Projet de Loi d’Orientation et Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure

Catégories: Assemblée Nationale, Autres interventions, Droits de l'Homme, Interventions dans l'hémicycle, Justice, Sécurité, video

Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2009-2010



Compte rendu
 intégral

Deuxième séance du mardi 10 février 2010

LOPPSI

loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure 

Suite de la discussion d’un projet de loi

Article 1 er

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Notre groupe a, par l’intermédiaire de notre excellent collègue Jean- Christophe Lagarde, apporté un soutien sans faille aux objectifs de ce projet de loi, mais je voudrais revenir sur un point particulier à l’occasion de la discussion sur cet article 1 er .

Nous vous suivons dans votre exigence, monsieur le ministre, d’assurer la sécurité des Français, qui reste, on ne le répètera jamais assez, la première de leurs libertés, en particulier pour les plus vulnérables. Votre projet de loi propose un certain nombre de dispositions visant à répondre à cet objectif, mais je voudrais vous alerter sur le problème des financements et de l’économie souterraine.

Notre assemblée a voté une série de textes ces dernières années, en particulier les lois sur le blanchiment ou la corruption qui visent à frapper au portefeuille la criminalité organisée et à sanctionner notamment le recyclage de l’argent sale de tous les trafics du crime organisé, qu’il s’agisse de le drogue, de la prostitution,…

M. Jean-Pierre Brard. De la mafia russe à Nice!

M. Michel Hunault. …des filières de travail clandestin et d’immigration clandestine.

L’actuel Président de la République, lorsqu’il occupait vos fonctions, avait créé les GIR pour mieux rationaliser l’action des forces de police et de gendarmerie, mais également celle du fisc, grâce à une coopération accrue avec d’autres départements ministériels, en particulier le ministère du budget. Cette question doit rester une priorité si nous voulons que les textes que vous nous proposez de voter soient efficaces: on ne connaît que trop le rôle que joue le recyclage du produit de l’activité criminelle.

Les rapports de la commission font brièvement référence à une meilleure coopération avec les services du ministère du budget; peut-être aurait-il été bon, à l’occasion de l’examen de ce texte, d’évaluer les dispositifs existants et notamment l’efficacité des GIR afin de déterminer si, par voie règlementaire ou par voie législative, il convenait de mieux rationaliser encore les moyens d’action au service des forces de police – je pense notamment aux fichiers. Vous savez que la CNIL oppose toute une série de garanties et de freins au regroupage de fichiers, mais il indéniable que les forces de police ont besoin d’accéder à des informations qui leur sont aujourd’hui fermées. Pensez-vous que le système actuel est satisfaisant? Ne conviendrait-il pas de l’améliorer encore?

……..

Après l’article 1 er

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Je souhaite abonder dans le sens du ministre. Madame Billard, vous soulevez un véritable problème à propos de la garde à vue, mais vous n’avez pas l’exclusivité du souhait d’une réforme. Ainsi, il y a un mois, le Premier ministre lui-même a évoqué les conditions de la garde à vue lors d’un déplacement dans la Sarthe; Mme Alliot-Marie a annoncé une réforme; et le Président de la République, lors de ses vœux, a fait de la réforme du code de procédure pénale l’un des quatre projets prioritaires de l’année.

Mme Martine Billard. Je ne revendique pas l’exclusivité, je demande une réforme!

M. Michel Hunault. J’ai moi-même déposé il y a quinze jours, au nom de mon groupe, une proposition de loi que votre amendement reprend intégralement, et qui oblige la France à se conformer à la jurisprudence de la CEDH.

Mme Martine Billard. Tout simplement!

M. Michel Hunault. Toute personne gardée à vue est présumée innocente et a le droit de voir sa dignité préservée.

M. Christophe Caresche et M. Pierre-Alain Muet. Pourquoi ne votez-vous pas l’amendement?

M. Michel Hunault. Mais, comme l’a dit le ministre, cet amendement, si important soit-il, n’a pas sa place dans ce texte.

M. Christophe Caresche. Pourquoi?

M. Michel Hunault. En effet, la garde des sceaux a annoncé qu’une réforme globale de la procédure pénale sera engagée dès le printemps.

Je m’adresse tout particulièrement à Mme Lebranchu, ancienne garde des sceaux très engagée dans ce domaine, et présente parmi nous: nous devrions nous efforcer ensemble, sur tous les bancs de cet hémicycle, de concilier l’exigence de sécurité et l’objectif de protection des libertés individuelles. Nous devons conforter les gendarmes et les policiers dans leur rôle, tout en respectant la présomption d’innocence des prévenus.

Encore eût-il fallu, madame Billard, ménager des distinctions en matière de criminalité.

Mme Martine Billard. Je l’ai fait!

M. Michel Hunault. Ainsi, la gravité de certains crimes et délits justifie le placement en garde à vue de leurs auteurs présumés, afin de mener l’enquête.

Vous avez trouvé les mots justes, monsieur le ministre: il s’agit d’un problème essentiel, mais qui n’a pas sa place dans cet amendement. L’importance de ce débat justifierait néanmoins que vous rappeliez les directives que vous-même et vos prédécesseurs, notamment l’un des plus illustres, aviez données par voie réglementaire à propos des conditions de la garde à vue, de l’emploi des menottes et d’abus qui doivent être bannis de notre société.

Ceux d’entre nous qui ont appartenu à la commission chargée d’enquêter sur les dysfonctionnements révélés par l’affaire d’Outreau connaissent l’importance de la période de garde à vue. Je le répète, nous pourrions conforter les policiers et les gendarmes dans leur mission de recherche de la vérité tout en préservant la liberté individuelle et la présomption d’innocence; cet objectif pourrait nous réunir.

En somme, nous pouvons bien nous affronter à propos de cet amendement; mais son objet est assez consensuel, bien que le moment ne soit pas venu de l’examiner.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Très bien!

(…)

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. La présence de l’avocat dès la première heure fait consensus, n’en déplaise à M. Caresche qui cherche absolument à trouver des dissensions sur ce sujet.

Seulement, il faut se demander si cet amendement a bien sa place dans la discussion sur ce projet de loi. Nous estimons que non.

D’une part, Mme la garde des sceaux a annoncé une réforme du code de procédure pénale où la présence de l’avocat revêt un caractère essentiel, comme l’a souligné Mme Lebranchu.

D’autre part, cette question va s’imposer à nous de toute façon. La Cour européenne des droits de l’homme, dans sa jurisprudence, a relevé des causes de nullité puisqu’elle exige que soient remplis des critères visant à assurer un procès et une défense équitables.

Il s’agit donc d’une vraie question, mais qui n’a pas sa place dans le débat de ce soir.

M. Jacques Alain Bénisti. Alors n’en débattons pas!

(L’amendement n° 57 rectifié n’est pas adopté.)