Prévention de la surpopulation carcérale

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2010-2011



Compte rendu
 intégral

Deuxième séance du jeudi 18 novembre 2010

Instauration d’un mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire

Discussion d’une proposition de loi

Discussion générale

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Monsieur le garde des sceaux, je m’associe aux orateurs précédents pour vous adresser mes plus chaleureuses félicitations pour votre nomination à la tête de ce ministère particulièrement important. Deux jours après votre prise de fonctions, nous abordons là un point essentiel : celui de la situation dans les prisons françaises. Ce n’est pas la moindre de vos responsabilités !

J’ai écouté avec beaucoup d’attention le rapporteur qui, au nom du groupe socialiste, propose de veiller à ce qu’il y ait moins de détenus dans les prisons françaises.

Je le dis solennellement, les députés du Nouveau Centre, membres de la majorité, s’opposeront avec fermeté à cette proposition.

Le rapporteur a rappelé la situation des prisons. Monsieur le garde des sceaux, vous êtes à la tête d’une chancellerie qui, depuis huit ans, avec le soutien de la majorité parlementaire, a fait en sorte que soient augmentés les crédits consacrés au ministère de la justice, avec un plan sans précédent pour construire et humaniser les prisons. L’objectif est de 62 000 places de prison à la fin de la législature. Ce sera le meilleur moyen de lutter contre la surpopulation carcérale.

C’est cette majorité, madame Lebranchu, qui a fait voter des propositions que vous auriez aimé mettre en œuvre quand vous étiez à la Chancellerie : le contrôle général des prisons, la loi pénitentiaire, qui est la transposition des règles pénitentiaires du Conseil de l’Europe. J’ai eu l’honneur de proposer le projet de charte pénitentiaire du Conseil de l’Europe, je me réjouis que nous ayons la volonté, avec la majorité, d’humaniser les prisons.

Nous avons fait en sorte, monsieur le rapporteur, et j’ai écouté avec beaucoup d’attention les chiffres que vous avez donnés, de lutter contre la détention provisoire. La loi pénitentiaire permet de la limiter aux crimes et aux délits les plus graves et de généraliser le bracelet électronique, et nous avons donné au juge d’application des peines les moyens de prévoir une sortie aménagée des condamnés.

Que proposez-vous, et je regrette que les Français ne puissent pas suivre plus attentivement nos débats dans cet hémicycle ? Vous proposez d’instaurer un droit à la libération aux deux tiers de la peine. C’est une erreur. Votre majorité vous suivra, monsieur le garde des sceaux, si nous savons concilier exigence d’humanité et devoir de fermeté. Sur les 100 000 peines d’emprisonnement prononcées chaque année, un tiers ne sont jamais exécutées.

Nous devons donc veiller à l’application des peines. Si, demain, en plus de la quasi-certitude que l’on a de ne pas aller en prison si l’on est condamné à deux ans d’emprisonnement puisqu’il y a le bracelet électronique et un aménagement de peine, un prisonnier a le droit de sortir sans distinction aucune puisque vous en faites un droit fondamental, il y aura un sentiment d’impunité contraire à l’exigence de sécurité. Au lendemain d’une convention du parti socialiste sur la sécurité, que j’ai suivie pour voir quelles étaient vos propositions, je trouve que votre texte va à l’encontre des objectifs de sécurité que vous avez annoncés hier.

Je vous demande donc, monsieur le ministre de la justice, de repousser cette proposition de loi. Au-delà, votre majorité, et en particulier les députés du Nouveau Centre, qui vous font confiance, vous demandent de veiller attentivement à ce que les peines soient exécutées avec fermeté.

Reste qu’il y a un problème de surpopulation carcérale, et vous le savez.

Mes chers collègues de l’opposition, nous ne sommes pas nombreux cet après-midi dans l’hémicycle mais nous nous connaissons depuis des années car nous avons travaillé sur cette question. J’ai eu l’honneur d’être à l’époque le vice-président de la commission d’enquête parlementaire sur la situation des prisons initiée par M. Fabius après les dénonciations de Mme Vasseur et présidée par M. Mermaz. Nous sommes animés par la même exigence d’humanité. Un homme privé de liberté ne doit pas être privé de sa dignité mais, lorsqu’il est condamné parce qu’il a commis un crime ou un délit, il doit exécuter sa peine.

Vous avez parlé, monsieur le garde des sceaux, de la récidive, de la surpopulation et de votre souhait qu’il y ait une place par détenu. Ce sont des objectifs énoncés dans la loi pénitentiaire que votre prédécesseur a fait voter par la majorité, à laquelle, sur ces questions de justice et de prison, je m’honore d’appartenir. Les crédits, la loi pénitentiaire, le contrôle des prisons, le bracelet électronique, les efforts en faveur de la formation et de la réinsertion – les meilleurs garants contre la récidive –, tous ces objectifs, sur lesquels nous nous retrouvons, sont incompatibles avec les solutions que vous proposez monsieur le rapporteur. J’ai lu la presse de notre région ce matin, vous y expliquez que c’est la gauche qui s’intéresse aux prisons. Non, ce n’est pas une question de gauche ou de droite, il s’agit de la dignité des prisonniers.

Si vous voulez qu’on fasse le bilan des textes votés par la droite et la gauche, madame Lebranchu, j’y suis prêt.

Je me souviens de la concertation que vous aviez engagée, et je suis certain que vous auriez aimé que le gouvernement Jospin auquel vous avez eu l’honneur d’appartenir ait eu le temps et le courage de faire voter les textes qui, depuis, ont été adoptés.

Je vous ai écouté attentivement, monsieur le garde des sceaux. Au nom de mes collègues du groupe Nouveau Centre, je confirmerai mardi, dans les explications de vote, que, si nous avons avons nous aussi un souci d’humanité, nous vous demandons d’être très vigilant sur l’exécution des peines.

La situation des prisons, cela concerne la dignité des prisonniers, mais également les conditions de travail de l’administration pénitentiaire. Au cours des dernières années, nous avons budgétisé la création d’un certain nombre de postes. Le plan prison, avec l’appel au partenariat public-privé, va permettre d’accélérer la création et l’humanisation des prisons, mais il y a un vrai problème. Je ne suis pas certain que l’enfermement individuel soit la réponse à tous les maux.

Le personnel pénitentiaire mérite beaucoup d’attention et de respect. Vous l’avez affirmé lors de votre prise de fonctions. J’ai visité des prisons dans le monde entier pour le Conseil de l’Europe, et j’ai proposé au Gouvernement, lors de l’examen de la loi pénitentiaire, de généraliser les caméras dans les lieux publics de la prison, les couloirs, les lieux de formation, les cours. Il y a une vraie réflexion à mener, des mesures pas forcément très coûteuses à prendre. Il faut en tout cas un dialogue. Votre prédécesseur, Mme Alliot-Marie, a réalisé un immense travail sur la question. Il faut aujourd’hui beaucoup d’écoute.

Au cours des dernières années, nous avons constitué des groupes, au-delà des clivages politiques. Puisque vous venez de prendre vos fonctions, je vous suggère de réunir très rapidement, comme l’a fait Mme Alliot-Marie, les parlementaires ayant une certaine expertise sur ces questions et souhaitant vraiment travailler pour que, dans le dialogue, dans le respect de chacun, nous puissions travailler à vos côtés à des solutions.

De grâce, en tout cas, dans la fidélité à ce qui fait le ciment de la politique menée sous l’impulsion du Président de la République et du Premier ministre, pour laquelle la majorité vous soutient, il faut de l’humanité, mais aussi de la fermeté, de la sécurité et des sanctions lorsqu’il y a des délits et des crimes. Je crois que nous pouvons concilier des exigences qui paraissent contradictoires mais qui peuvent nous réunir.