Projet de Loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2010-2011



Compte rendu
 intégral

Première séance du mercredi 15 décembre 2010

Article 2

……..

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Cet amendement pose une vraie question, et le rapporteur est dans son rôle quand il nous explique pourquoi il faut le rejeter.

Nous sommes confrontés à deux défis. Nous sommes attachés à la liberté d’expression la plus large, autant que les auteurs de l’amendement, et personne ne pourrait affirmer sérieusement qu’internet n’est pas un espace de liberté. Encore faut-il, comme l’a souligné le rapporteur, encadrer et veiller à condamner les usurpations d’identité. La liberté peut tout à fait se concilier avec l’exigence de protection, et vous avez eu raison, monsieur le rapporteur, reprenant l’argumentation du Sénat, de nous inviter à rejeter cet amendement, parce qu’il ne faut pas faire dire au texte ce qu’il ne dit pas.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. J’ai bien entendu vos arguments, monsieur le rapporteur, mais admettez tout de même que le texte tel qu’il est rédigé est particulièrement flou. Il est question d’une atteinte à son honneur et à sa considération. Prendre le pseudo de Sarkochef, est-ce une atteinte à l’intégrité, une atteinte à l’honneur ? Cela reste très ambigu. Nous aurons une judiciarisation à outrance.

Ceux qui ont lu le dernier Houellebecq, La Carte et le Territoire, ont peut-être remarqué à la fin du livre un personnage nommé Patrick Le Braouzec, un triste personnage, proxénète, assassin. Vous m’ouvrez d’incroyables perspectives pour attaquer Houellebecq. Je vais pouvoir gagner 15 000 euros. Vous rendez-vous compte que l’on pourra engager ce genre de procédure sur des fondements un peu fragiles ? Qu’est-ce, en effet, qu’une atteinte à l’honneur et à la considération ?

M. Eric Ciotti. rapporteur, Je ne confonds pas les choses, et les autres amendements nous permettront de le préciser. La loi de 1881 définit juridiquement la diffamation comme le fait de porter atteinte à l’honneur et à la considération d’autrui. Elle a été la base d’une très longue jurisprudence, très fournie, qui définit clairement cette incrimination. Aussi, quand vous vous demandez de quoi il s’agit, la réponse se trouve dans ce cadre.

Dans le cas de ce livre, vous seriez amené à porter plainte pour diffamation. C’est l’auteur qui serait incriminé s’il y avait usurpation d’identité, dans le cadre de cette nouvelle loi, si elle est adoptée, ce que j’espère et à quoi je vous invite.

M. Patrick Braouezec. Vous n’avez pas répondu sur le fond ! La rédaction est floue !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Barèges.

Mme Brigitte Barèges. Je ne comprends pas ce débat. Faites confiance aux juges ! Le texte précise les conditions dans lesquelles le délit est rempli, avec notamment l’élément intentionnel, comme dans tous les délits. C’est aux magistrats d’apprécier si, dans le cas d’espèce que vous évoquez, le délit est constitué. M. Valax n’a pas besoin de se lancer dans une démonstration pour nous expliquer ce qu’est la loi de 1881 sur la presse et la diffamation. C’est un autre débat. Cependant, il existe dans ce cadre une jurisprudence bien établie, dont les juges pourront s’inspirer.

(L’amendement n° 40 n’est pas adopté.)

……….

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je suis surpris de la réponse de M. le rapporteur et de Mme la ministre à l’excellent amendement de nos collègues de la Raudière et Tardy. Ce qui est visé, et qui a reçu le nom, un peu barbare, de phishing, ou hameçonnage, est une réalité. Or les dispositions actuelles ne permettent pas d’apporter le supplément de protection des données personnelles nécessaire contre cette pratique.

Au regard du travail que nous menons au sein de la mission d’information sur le droit de l’individu à l’ère numérique, sous la présidence éclairée de M. Warsmann, je pense qu’il est utile de protéger dès maintenant nos concitoyens internautes contre ces tentatives d’escroquerie.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Je ne partage pas l’analyse de Mme la ministre et de M. le rapporteur. Ce que je vise, c’est l’usurpation de l’identité d’une personne morale. L’atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne morale est une notion juridiquement incertaine. Il ne s’agit pas de condamner l’escroquerie à laquelle peut donner lieu l’usurpation d’identité, car notre droit la condamne déjà en effet, mais de caractériser le fait que, pour une personne morale, l’atteinte doit porter sur des intérêts, la notion d’honneur ou de considération ne représentant pas grand-chose dans son cas.

M. Michel Hunault. Je comprends bien le sens des interventions de nos deux excellents collègues, mais elles n’ont pas la même motivation. Dans un cas, il s’agit de défendre l’opérateur, dans l’autre de défendre l’internaute.

Comme l’ont signalé M. le rapporteur et Mme la ministre, l’amendement est satisfait.

Mme Laure de La Raudière. Non !

M. Michel Hunault. L’incrimination est prévue. L’amendement n’apporte rien de plus que l’état du droit. C’est une question de principe : dans le cadre de l’élaboration de la loi, nous ne devons pas nous exonérer des textes de qualité que nous votons.

M. le président. L’amendement est maintenu, c’est bien cela, madame de La Raudière ?

Mme Laure de La Raudière. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n° 3 est adopté.)

………

Article 4

………….

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. S’agissant de l’objectif, nous sommes tous d’accord pour lutter contre la pédopornographie. Néanmoins, mon collègue Jean Dionis du Séjour m’a transmis une note dans laquelle il s’interroge sur la formulation de la première partie de l’alinéa 3 : « Lorsque les nécessités de la lutte contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l’article 227-23 du code pénal le justifient […] ». Voici ce qu’il écrit : « N’est-ce pas trop imprécis ? Cela n’ouvre-t-il pas un champ trop vaste à la justification du filtrage ? En tout état de cause, le filtrage ne doit être mis en œuvre que dans le cas d’un constat avéré de faits répréhensibles. »

Quant à l’autorité qui doit procéder au filtrage, nous pensons comme lui qu’« il est indispensable de revenir à une décision d’un juge, même saisi en référé, pour prononcer une mesure de blocage de l’accès à l’internet. […] Or l’article 4 du projet de loi semble s’en écarter alors même que ce principe a été consacré par le Conseil constitutionnel le 10 juin 2009 » – M. Bloche vient de le rappeler. Jean Dionis du Séjour poursuit : « Ce principe ne semble pas respecté ». C’est pourquoi nous vous remercions d’apporter des précisions sur ce point. Il remarque que « le dispositif proposé s’adresse aux fournisseurs d’accès pour bloquer un site sans passer d’abord par l’hébergeur. Il ne s’agit pas ici de remettre en cause le fondement de l’action demandée aux FAI, y compris la plus rapide possible ».

Cela étant, je souhaite que vous nous apportiez toute garantie pour que dans la chaîne des responsabilités, l’éditeur puis l’hébergeur du site concerné soient les premiers à être obligés d’agir.

………………

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, tout le monde fait siens les objectifs de cet article.

Nous nous interrogeons sur l’efficacité du système de sanctions que vous proposez tout en rappelant la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Monsieur le rapporteur, les mots ont un sens. Vous dites d’abord que nous partageons tous le même objectif, puis que vous ne comprenez pas certaines réticences. Le fait de poser des questions – nous faisons la loi – ne signifie pas que nous sommes réticents quant aux objectifs qui nous réunissent.

Les questions que je vous ai posées tout à l’heure sont légitimes. Tout le monde est d’accord pour la sanction des fournisseurs d’accès à internet. Je vous ai simplement posé des questions, mais soyez certain qu’il n’y a aucune réticence concernant les objectifs dans cet hémicycle.

(L’amendement n° 41 n’est pas adopté.)