Lutte contre la récidive

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session extraordinaire 



Compte rendu 
intégral

Deuxième séance du mardi 17 juillet 2007 

Lutte contre la récidive

Suite de la discussion 
d’un projet de loi adopté par le Sénat 
après déclaration d’urgence

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Nous allons d’abord examiner les amendements portant articles additionnels avant l’article 1er.

Avant l’article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 95 et 96, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l’amendement n° 95.

M. Noël Mamère. Ce que nous proposons n’imposera pas d’affecter des millions d’euros supplémentaires au budget de la justice.

Face à la surpopulation dans les prisons françaises, cet amendement vise à préciser dans le projet de loi que le garde des sceaux présentera, chaque année, au Parlement, un rapport sur l’état de nos prisons et sur les mesures qui auront été prises en matière d’insertion.

Je répète que la France a déjà été épinglée par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Notre situation n’est pas en conformité avec la convention internationale des droits de l’enfant que, pourtant, nous avons ratifiée. Et nos prisons françaises n’ont jamais été aussi dégradées depuis 1945.

Même si l’on peut vouloir tordre le cou aux chiffres, il y a des réalités qui s’imposent avec le principe des peines plancher : les prisons seront encore plus surpeuplées quand ce projet de loi sera mis en application et la situation deviendra ingérable. Dans certaines prisons françaises, l’atmosphère est déjà particulièrement détestable, et vous prenez le risque d’y mettre le feu. Il sera extrêmement difficile de faire face aux conséquences du projet de loi.

Cet article additionnel avant l’article 1er prévoit donc que le garde des sceaux présente un rapport au Parlement et qu’il s’engage sur un certain nombre d’orientations de sa politique pénitentiaire.

Je sais bien que Mme la ministre va nous répondre que sa loi pénitentiaire est à l’étude, mais nous préférons, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, obtenir d’ores et déjà des engagements noir sur blanc de sa part. Au moins, pour une fois, les promesses n’engageront pas seulement ceux qui les écoutent.

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour soutenir l’amendement n° 96.

M. Michel Hunault. J’avais déposé cet amendement il y a une quinzaine de jours avant les réunions de la commission des lois, et je constate qu’il a été repris par d’autres collègues sur les bancs de cet hémicycle.

La situation des prisons doit être entre nous un sujet non pas d’opposition, mais de consensus. J’ai en mémoire les travaux des commissions parlementaires sur les prisons, notamment celle présidée par Laurent Fabius puis par Louis Mermaz, dont les conclusions avaient donné lieu à un rapport adopté à l’unanimité. Au cours de la précédente législature, nous nous sommes également retrouvés, au-delà des clivages politiques, pour dénoncer la situation préoccupante des prisons françaises.

Madame la garde des sceaux, votre projet de loi suscite des interrogations quant aux conséquences qu’il aura sur le nombre de détenus dans les prisons françaises. Je rappelle les chiffres : actuellement, près de 61 000 personnes sont incarcérées pour une capacité de 48 500 places. Cette situation dramatique a été dénoncée par un certain nombre d’organismes, notamment par le Conseil de l’Europe.

Madame la garde des sceaux, quand j’ai rédigé cet amendement, je voulais attirer votre attention en proposant que, chaque année, le Gouvernement présente un rapport à la représentation nationale et explique la politique pénitentiaire, afin de nous permettre d’agir et d’améliorer la situation.

Or, depuis la rédaction de cet amendement, vous vous êtes engagée, au nom du Gouvernement, sur deux projets de loi. Le premier vise à créer un contrôleur général indépendant des lieux de privation de liberté. S’agissant du deuxième, vous nous avez indiqué que vous alliez travailler à l’élaboration d’une loi pénitentiaire qui reprendra les rapports du Conseil de l’Europe, notamment, et les grandes lignes de la charte pénitentiaire.

Afin que cet amendement ne soit pas une source d’opposition entre la représentation nationale et le Gouvernement, ou entre les différents partis représentés dans cet hémicycle, je vous demande de nous confirmer l’engagement du Gouvernement sur le travail de préparation de cette loi pénitentiaire, et d’accepter d’y associer l’ensemble de la représentation nationale. En outre, au-delà des constats, des rapports parlementaires, de la dénonciation, je souhaite que nous nous engagions, Gouvernement et représentation nationale, à donner à l’administration pénitentiaire les moyens de replacer l’homme au cœur des préoccupations, pour que la seule sanction soit la privation de liberté et non pas les humiliations permanentes constatées dans les prisons. Enfin, tout ce qui concerne la réhabilitation, la formation des détenus pour lutter contre les sorties « sèches », doivent être des éléments qui contribuent à rendre plus exceptionnelle la récidive. C’est ce qui, je crois, pourrait nous réunir ce soir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements en discussion ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

Elle n’est pas insensible à ces questions de fond, et je voudrais redire aux auteurs de ces deux amendements combien nous sommes tous d’accord sur le constat, sur l’analyse et sur les voies à suivre pour dégager des solutions.

Il n’y a pas, je crois, de plus grande cause que celle de la dignité humaine, y compris celle des personnes qui sont privées de liberté et pour lesquelles la peine à laquelle elles sont condamnées est une punition suffisante − je confirme en cela ce que disait Michel Hunault. Mme la garde des sceaux nous l’avait dit au moment de son audition et l’a redit depuis, cette question est au cœur du projet de loi pénitentiaire qui sera présenté à l’automne. Pour éviter que nos travaux ne soit redondants avec ce grand débat qui se déroulera ici même et dont nous aurons largement à nous préoccuper à ce moment-là, la commission a émis un avis défavorable à ces deux amendements, tout en souhaitant que leurs auteurs puissent les retirer après que le Gouvernement leur aura confirmé ses intentions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Cette demande est tout à fait pertinente et correspond aux principes qui nous animent. Nous soumettrons deux textes au Parlement : le projet de loi pénitentiaire sera discuté à l’automne et j’ai récemment présenté au Conseil des ministres un second texte sur le contrôleur général des lieux privatifs de liberté. Cette autorité indépendante aura pour mission de contrôler les conditions de vie des détenus et les conditions de travail du personnel pénitentiaire ou de tout autre lieu privatif de liberté. Il sera également chargé de remettre un rapport au Président de la République et au Parlement. Nous pourrons, si c’est insuffisant, l’intégrer dans la loi pénitentiaire. C’est pourquoi nous sommes défavorable à ces amendements.

M. le président. Monsieur Hunault, retirez-vous votre amendement ?

M. Michel Hunault. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 96 est retiré.

Article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 49 et 88 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Michel Hunault, pour défendre l’amendement n° 49.

M. Michel Hunault. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 49.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 2 

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. L’opposition vient de déclarer que le Gouvernement allait s’en remettre à une loi pénitentiaire et à un organisme indépendant. Elle estime que ce texte pose deux problèmes : l’individualisation des peines et l’appréciation des juges, deux principes constitutionnels. Si vous considérez que ce projet de loi les enfreint, le Conseil constitutionnel tranchera.

Mais j’avoue, chers collègues, ne pas avoir encore saisi la pertinence de vos arguments.

Mme la garde des sceaux a pris l’engagement devant la représentation nationale de faire adopter une loi pénitentiaire et de créer un organisme indépendant, chargé de contrôler les prisons. Mme Lebranchu a été garde des sceaux. Elle a été la première à associer l’ensemble de la représentation nationale – toutes tendances politiques confondues – afin d’élaborer un texte.

Alors, si nous voulons réellement améliorer la situation des prisons, de grâce, cessons les procès d’intention ! La future loi pénitentiaire n’est pas, comme vous le laissez entendre, destinée à répondre à l’augmentation du nombre de détenus, mais à redonner un sens à l’incarcération.

Permettez-moi de citer l’exemple du Canada sur lequel nous pourrons peut-être nous entendre. Dans ce pays, comme dans certains autres, l’on essaie de privilégier les peines alternatives à l’emprisonnement pour les petits délinquants, comme le prévoit la future loi pénitentiaire, ce qui permettra d’éviter une explosion de la population carcérale, que vous redoutez. Alors, cessez, mes chers collègues, de faire nous peur en nous laissant croire que ce projet de loi conduira à l’explosion de la population carcérale avec 70 000, voire 100 000 détenus supplémentaires.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 50 et 90.

La parole est à M. Michel Hunault, pour défendre l’amendement n° 50.

M. Michel Hunault. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour défendre l’amendement n° 90.

M. Christophe Caresche. Cet amendement tend à supprimer le caractère exceptionnel des garanties de réinsertion que vous voudriez exiger en cas de récidive. Non seulement on ne tient pas compte de la personnalité, des circonstances de l’infraction, mais en plus il faudrait que les garanties de réinsertion soient exceptionnelles. Cela signifie que vous restreignez considérablement le pouvoir d’appréciation laissé au juge. Ainsi, vous allez empêcher l’individualisation des peines. Il ne s’agit ni d’être laxiste, ni d’être ferme, mais de prononcer une peine juste à la fois pour la victime parce que tout délit mérite réparation, mais aussi pour le condamné, c’est-à-dire une peine qui lui permette de se réinsérer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Il s’agit là d’une question sérieuse. Il faut préciser ce que l’on entend par garanties exceptionnelles. Soit des garanties d’insertion ou de réinsertion sont données et le juge prend sa responsabilité par rapport à ces informations, soit il n’en a pas. Le législateur doit pouvoir apporter des précisions qui permettront au juge de travailler. Or, comment le pourront-ils dès lors que nous ne définissons pas la notion d’exceptionnalité ?

M. Georges Fenech. Faites confiance à la jurisprudence ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Julien Dray. Le législateur ne sert à rien, alors !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 50 et 90.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)