Lutte contre le terrorisme et respect des droits de l’homme

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SESSION DE 2002

(Première partie)

COMPTE RENDU

de la sixième séance

01/01/2002 à 10:00:00

Lutte contre le terrorisme et respect des droits de l’homme

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LE PRÉSIDENT (Interprétation) dit que l’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Hunault, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (document 9331) ainsi que de l’avis oral de M. Margelov, au nom de la commission des questions politiques, sur la lutte contre le terrorisme et le respect des droits de l’homme.

M. Walter Schwimmer, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, interviendra au cours de ce débat.

La liste des orateurs a été close hier à 19 heures; trente-deux orateurs se sont fait inscrire et cinq amendements ont été déposés.

Le Président rappelle que l’Assemblée a décidé de limiter le temps de parole des orateurs à quatre minutes tout au long de la journée.

Il donne la parole au rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.

M. HUNAULT (France) rapporteur. ? Un peu plus de quatre mois, après les événements du 11 septembre, notre Assemblée a estimé nécessaire de faire le point sur les moyens utilisés pour combattre le terrorisme.

Dès le 26 septembre, quelques jours après les actes terroristes qui ont frappé l’Amérique, notre Assemblée avait adopté la Recommandation n° 1534 «sur les démocraties face au terrorisme.»

Notre Assemblée entend réaffirmer avec force que rien ne saurait justifier le recours à des actes terroristes. Nous refusons de voir dans ces événements du 11 septembre, les prémices d’un prétendu conflit de civilisations encore moins une guerre de religions.

Si la lutte contre le terrorisme doit être universelle et si les Nations unies demeurent l’enceinte qui doit rester garante des actions entreprises contre le terrorisme, le Conseil de l’Europe doit quant à lui être le coeur de valeurs qui ne doivent en aucun cas être bafouées!

Pour mieux combattre le terrorisme, nous nous devons de nous interroger sur ses causes. Il nous faut aussi réfléchir aux moyens les plus appropriés de lutter contre lui en visant tant les causes que les effets, donc en privilégiant aussi la prévention.

Nous considérons que les meilleurs instruments pour réduire le soutien dont bénéficie aujourd’hui le terrorisme réside dans le développement du niveau d’éducation, l’accès à des conditions de vie décentes et le respect de la dignité humaine.

Ces attaques du 11 septembre ont montré clairement le vrai visage du terrorisme et la nécessité d’un nouveau type de réaction de la part de la communauté internationale. Le terrorisme constitue un problème international pour lequel des solutions doivent être trouvées sur la base d’une approche politique globale. La communauté mondiale doit montrer qu’elle ne capitulera pas devant le terrorisme et qu’elle défendra plus vigoureusement encore les valeurs démocratiques, l’état de droit, les droits de l’homme et les libertés fondamentales.

L’Assemblée du Conseil de l’Europe a maintes fois affirmé sa détermination à lutter contre le terrorisme, en mettant l’accent sur la nécessité de respecter les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe figurant en particulier dans la Convention européenne des Droits de l’Homme et ses protocoles additionnels, notamment le protocole n° 6 sur l’abolition de la peine de mort, car nous considérons que la lutte contre le terrorisme doit être menée dans le respect de la légalité et le respect des droits de l’homme.

Notre assemblée, qui s’est résolument prononcée contre la peine de mort et a réussi à faire de l’Europe un continent exempt de la peine de mort, n’admet aucune exception à ce principe. Dès lors, notre assemblée souhaite réaffirmer que ses Etats membres ne doivent pas non plus procéder à des extraditions exposant la personne concernée à des risques de mauvais traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme ou à un procès qui ne respecterait pas les principes fondamentaux d’un procès équitable.

Ainsi, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les Etats membres ne doivent pas introduire de dérogation à la Convention européenne des Droits de l’Homme, c’est un point essentiel de ce rapport. Se pose le problème de la juridiction compétente pour statuer sur le sort des terroristes. L’Assemblée souhaite que les statuts de la Cour pénale internationale soient rapidement ratifiés et que sa compétence soit étendue au terrorisme.

Les événements du 11 septembre nous obligent aussi à accroître la coopération judiciaire entre les Etats membres du Conseil de l’Europe. Le mandat européen que mettra en place l’Union européenne doit être étendu à l’ensemble des Etats membres du Conseil.

Il faut aussi s’attaquer aux sources de financement du terrorisme. A cet effet, notre assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe à ratifier sans délai la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme mais aussi la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime ainsi que toute une série de conventions rappelées dans le rapport.

La moralisation de la vie financière internationale est une obligation pressante, elle contribuera à lutter contre le financement du terrorisme. Je rappelle que la communauté internationale s’est dotée d’instruments nouveaux dans différentes enceintes: le Groupe d’action financière (GAFI) et le Forum de la stabilité financière.

Les attentats du 11 septembre obligent à donner une toute autre dimension à la lutte contre l’argent sale, d’autant plus que le financement du terrorisme fait aussi appel au «noircissement d’argent propre», c’est-à-dire le financement légal par des Etats, des banques des activités de réseaux terroristes. Il ne devrait plus être possible que des Etats membres du Conseil de l’Europe acceptent des centres off-shore, des paradis fiscaux ou sociétés écrans qui servent au blanchiment de l’argent d’organisations criminelles qui prospèrent grâce à la drogue. Afin de créer des réseaux de coopération entre unités d’intelligence financière, nous nous sommes interrogés également sur la nécessité d’un organisme international de veille pour lutter plus efficacement contre le financement du terrorisme.

Le terrorisme est un défi au monde et la lutte contre le terrorisme est un combat complexe. La nébuleuse terroriste est opaque et utilise les failles juridiques dans un monde de plus en plus globalisé. C’est pourquoi les pays du Conseil de l’Europe doivent s’attaquer non seulement au financement du terrorisme, à la lutte contre le blanchiment, mais aussi accélérer la coopération judiciaire pour créer un véritable espace judiciaire européen en accélérant la ratification au sein de leur législation interne des conventions énumérées dans ce rapport.

Mais, cette lutte est un devoir qui doit se faire dans le respect des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe. C’est un défi. Tel est le sens, monsieur le Président, du rapport qui est soumis ce matin à la discussion de l’Assemblée parlementaire.

(…)

LE PRÉSIDENT (Interprétation) appelle la réplique de la commission et donne la parole à M. le rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.

M. HUNAULT (France). ? Monsieur le Président, dans le très peu de temps qui m’est donné pour répondre aux interventions des différents orateurs, je voudrais d’abord saluer leur qualité et l’unanimité qui s’est exprimée pour affirmer que la lutte contre le terrorisme était un véritable défi à l’humanité: il s’agit bien d’un problème d’une grande complexité, mais il nous faut préserver nos valeurs fondamentales, celles qui fondent le Conseil de l’Europe et que vient de rappeler M. le Secrétaire Général de notre assemblée en disant que combattre le terrorisme et respecter les droits de l’homme, c’est le même combat. Il ne faut pas admettre la moindre entorse aux principes de la Convention européenne des Droits de l’Homme rappelés par l’ensemble des orateurs.

Je voudrais revenir sur les causes. Mme Auken et Lord Judd ont eu raison de dire que la pauvreté était une des causes et qu’il fallait également défendre le droit à la vie, un droit essentiel. Beaucoup d’intervenants ont rappelé la nécessité de lutter contre le financement du terrorisme. A notre collègue polonais qui émettait des doutes sur l’intérêt de ce rapport et des conventions qui doivent être ratifiées, je répondrai que le financement du terrorisme est un aspect essentiel de la lutte.

Enfin, deux autres points ont retenu l’attention de plusieurs intervenants: le sort des prisonniers et la nécessité de mettre rapidement en vigueur la Cour pénale internationale et d’étendre sa compétence au terrorisme. Nous nous rejoignons sur le fait que, s’agissant des prisonniers qui vont être jugés, il ne faut admettre aucune dérogation aux principes essentiels de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

Voilà, monsieur le Président, les quelques réflexions que m’ont inspirées les diverses interventions, qui, je crois, se rejoignent sur l’essentiel.