Protection de l’identité

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2011-2012



Compte rendu
 intégral

Séance du mercredi 1 février 2012

Protection de l’identité

Discussion, en nouvelle lecture, 
d’une proposition de loi

Discussion Générale 

M. Michel Hunault. Madame la présidente, mes chers collègues, comme l’ont rappelé le ministre et le rapporteur, après deux lectures à l’Assemblée nationale et au Sénat, et l’élaboration par la commission mixte paritaire d’un texte reprenant la version adoptée par le Sénat, nous abordons à nouveau l’examen de cette proposition de loi relative à la protection de l’identité, sur laquelle j’espère que nous parviendrons à trouver un accord.

S’il est un point sur lequel nous nous accordons tous, sur tous les bancs de cet hémicycle, c’est bien la nécessité de lutter contre le véritable fléau qu’est l’usurpation d’identité. Ce phénomène, comme l’a rappelé notre rapporteur, fait aujourd’hui plus de 200 000 victimes. Et j’insiste sur le mot « victime », car si ce texte nous est soumis, c’est bien en vue de leur venir en aide.

Le souci des libertés n’est pas partagé d’un seul côté de cet hémicycle. Mais il faut bien que nous trouvions une solution à un problème qui existe. C’est le but de cette proposition de loi. Il n’est pas toujours inutile de rappeler les objectifs des textes dont nous discutons.

Au-delà de la question de l’existence même d’un fichier, nous sommes appelés à débattre de ce qui constitue le cœur de la réforme : l’architecture du fichier destiné à centraliser les données biométriques, ainsi que les garanties qui les entourent.

Poser la question de l’architecture d’un fichier central biométrique, c’est s’interroger sur l’opportunité d’une telle mesure au regard des droits et des libertés fondamentaux dont chacun de nos concitoyens est en droit d’exiger le respect, notamment pour la protection de son intimité. Ces droits et libertés, nous devons les concilier avec la nécessité pour les services de police et de renseignement de disposer d’outils, de répertoires qui leur permettent de remplir efficacement leurs missions. Car, au-delà des polémiques, c’est bien de la sécurité qu’il s’agit, celle que l’État doit garantir à chacun.

Et je note, malgré le départ de nos collègues socialistes, qu’à chaque fois, monsieur le ministre, que vous-même ou vos prédécesseurs nous avez proposé de doter vos services de fichiers, il y a toujours eu des oppositions. Je n’aurai pas la cruauté de les rappeler à cette tribune. Et l’on sait aujourd’hui qu’en matière de recherche criminelle, ces fichiers ont permis de retrouver un certain nombre d’auteurs et d’élever considérablement le taux d’élucidation.

M. Philippe Goujon, rapporteur. Il a doublé !

M. Michel Hunault. J’entends certains de mes collègues parler de la CNIL. Je respecte cette institution, qui est là pour garantir les libertés individuelles. Mais je n’oublie pas, monsieur le ministre, et je veux le dire solennellement à cette tribune, que quand vous êtes venu devant la commission pour parler de la sécurité des biens et des personnes, le représentant de la nation que je suis – au même titre que ses 576 collègues – vous a interrogé sur la position de la CNIL, qui combat mes amendements tendant à autoriser les caméras autour des établissements scolaires afin d’accroître la sécurité des lycéens et des collégiens victimes du racket et du trafic de drogue, et que j’ai reçu le lendemain une lettre de la nouvelle présidente de la CNIL s’étonnant qu’un député de la République puisse oser demander au ministre de l’intérieur que l’on installe à nouveau des caméras. Eh bien oui, j’assume ici, à la tribune de cet hémicycle, devant mes électeurs et devant la nation, qu’il est de notre mission d’assurer la sécurité des biens et des personnes.

M. Philippe Goujon, rapporteur. Absolument !

M. Michel Hunault. Mes engagements, notamment au sein de la commission des droits de l’homme du Conseil de l’Europe, où j’ai siégé durant dix-huit ans, démontrent que je suis au moins aussi attaché que tout autre aux libertés individuelles. Mais je suis à vos côtés, monsieur le ministre, quand il s’agit de doter vos services des moyens indispensables pour qu’ils puissent s’adapter aux nouvelles formes de la criminalité. Et l’usurpation d’identité est une forme de criminalité organisée, dont 200 000 de nos compatriotes sont victimes, et contre laquelle ce texte a pour but de lutter efficacement.

Plutôt que de donner des leçons en matière de respect des libertés, chacun devrait mesurer ses propos. Personne n’a le monopole de la défense des libertés individuelles.

Le dispositif que vous nous proposez, monsieur le rapporteur, est équilibré. La rédaction de l’article 5 proposée par le Sénat enlève à la proposition de loi tout son sens, à savoir la protection de l’identité. Comment éviter à nos concitoyens de se trouver dépossédés de leur identité s’il est impossible d’identifier les fraudeurs ? C’est là une question de bon sens, qui appelle la réponse que vous nous proposez.

Il me semble qu’on aurait pu faire l’économie d’un débat sur le point de savoir lequel, du député ou du sénateur, serait le plus soucieux de l’efficacité. Dans un régime qui compte deux chambres, elles ont une égale légitimité démocratique. Et je suis de ceux qui pensent que les deux chambres sont utiles.

Je me félicite que le texte adopté par notre assemblée en deuxième lecture ait retenu la technique du lien fort. Ces dispositions sont les bienvenues. En deuxième lecture, nous avons apporté des garanties juridiques importantes, afin de préserver les libertés fondamentales de nos concitoyens. C’est même M. Blisko qui l’a dit tout à l’heure : il est nécessaire de recueillir l’autorisation du juge pour avoir accès à certaines données.

Monsieur le ministre, nous avons débattu hier soir d’une proposition de loi relative à la simplification du droit. Je me suis élevé contre l’amendement à l’article 59 qui a affaibli le dispositif de lutte contre le blanchiment. Il se trouve que j’ai été le rapporteur des lois de lutte contre le blanchiment et la corruption. Vous savez que l’économie souterraine est une réalité. Je pense que ce n’est pas le moment de baisser la garde.

J’avais par ailleurs déposé un amendement tendant à permettre à vos services, avec l’autorisation du juge, de procéder à l’ouverture des coffres de voiture, ce qui n’est aujourd’hui possible que pour les services de douane. On m’a dit que mon amendement était irrecevable. Notre souci doit être de proposer des textes équilibrés. Or la sécurité est la première des libertés.

M. Yvan Lachaud. Très bien !

M. Christian Vanneste. Montesquieu.

M. Michel Hunault. C’est une mission régalienne, que vous vous efforcez de mener à bien, monsieur le ministre. Lutter contre les délinquants, avoir un langage de fermeté, ce n’est pas forcément populaire. Mais il y a une exigence qui est commune au ministre et au législateur : nous ne sommes pas là pour plaire, nous sommes là pour remplir notre mission. Je regrette qu’il y ait un déséquilibre dans certains textes que vous voulez faire passer, monsieur le ministre.