Modernisation du Conseil Supérieur de la Magistrature

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2009-2010



Compte rendu
 intégral

Troisième séance du mardi 18 mai 2010 

Application de l’article 65 de la Constitution

Discussion générale

M. Michel Hunault. Monsieur le président, madame la ministre d’État, le Nouveau Centre votera ce projet de loi organique, qui constitue pour nous un progrès. Ceux qui m’ont précédé à cette tribune, même s’ils appartiennent à l’opposition, ont bien dû reconnaître l’avancée que représente la saisine du CSM par les justiciables, et André Vallini a bien voulu rappeler que les travaux de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, qu’il présida et dont Philippe Houillon fut le rapporteur, n’ont pu parvenir à de tels résultats.

Les progrès accomplis sont d’autant plus considérables que la question de la responsabilité des magistrats est extrêmement difficile, car ceux-ci rendent la justice dans des conditions parfois très complexes. Il fallait trouver un juste milieu : permettre aux justiciables de saisir le CSM tout en établissant certaines conditions – vous avez rappelé à cet égard les filtrages opérés, madame la ministre d’État. Je crois que la solution à laquelle la révision constitutionnelle a abouti est meilleure que celle que nous avions nous-mêmes préconisée à l’issue des travaux de la commission d’enquête. C’est pourquoi je veux vous assurer du soutien du groupe Nouveau Centre.

Sur la composition du CSM, notre excellent rapporteur a rappelé nos divers points de désaccord avec le Sénat, et je le rejoins.

S’agissant des personnalités qualifiées, j’estime que, dès lors qu’un avocat doit figurer parmi elles, il serait absurde de l’empêcher de plaider pendant toute la durée de son mandat au sein du CSM.

Mais je voudrais aussi réagir à l’appréciation implacable que notre collègue et ami André Vallini,…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Implacable, non ! (Sourires.)

M. Michel Hunault. …connu pour sa connaissance de la justice, a portée sur le bilan de la majorité.

Je lui dirai, tout d’abord, que le temps du bilan n’est pas arrivé. Il nous reste encore deux ans de législature et nous pouvons être fiers du travail considérable déjà accompli, travail auquel les députés du Nouveau Centre ont apporté leur concours. Jamais, depuis dix ans, les crédits de la justice n’ont connu une augmentation aussi régulière : 5 % par an, soit mieux qu’entre 1997 et 2002. La réforme de la carte judiciaire, qu’aucun gouvernement n’avait auparavant eu le courage de présenter au Parlement, a été accompagnée de mesures de restructuration sans précédent, ayant pour seul objectif de rendre la justice plus efficace. Des maisons de la justice et du droit ont été créées. Je peux témoigner de cette évolution puisque, dans l’arrondissement de Châteaubriant où le tribunal d’instance a été supprimé, une maison de la justice et du droit a vu le jour – vous l’avez vous-même inaugurée, madame la garde des sceaux. Nous avons renforcé les effectifs des personnels judiciaires : jamais l’État n’a recruté autant de magistrats que sous cette majorité. Vous avez également créé 400 postes au sein des greffes pour que la justice soit rendue dans de meilleures conditions.

Monsieur Vallini, vous avez osé évoquer la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dans la fameuse affaire Medvedyev. Vous nous aviez déjà « fait le coup » au mois de février, lors de la précédente lecture du texte. Mais, entre-temps, la Cour a rendu son arrêt et, contre toute attente, elle n’a pas confirmé sa première décision. Comparer la situation de la justice française avec la situation de la justice dans certains des quarante-sept États du Conseil de l’Europe, institution à l’assemblée parlementaire de laquelle j’ai l’honneur de siéger encore pour quelques jours, c’est faire injure à la qualité de nos magistrats et à leur souci d’indépendance.

Il y a bel et bien un débat entre nous à propos de l’indépendance des magistrats. Nous sommes, sur les bancs de la majorité, favorables à ce qu’il existe un lien entre la Chancellerie et les magistrats du parquet, afin que l’ordre public soit respecté de la même façon à Lille, à Marseille ou à Nantes. Cela s’appelle une politique pénale, et nous l’assumons : nous sommes là pour soutenir Mme la garde des sceaux dans sa mise en œuvre.

De grâce, ne caricaturons pas la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ! Il faut avoir à l’esprit qu’elle s’applique à de nouvelles démocraties, où l’État de droit est en construction et dont la magistrature n’a rien de commun avec la nôtre. Vous avez fait une interprétation abusive de l’arrêt, monsieur Vallini.

Madame la garde des sceaux, l’embarras de l’opposition est visible. La réforme que nous proposons est une bonne réforme : indépendance renforcée du Conseil supérieur de la magistrature ; saisine du Conseil par les justiciables, avancée considérable que vous me permettrez de rapprocher d’autres droits nouveaux établis sous cette législature grâce à la réforme de la Constitution ; création du défenseur des droits ; instauration de la question prioritaire de constitutionnalité – autre droit fondamental que les citoyens se sont déjà approprié.

Madame la garde des sceaux, le texte que vous nous proposez contribue à réconcilier les justiciables avec la justice. Il ne méritait pas ce que nous avons entendu de la part de l’opposition. Pour ma part, je vous apporte, au nom de mes collègues, l’entier soutien du groupe Nouveau Centre, et vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)