mais il y a à cela plusieurs obstacles : d’une part, les 60 ratifications nécessaires à son entrée en vigueur ne sont pas encore réunies, d’autre part la Cour n’aura pas de compétence rétroactive et par conséquent pour les auteurs des attentats du 11 septembre la Cour ne sera pas compétente. Dans l’avenir elle pourrait avoir compétence soit par une interprétation de l’article 7 du Statut définissant les crimes contre l’humanité, soit par une modification du statut pour y faire figurer explicitement le terrorisme comme crime contre l’humanité.

27.        Pour juger les crimes commis le 11 septembre il serait donc souhaitable de créer un Tribunal pénal international pour juger les auteurs d’actes terroristes sur le modèle du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.

Commission chargée du rapport: commission des questions juridiques et des droits de l’homme

Renvoi en commission: Doc 9207, renvoi n° 2654 du 28 septembre 2001, Demande de procédure d’urgence

Projet de résolution adopté à l’unanimité avec une abstention et projet de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 22 janvier 2002

Membres de la commission: M. Lintner (Président), M. Magnusson, Mme Gülek, M. Marty (Vice-présidents), M. Akçali, M. G. Aliyev, M. Andican, M. Arabadjiev (remplaçant: M. Toshev), Mme van Ardenne-van der Hoeven, M. Attard Montalto, M. Bindig, M. Brejc, M. Bruce, M. Bulavinov (remplaçant: M. Khripel), M. Chaklein, Mme Christmas-Møller (remplaçante: Mme Auken), M. Clerfayt, M. Contestabile, M. Davis, M. Demetriou, M. Dimas, M. Engeset, M. Enright, Mme Err, M. Fedorov, Mme Frimansdóttir, M. Frunda, M. Guardans, M. Gustafsson, Mme Hajiyeva, M. Holovaty, M. Jansson, M. Jaskiernia, M. Jurgens, M. Kastanidis (remplaçant: M. Skoularikis), M. Kelemen, M. Kostytsky, M. S. Kovalev (remplaçant: M. Zavgayev), M. Kresák, M. Kroll, M. Kroupa, M. Lacão (remplaçante: Mme Aguiar), Mme Libane (remplaçant: M. Cilevics), M. Lippelt, M. Manzella, Mme Markovic-Dimova, M. Mas Torres, M. Masseret, M. McNamara (remplaçant: M. Lloyd) M. Michel (remplaçant: M. Dreyfus-Schmidt), Mme Nabholz-Haidegger, M. Nachbar, M. Olteanu, Mme Pasternak, M. Pellicini, M. Penchez, M. Piscitello, Mme Postoica, Mme Roudy (remplaçant: M. Hunault), M. Rustamyan, M. Skrabalo, M. Solé Tura, M. Spindelegger, M. Stankevic, M. Stoica, Mme Süssmuth, M. Svoboda (remplaçant: M. Mezihorak), M. Symonenko, M. Tabajdi, M. Tallo, M. Tepshi, Mme Tevdoradze, M. Uriarte (remplaçante: Mme Lopez Gonzalez), M. Vanoost, M. Vera Jardim, M. Volpinari, M. Wilkinson, Mme Wohlwend, Mme Wurm (remplaçante: Mme Stoisits)

N.B. Les noms des membres qui ont participé à la réunion sont indiqués en italique.

Secrétaires de la commission: Mme Coin, Mme Kleinsorge et M. Ćupina

ANNEXE I

Résolution 1258 (2001)[1]

Démocraties face au terrorisme

1. Les membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et les 800 millions d’Européens qu’elle représente ont été horrifiés par les récentes attaques terroristes contre les Etats-Unis d’Amérique.

2. L’Assemblée exprime sa plus profonde sympathie au peuple des Etats-Unis et aux familles des victimes, y compris aux citoyens d’autres pays.

3. L’Assemblée condamne dans les termes les plus forts possibles ces actes terroristes barbares. Elle considère ces attaques comme un crime qui viole le plus fondamental des droits de l’homme: le droit à la vie.

4. L’Assemblée appelle la communauté internationale à donner tout l’appui nécessaire au Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique pour faire face aux conséquences de ces attaques et pour livrer les responsables à la justice, conformément aux conventions antiterroristes internationales en vigueur et aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.

5. L’Assemblée estime que la nouvelle Cour pénale internationale est l’institution propre à juger les actes terroristes.

6. L’Assemblée se félicite, appuie et partage la solidarité témoignée par les membres de la communauté internationale, qui ont non seulement condamné ces attaques, mais également offert de coopérer à une réponse appropriée.

7. Ces attaques ont montré clairement le vrai visage du terrorisme et la nécessité d’un nouveau type de réaction. Ce terrorisme ne reconnaît pas les frontières. Il constitue un problème international pour lequel des solutions internationales doivent être trouvées, sur la base d’une approche politique globale. La communauté mondiale doit montrer qu’elle ne capitulera pas devant le terrorisme, mais qu’elle défendra plus vigoureusement encore qu’auparavant les valeurs démocratiques, l’Etat de droit, les droits de l’homme et les libertés fondamentales.

8. Rien ne peut justifier le terrorisme. L’Assemblée considère ces actes terroristes comme des crimes plutôt que comme des actes de guerre. Toute action, soit de la part des Etats-Unis seuls, soit de la part d’une coalition internationale plus large, doit être conforme aux conventions antiterroristes de l’Onu ainsi qu’aux résolutions du Conseil de sécurité et doit avoir comme but de traduire en justice les auteurs, les organisateurs et les sponsors de ces crimes, au lieu de vouloir infliger une revanche hâtive.

9. En même temps, l’Assemblée estime que la prévention à long terme du terrorisme passe par une compréhension appropriée de ses origines sociales, économiques, politiques et religieuses, et de l’aptitude à la haine de l’individu. En s’attaquant aux racines du terrorisme, il est possible de porter sérieusement atteinte au support sur lequel s’appuient les terroristes et à leurs réseaux de recrutement.

10. L’Assemblée soutient l’idée d’élaborer et de signer au plus haut niveau une convention internationale sur la lutte contre le terrorisme, qui devrait comporter une définition complète du terrorisme international, ainsi que des obligations spécifiques imposées aux Etats participants de prévenir les actes de terrorisme à l’échelle nationale et mondiale, et de punir leurs organisateurs et leurs exécutants.

11. Les récents actes terroristes semblent avoir été entrepris par des extrémistes pour qui la violence a été utilisée afin de provoquer un grave affrontement ultérieur entre l’Occident et le monde islamique. Par conséquent, l’Assemblée souligne qu’une action menée pour prévenir ou punir des actes terroristes ne doit pas se fonder sur des critères ethniques ou religieux et ne doit être dirigée contre aucune communauté religieuse ou ethnique.

12. Si une action militaire fait partie de la réponse au terrorisme, la communauté internationale doit définir clairement ses objectifs et devrait éviter de viser des civils. Toute action éventuelle doit être menée conformément au droit international et avec l’accord du Conseil de sécurité des Nations Unies. L’Assemblée se félicite donc de la Résolution 1368 (2001) du Conseil de sécurité, dans laquelle celui-ci se déclare prêt à toutes les mesures nécessaires pour répondre aux attaques terroristes du 11 septembre 2001 et pour combattre le terrorisme sous toutes ses formes, conformément à ses responsabilités en vertu de la Charte des Nations Unies.