Lutte contre la récidive

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session extraordinaire 



Compte rendu 
intégral

Première séance du mardi 17 juillet 2007

Lutte contre la récidive

Discussion, d’un projet de loi 
adopté par le Sénat après déclaration d’urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, adopté par le Sénat, renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (nos 63, 65).

Exception d’irrecevabilité

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe du Nouveau centre.

M. Michel Hunault. Madame la garde des sceaux, au nom de mes collègues du Nouveau centre, je tiens à vous assurer de notre soutien en ce début de législature et pour l’examen de ce premier texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J’ai écouté avec beaucoup d’attention l’orateur du groupe socialiste, qui ne manque pas de talent. Manuel Valls a fait le procès de ce texte, terminant sa plaidoirie en réclamant des moyens pour la justice. Mais pourquoi donc, chers collègues socialistes, avez-vous refusé, pendant cinq ans, de voter le budget de la justice ?

Ce faisant, vous avez refusé d’augmenter les moyens de la justice ! Je croyais que certains sujets faisaient consensus dans cet hémicycle et que la lutte contre la délinquance était de ceux-là !

J’ai bien entendu vos critiques, monsieur Valls. Mais je rejoins Georges Fenech : en quoi avez-vous démontré que ce texte mettait à mal l’individualisation de la peine ou l’appréciation du juge ? Vous affirmez sans prouver.

Madame la garde des sceaux, j’ai pour ma part le sentiment que vous présentez un projet de loi parfaitement équilibré. Il préserve en effet les principes auxquels le législateur doit être attentif.

Monsieur Valls, vous avez fort justement évoqué la situation difficile que connaissent les prisons françaises – j’y reviendrai d’ailleurs dans la discussion générale. Mais au lieu de combattre le garde des sceaux, nous devons au contraire être très vigilants et soutenir deux projets de loi en cours, celui qui institue un contrôleur général des prisons et celui portant sur la pénitentiaire.

M. René Couanau. Très bien !

M. Michel Hunault. Tous, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons dans cet hémicycle, nous n’avons cessé de dénoncer la situation des prisons françaises. Nous devrions donc aujourd’hui nous rassembler et aider le garde des sceaux afin que soient apportées des réponses à ce problème particulièrement préoccupant.

Au nom du groupe du nouveau centre, j’appelle à rejeter cette motion d’irrecevabilité.

Nous aurons l’occasion, madame la garde des sceaux, d’enrichir votre projet de loi tout au long de la discussion Il avait été annoncé par le Président de la République lors de la campagne électorale et était attendu : l’opposition doit s’habituer à ce que, une fois élus, nous tenions nos engagements.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

…..

Discussion générale 

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Madame la garde des sceaux, je tiens, au nom du groupe Nouveau Centre, à vous apporter tout notre soutien dans votre volonté affichée de lutter plus efficacement contre la récidive tant des majeurs que des mineurs.

J’espère, mes chers collègues, que vos exclamations tendaient, dans un désir commun, à approuver cette lutte !

Cette volonté, madame la ministre, correspond à un engagement du Président de la République pris lors de la campagne électorale, et l’on ne peut que se réjouir qu’il soit tenu.

Le projet de loi se veut un texte à la fois de fermeté contre la récidive et de protection des victimes. C’est d’ailleurs à celles-ci que je pense d’abord à cette tribune, à toutes les victimes de récidivistes de crimes ou de délits, pour lesquelles notre société n’a pas su apporter les réponses, qui, certes, sont difficiles à mettre en œuvre, mais qu’il incombe au législateur d’élaborer.

Était-il nécessaire de légiférer en matière de récidive ? Sans hésitation, je répondrai oui, ne serait-ce qu’au regard de l’augmentation de la délinquance.

Entre 2000 et 2005, les condamnations en récidive pour crimes et délits ont augmenté de 70 % et même de 145 % pour les auteurs de délits violents. Selon une étude de votre ministère, madame la ministre, en date d’avril 2005, plus d’un condamné sur deux récidive dans les cinq ans qui suivent sa libération, taux qui atteint 70 % pour les cas de violences volontaires avec outrage et 72 % pour les vols avec violence. Quant aux condamnés pour agressions ou atteintes sexuelles, plus des deux tiers récidivent dans les cinq ans qui suivent leur sortie de prison. Et selon une récente étude, sur les 16 000 mineurs condamnés en 1999, plus de 55 % l’ont été de nouveau dans les cinq ans.

Votre projet de loi se veut dissuasif, partant de l’idée que la certitude de la sanction est le premier outil de la prévention, sachant cependant que l’efficacité de la lutte contre la récidive requiert également l’exécution effective et rapide des décisions de justice. Il tend ainsi à instaurer des peines minimales d’emprisonnement applicables aux majeurs et aux mineurs récidivistes et à les sanctionner fermement, créant ainsi un effet dissuasif, à élargir les situations dans lesquelles les mineurs âgés de plus de seize ans ne bénéficient pas de l’atténuation de responsabilité prévue par l’ordonnance de 1945, et à prévoir des peines plancher de prison pour tous les crimes et délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement qui ont été commis en récidive.

Contrairement à ce qu’ont prétendu avant moi les orateurs de l’opposition, de telles mesures ne portent atteinte ni à l’individualisation de la peine ni au pouvoir d’appréciation du juge.

Madame la garde des sceaux, l’efficacité de l’action contre la récidive passe également par une meilleure exécution des décisions de justice, nécessité que M. le président de la commission des lois soulignait encore récemment dans un excellent rapport. Les chiffres sont là : près de 5 millions de crimes et délits sont commis chaque année dans notre pays, pour une capacité annuelle de jugement de 600 000 affaires. Et sur les 100 000 peines d’emprisonnement prononcées chaque année par les tribunaux, près de 40 % ne sont jamais exécutées.

Je voudrais, au nom du Nouveau Centre, insister plus particulièrement sur quelques points.

Vous savez, madame la garde des sceaux, les craintes que suscite votre texte. Certains considèrent ainsi que son adoption conduira à envoyer 10 000 détenus de plus dans les prisons, alors que, vous l’avez dit vous-même dans votre discours liminaire, la situation y est intolérable. Je salue donc votre volonté d’améliorer celle-ci.

Le renforcement de la lutte contre la récidive doit en effet s’accompagner de moyens financiers pour assurer un meilleur suivi des prisonniers.

Une autre objection avancée contre le projet de loi tient au risque d’augmentation du nombre de détenus.

Plusieurs rapports parlementaires sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires ont dressé, au cours des deux précédentes législatures, un constat tragique de la situation dans les prisons.

Le constat, mes chers collègues, a été unanime : les maisons d’arrêt sont surpeuplées, les droits de l’homme bafoués, le contrôle inefficace et, souvent, la loi du plus fort règne.

Depuis 2002, la situation a évolué grâce à la volonté de moderniser le parc immobilier pénitentiaire, de créer des établissements exclusivement réservés aux mineurs, et de fournir des efforts en faveur de l’insertion. Tout cela va dans le bons sens, mais il faut aller plus loin. Le groupe Nouveau Centre a donc déposé plusieurs amendements, que j’aurai l’honneur de défendre.

Les conséquences du projet de loi, parfois critiquées, en matière de détention, nous interpellent et nous obligent à agir sur la situation dans les prisons françaises, et je salue à cet égard votre volonté affirmée au nom du Gouvernement et du Président de la République, madame la ministre, de créer un contrôleur général indépendant doté des moyens nécessaires, et d’élaborer une grande loi pénitentiaire. Au nom de mon groupe, je réitère le souhait que le parlement soit associé aux travaux préparatoires de cette loi, s’appuyant sur les travaux des commissions d’enquête, lesquelles ont su dépasser les clivages politiques, pour améliorer les conditions de détention et d’insertion.

Je vous demande également, de la manière la plus solennelle qui soit, de vous référer aux textes et aux rapports des institutions européennes. Vous savez combien le Conseil de l’Europe s’est attaché, au-delà de la seule révélation de la situation dans les prisons – non pas seulement en France d’ailleurs, comme j’ai pu entendre certains le prétendre, mais dans l’ensemble des lieux privatifs de liberté – à ce que nous puissions concilier l’exigence de fermeté et de sanction et celle, non moins égale, du respect de la dignité de toute personne.

La sanction doit être la privation de liberté, pas l’humiliation des personnes privées de liberté.

Mais cela suppose de réfléchir au rôle et aux missions de la prison et d’envisager des mesures alternatives à l’enfermement pour les petites peines.

Je pense, par exemple, au suivi éducatif, aux travaux d’intérêt général, au bracelet électronique. À cet égard, madame la garde des sceaux, je suis sûr que vous pourrez compter sur la contribution des parlementaires, de quelque côté de l’hémicycle qu’ils siègent. C’est indispensable, car la situation dans les prisons est intenable. J’ai approuvé la décision du Président de la République de ne pas, comme à l’habitude, utiliser le droit de grâce pour libérer 5 000 prisonniers, le 14 juillet dernier. Le droit de grâce ne doit pas servir à gérer la situation explosive des prisons françaises. Il reste qu’il faut repenser la mission de la prison de sorte qu’elle ne soit plus un facteur de récidive. Lors de votre audition devant la commission des lois, vous avez, à juste titre, insisté sur le fait que les sorties sèches sont bien souvent causes de récidive.

Je rappelle à nos collègues de l’opposition que c’est une majorité de droite qui, en 1994, a voté la loi relative à l’accès aux soins des prisonniers. Nous devons maintenant, dans cette loi pénitentiaire, nous attacher à l’accès à la formation pour permettre aux détenus de sortir de prison meilleurs qu’ils n’y sont entrés. La formation et l’accès à un métier sont les meilleures armes pour lutter contre la récidive.

Le groupe Nouveau Centre veut vous soutenir dans votre volonté, car, contrairement à ce que vient de dire mon collègue, il ne s’agit pas d’un vœu pieux mais d’une obligation.

Nous devons adresser aux délinquants le signal fort que la priorité est l’ordre public. Mais cette fermeté doit s’accompagner vis-à-vis des détenus d’une exigence de dignité, d’humanité et d’aide à la formation, pour que ceux-ci sortent de prison meilleurs qu’ils n’y sont entrés.

Je voudrais également insister sur le suivi médical et psychiatrique. Dans votre propos introductif, comme en commission des lois, vous avez indiqué, madame la ministre, que vous étudiiez avec votre collègue ministre de la santé les moyens financiers et humains à déployer pour la mise en œuvre de votre texte. En matière de délinquance sexuelle en particulier, on sait très bien que l’obligation de soins, un suivi, est le meilleur moyen de lutter contre la récidive.

Sur les objectifs, on ne peut qu’être d’accord avec vous.

M. Valls l’a dit clairement – j’ai même cru qu’il était prêt à voter le texte ! –, on ne peut qu’être d’accord pour lutter contre la délinquance.

C’est sur les moyens que l’on peut être en désaccord.

À cette tribune, je pense aux témoignages des parents d’enfants violés et tués par des criminels récidivistes. Il n’y avait ni haine ni esprit de vengeance dans leurs propos, mais une interpellation des élus de la nation que nous sommes. Ils nous demandaient d’agir pour prévenir toute récidive. Nous avons donc une obligation, et ce texte affiche avec fermeté cette nécessité et cette ambition. Pour ce qui est des moyens, les députés de la majorité demanderont par voie d’amendements des garanties tant pour améliorer la situation dans les prisons que pour le suivi des délinquants et des criminels sexuels.

À en croire les critiques portées sur votre texte, la certitude de la sanction n’empêcherait pas la récidive. Or le projet de loi n’instaure pas de peines d’emprisonnement fixes et incompressibles, pas plus qu’il ne remet en cause les possibilités d’aménagement des peines. Et contrairement à ce que j’ai pu entendre, il préserve la liberté d’appréciation des juges.

Ce sont des affirmations gratuites que vous ne pouvez pas prouver.

Le Conseil constitutionnel a fait de l’individualisation de la peine et du pouvoir d’appréciation des juges des principes intangibles.

Au contraire, c’est un texte d’équilibre, qui ne remet pas en cause ces principes auxquels vous êtes, autant que nous le sommes, attachés.

Le projet de loi prévoit que l’injonction de soins deviendra le principe dès lors qu’une expertise aura conclu à une possibilité de traitement.

Les détenus seront incités fermement à se soigner et tout refus empêchera toute réduction de peine supplémentaire et toute libération conditionnelle.

Madame la garde des sceaux, ainsi que plusieurs de mes collègues, j’ai eu l’honneur de participer à la commission d’enquête parlementaire dite d’Outreau. Pendant six mois, nous avons travaillé à améliorer la justice. Votre prédécesseur, Pascal Clément, a pu compter sur le soutien des représentants de la nation pour contribuer à améliorer la situation des tribunaux, des prisons et des lieux privatifs de liberté. En ce début de législature, je peux vous dire que c’est animé de cette même exigence que le groupe Nouveau Centre vous apportera son soutien. Puisse cette session extraordinaire nous permettre de retrouver le consensus obtenu au sein de la commission d’Outreau. Pour toute mesure relative au contrôle des prisons, au milieu pénitentiaire, au suivi socio-judiciaire ou à l’obligation de soins, vous trouverez dans notre groupe un partenaire pour vous aider dans la noble mission que vous a confiée le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)