Lutte contre la récidive

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session extraordinaire 



Compte rendu 
intégral

Séance du mercredi 18 juillet 2007  

Lutte contre la récidive

Suite de la discussion
 d’un projet de loi adopté par le Sénat 
après déclaration d’urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (nos 63, 65).

Discussion des articles (suite)


Article 2 bis

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Madame la garde des sceaux, depuis le commencement de cette discussion, les députés du Nouveau Centre n’ont pas manqué de vous soutenir. Cependant, je ne comprends pas l’amendement de la commission. Hier, nous avons répondu à l’opposition que ce projet de loi ne mettait à mal ni le pouvoir d’appréciation des juges, ni le principe d’individualisation des peines. Objectivement, l’article 2 bis, introduit à l’initiative du rapporteur au Sénat, François Zocchetto, traduit cette double exigence en demandant que le procureur de la République puisse, à travers l’enquête de personnalité du prévenu, apprécier la peine avant les réquisitions. Je ne vois pas comment on peut être favorable à un amendement visant à supprimer une disposition qui enrichit votre texte.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !

M. Michel Hunault. Je voudrais en outre répondre à Manuel Valls. Vous avez, monsieur Valls, rappelé les exigences que vous aviez formulées hier au nom du groupe socialiste, en mettant presque en demeure Mme la garde des sceaux de donner à la représentation nationale des informations sur les prisons. Autant nous nous accordons sur le fait que la situation est préoccupante, autant je suis en désaccord avec votre façon de présenter les choses. Vous partez du postulat que ce projet de loi va aggraver la situation des prisons, laissant entendre qu’il y aurait 10 000 à 20 000 détenus supplémentaires après son adoption.

Or, jusqu’à preuve du contraire, ces affirmations sont invérifiables, d’autant que Mme la garde des sceaux a annoncé hier au nom du Gouvernement l’examen dans les prochaines semaines de deux textes que nous attendons depuis plus de dix ans : l’instauration du contrôle général des prisons et une loi pénitentiaire qui aura précisément pour objectif de vider celles-ci, grâce aux peines alternatives, de certains détenus qui n’ont rien à y faire. Assez de procès d’intention ! Ce texte n’aura pas pour conséquence d’augmenter le nombre de détenus dans les prisons. Vous faites exprès de tout mélanger afin de jeter le discrédit sur le projet !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux. S’agissant de l’enquête de personnalité, le procureur a déjà toute latitude pour en prescrire une, quelle que soit la configuration. Elle est en outre obligatoire pour les mineurs et pour les jeunes majeurs en cas de comparution immédiate ou de réquisitions de détention. Si nous la rendons systématique pour les récidivistes, les primo-délinquants ne pourront pas en bénéficier de la même manière. Il ne s’agit pas d’une remise en cause ou d’une défaveur : l’appliquer à tout le monde aurait un coût – il faut compter de 40 à 77 euros par enquête.

S’agissant des autres informations que vous m’avez demandées hier, je vous réponds sans avoir aucunement besoin d’injonction. Au 1er juillet 2007, la population pénitentiaire s’élevait à 61 810 personnes placées sous écrou, parmi lesquelles 4 979 sont en aménagement de peine, dont plus de 2 000 sous bracelet électronique. En effet, toutes les personnes placées sous écrou ne sont pas en détention. Le nombre des aménagements de peine a augmenté de près de 28 %, celui des placements sous bracelet électronique de près de 59 %, grâce à une augmentation de 75 % du nombre des conseillers d’insertion et de probation depuis 2002.

Pour répondre à M. Montebourg, 1,1 milliard d’euros en autorisations d’engagement a été destiné aux investissements pour la construction et la rénovation des prisons depuis 2002, pour 13 200 places au total. C’est la conséquence de la loi Perben votée par le Parlement – je salue d’ailleurs la présence de son auteur. 2 031 places seront ouvertes en 2008, de même que 49 centres éducatifs fermés – il y en a 29 aujourd’hui. Je confirme à ce propos le financement des cinq centres à dominante pédopsychiatrique. Voilà les réponses aux questions que vous m’avez posées. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

…………………

Article 2 ter 

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n° 4, à l’article 2 ter.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement n° 99.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 4.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. L’article 2 ter, introduit par le Sénat, est un bon article, qui va dans le sens de l’objectif général de la loi qui est de concourir, par tous les moyens, à prévenir la récidive ou la multirécidive.

Toutefois, il nous est apparu en commission que rendre systématique cette nouvelle disposition pourrait présenter des inconvénients, dont nous avons discuté de manière très libre. Du reste, il y a autant d’arguments qui plaident pour le maintien du texte du Sénat que pour son aménagement, en vue de pallier les effets indésirables que pourrait avoir son adoption en l’état.

L’amendement n° 4, prévoit donc que le président de la juridiction, au moment du prononcé de la sentence, « informe » – et non « avertit » – le condamné des risques qu’il encourt en cas de récidive ou de multirécidive, tout en donnant au juge la possibilité dans certains cas de ne pas le faire « s’il l’estime opportun » – l’application de la disposition est donc laissée à sa libre appréciation.

L’information donnée par le juge au condamné doit être en effet suffisamment précise et personnalisée pour avoir du sens. Si elle reste trop générale, le condamné la percevra comme une formule officielle, voire une « rubrique », parmi d’autres : il ne sentira pas qu’elle lui est personnellement destinée et elle perdra alors beaucoup de sa portée. En revanche, si elle est personnalisée, comme le nombre des jugements correctionnels prononcés chaque année s’élève à 400 000, on courra le risque d’une réelle inégalité dans la personnalisation de l’information, entraînant à son tour un risque de nullité. Or il serait dommage que l’article 2 ter, qui est une bonne disposition, fasse prendre des risques de nullité pour de simples raisons de forme.

Prenons par ailleurs l’exemple, ni ubuesque ni caricatural, d’un président de cour d’assises qui vient de condamner pour plusieurs assassinats un accusé à une peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de trente ans : imagine-t-on que ce magistrat puisse informer le condamné devant les familles des victimes, le public et la presse que s’il commet un nouvel assassinat il sera passible d’une peine minimale de quinze ans ? Cela serait contraire à l’objectif recherché et troublerait pour le moins les familles des victimes.

Telle est la raison pour laquelle la commission a décidé de proposer cet amendement, tout en précisant que sa rédaction est perfectible. Je propose donc que l’Assemblée le vote dans sa rédaction actuelle mais que, à l’occasion de la commission mixte paritaire, députés et sénateurs tentent de trouver ensemble la formulation définitive qui permettra de traduire dans la loi l’intention des sénateurs, que nous partageons, mais tout en en supprimant les effets indésirables.

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir le sous-amendement n° 99.

Mme Marietta Karamanli. Mon sous-amendement, prévoit, après les mots : « informe le condamné », d’insérer les mots : « de manière circonstanciée et compréhensible par lui, des conséquences » d’une récidive. C’est qu’il ne s’agit pas seulement d’informer mais également de s’assurer que l’information a été bien comprise. Le sous-amendement vise donc à garantir une meilleure compréhension, par le condamné, de sa peine et des conséquences d’une récidive.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. La commission n’a pas examiné le sous-amendement, mais à titre personnel et dans la logique de mes propos, j’y suis plutôt défavorable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Bernard Roman. Pourquoi, puisque ce sous-amendement améliore le texte ? Quel sectarisme !

M. le président. Monsieur Roman, laissez M. le rapporteur s’exprimer.

M. Manuel Valls. C’est de l’idéologie !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ce sous-amendement aurait amélioré la rédaction de l’article si nous n’avions pas pris la peine, auparavant, de l’amender par les mots : « S’il l’estime opportun ». C’est précisément parce que nous souhaitons que l’information soit personnalisée que nous proposons que le président de la juridiction décide de l’opportunité de faire ce rappel. Le sous-amendement est donc redondant et son adoption constituerait même un affront pour le juge puisqu’il reviendrait à lui demander de donner une information suffisamment personnalisée et compréhensible, comme s’il n’était pas capable d’y penser lui-même !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 4 et le sous-amendement n° 99 ?

Mme la garde des sceaux. Avis favorable à l’amendement n° 4 et défavorable au sous-amendement n° 99.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. Je suis déjà intervenu en commission sur cette question : je ne ferai donc que me répéter pour les députés qui ne sont pas membres de la commission des lois.

Lorsque je lis l’exposé sommaire de l’amendement présenté par M. le rapporteur, les bras m’en tombent !

« Tout d’abord, affirme cet exposé, il est nécessaire que cette information soit suffisamment précise et personnalisée si on souhaite qu’elle ait véritablement un impact sur le condamné, et il ne faut pas que le Président se borne à indiquer les règles générales applicables en cas de récidive mais bien qu’il précise clairement le montant maximum de la peine qui serait encourue en cas de commission en récidive de la même infraction, ainsi que le montant de la peine minimale alors prévue par la loi. Tout cela prendra un certain temps, et il semble matériellement impossible que cette information soit donnée à l’issue des 400 000 jugements correctionnels prononcés chaque année. » En clair, l’exposé des motifs suggère que la disposition est bien trop compliquée puisque les juges eux-mêmes, qui sont pourtant des praticiens du droit prononçant chaque jour de nombreux jugements, ne seront pas en mesure de fournir l’explication nécessaire aux condamnés ! Comment, dans ces conditions, nos concitoyens pourraient-ils la comprendre ?

M. Jacques Alain Bénisti. Tout cela est bien compliqué, en effet !

M. Jérôme Lambert. Cette disposition, qualifiée de dissuasive, ne remplira donc pas son objectif !

Je poursuis ma lecture : « mais surtout, il est des hypothèses dans lesquelles cette information serait totalement incongrue : tel serait le cas d’une personne qui a commis un crime ou un délit de façon occasionnelle dans des circonstances qui rendent impossible ou très peu probable une éventuelle récidive. La traiter comme un récidiviste en puissance pourrait même laisser penser que la juridiction ne croit pas que la peine qu’elle prononce a un effet dissuasif. » Là, le rapporteur passe aux aveux ! En admettant, en effet, que la peine prononcée par une juridiction peut ne pas avoir de caractère dissuasif aux yeux du condamné, il reconnaît que tout ce que nous affirmons depuis hier sur le faible caractère dissuasif des peines encourues aux yeux de certains condamnés est vrai. Il l’a écrit noir sur blanc dans l’exposé sommaire !

Pour conclure, j’ajouterai simplement que mes propos n’avaient pas d’autre objectif que de vous amener à réfléchir à cette question.

M. André Chassaigne. Excellente démonstration.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Partielle et partiale !

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Je ne comprends pas l’objectif que vise le rapporteur avec l’amendement n° 4. J’ai l’impression que nous n’assistons pas à la même discussion qu’hier. Les sénateurs ont voulu, en prévoyant que le président de la juridiction puisse avertir le condamné des conséquences pour lui, en termes de condamnation, d’une récidive, renforcer le caractère dissuasif des nouvelles dispositions sur les peines minimales. La suppression de la disposition prévue par le Sénat créerait donc un véritable problème.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je ne la supprime pas !

M. Michel Hunault. J’ignore dans quelles conditions se déroulera la commission mixte paritaire, mais je crois que si nous voulons conserver l’objectif du texte et maintenir l’unité de la majorité – le Nouveau Centre y prend toute sa part –, nous aurions pu faire l’économie de la suppression des deux articles additionnels introduits par le Sénat et dont l’objectif était, dans le respect du principe de l’individualisation de la peine et du pouvoir d’appréciation des juges, d’informer le condamné des risques qu’il encourt en cas de récidive. Ces mesures avaient, je le répète, un caractère dissuasif : en les supprimant, vous modifiez la nature même du projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 99.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 ter, modifié par l’amendement n° 4.

(L’article 2 ter, ainsi modifié, est adopté.)

 ………………….

Article 5

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Nous débattons d’un article clé de ce projet de loi, et je ne comprends pas la réaction de nos collègues. En effet, l’objet de ce texte est de lutter contre la récidive. Après avoir entendu l’administration pénitentiaire dans le cadre de l’élaboration de rapports parlementaires que nous avons rédigés sur la situation des prisons, nous avons unanimement constaté qu’un certain nombre de détenus relevaient davantage de la psychiatrie que de la détention. Nous enregistrons, personne ne peut le nier, un fort taux de récidive pour les crimes et délits sexuels.

Avec ce projet de loi, nous voulons lutter efficacement contre la récidive en assortissant les sanctions d’une obligation de soins. Pourquoi ? Nous savons très bien, mes chers collègues, que les taux de récidive sont très élevés. En quoi l’obligation de soins est-elle condamnable ?

Une chose sera plus difficile pour Mme la garde des sceaux et son homologue, ministre de la santé, c’est de disposer de moyens, en termes de personnels qualifiés, pour la mise en application des mesures que nous allons aujourd’hui adopter. Mais Mme la garde des sceaux a prix des engagements hier à cette tribune. Il ne faut donc pas, dans ce domaine, la combattre, mais, au contraire, la soutenir dans la bataille qu’elle devra livrer !