Loi relative à la Lutte contre la Corruption

Catégories: Assemblée Nationale, Autres interventions, Economie, Ethique, International, Interventions dans l'hémicycle, Justice, video

Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2007-2008



Compte rendu 
intégral

Séance du mercredi 10 octobre 2007 

Lutte contre la corruption

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la lutte contre la corruption (nos 171,243).

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, dans une économie mondialisée, la lutte contre la corruption exige une action concertée, qui engage collectivement les États mais aussi les acteurs de la société civile et le secteur privé, dont le concours est essentiel pour faire reculer ce fléau. Elle engage les pays riches et les pays pauvres, afin de lutter contre les détournements de fonds liés à la corruption. Les pays développés ont une responsabilité particulière : ils doivent donner à leurs entreprises les moyens de travailler dans une compétition économique loyale et saine, à la fois en les contrôlant et en les protégeant. La communauté internationale en a conscience. Elle agit depuis une dizaine d’années avec énergie dans ce sens. Dans son rapport, M. Hunault retrace parfaitement tant les progrès de la mobilisation internationale que les progrès de la législation française. Je l’en remercie.

Outre ses aspects moraux, je veux insister sur le fait que la corruption a un coût financier, politique et humain considérable pour la communauté mondiale. Son coût financier est important puisqu’elle représenterait près de 3 % des échanges mondiaux : mille milliards de dollars seraient détournés chaque année. Sévère entrave à la croissance de certains pays, elle nuit au bon fonctionnement de l’économie de marché, fausse le jeu de la libre concurrence et favorise le clientélisme. Elle décourage également les investisseurs, qui ne souhaitent pas entrer dans des systèmes où la loi n’est pas une protection suffisante.

La corruption a aussi un coût politique. Bafouant les principes de l’État de droit en faussant l’application des règles, elle est un déni de justice, du principe de l’égalité de tous devant la loi comme des objectifs de la justice. Dans un système corrompu, la même loi ne s’applique pas pour tous. Il faut bien en mesurer tous les enjeux : lorsque les citoyens se défient de leur classe politique et de leur administration, la stabilité politique et sociale du pays est impossible. Au niveau international, la persistance de la corruption déséquilibre l’ordre mondial et favorise l’émergence de filières criminelles. Les scandales qui surgissent régulièrement dans tous les États le montrent bien.

Enfin, la corruption a un coût humain. Dans les pays les moins avancés, elle atteint d’abord les moyens qui auraient dû être alloués à la santé, à l’éducation et aux infrastructures. Les hôpitaux, les écoles, les moyens de transport sont négligés au profit d’autres dépenses qui visent d’abord à alimenter les caisses noires de leurs commanditaires. Le coût de la vie dans les pays corrompus est élevé et les populations, privées d’équipements élémentaires et d’un accès suffisant à l’éducation, vivent dans la précarité. Par ailleurs, la corruption favorise l’implantation d’une criminalité organisée.

Les gouvernements des pays où la corruption sévit le plus fortement sont bien sûr les premiers à devoir agir. Mais les pays développés ont aussi un rôle essentiel à jouer en réprimant les activités de corruption dans leur secteur privé et dans les échanges internationaux.

Comme vous le rappelez dans votre rapport, monsieur Hunault, la corruption a trop longtemps été considérée comme un mal nécessaire. Penser que l’on peut en tirer un intérêt quelconque est une illusion. Dans la lutte contre la corruption, il n’y a de place ni pour le cynisme ni pour le fatalisme ; la corruption reculera à force de détermination et si nous y mettons les moyens – politiques, financiers et législatifs.

C’est l’intérêt de tous. Nos entreprises ont tous les atouts pour assurer leur place dans une compétition internationale transparente. Elles n’ont rien à redouter d’une compétition saine et tout à gagner à respecter des règles communes, pour garantir une compétition loyale. La logique vertueuse d’un engagement international contre la corruption n’est pas une chimère. Elle produit déjà ses effets. De nombreuses conventions en la matière sont en place. Des instances de contrôle et des organismes indépendants vérifient l’application des textes qui ont été signés. La logique s’inverse : les entreprises qui se livrent encore à la corruption s’excluent durablement et entachent irrémédiablement leur notoriété, au risque de compromettre leur avenir.

Mesdames, messieurs les députés, la lutte contre le fléau de la corruption ne peut s’envisager qu’au niveau mondial. Nous témoignons notre volonté d’y prendre part avec le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui. Ce projet est la transposition de deux conventions internationales entrées en vigueur entre 2002 et 2005 : la convention pénale de l’Europe et son protocole additionnel, qui date de 1999 ; la convention des Nations unies contre la corruption, dite Convention de Mérida, qui date de janvier 2003. La France est sur le point de ratifier la première de ces conventions, car vous l’y avez autorisée. Elle a été le premier pays du G8 à ratifier la seconde.

La transposition nous conduit à introduire de nouvelles dispositions dans notre droit pénal. Naturellement, nous l’avons fait avec un souci légitime de réciprocité : les États doivent se donner des règles de transparence communes et ne pas soumettre leurs citoyens à des exigences que leurs partenaires n’imposeraient pas à leurs propres ressortissants. En cela, nos choix de transposition sont tout à fait classiques. Ils sont clairs et fidèles à nos engagements.

Les dispositions que le Gouvernement vous propose d’adopter poursuivent trois objectifs majeurs : élargir le délit de corruption des agents publics étrangers ; sanctionner le trafic d’influence exercé sur les agents des organisations internationales ; mieux protéger la justice contre toute influence extérieure et rendre plus efficace la lutte contre la corruption.

Le projet de loi prévoit de punir la corruption active ou passive des agents publics et des élus d’autres pays, ainsi que des agents des organisations internationales. Aujourd’hui, en dehors de l’Union européenne, la loi française réprime déjà la corruption d’agents publics étrangers, mais seulement dans le champ des transactions commerciales internationales – par exemple, en cas de corruption d’un fonctionnaire ou d’un élu étranger pour obtenir un marché public.

Nous vous proposons d’étendre les sanctions au-delà de ce secteur. Tous les actes de corruption seront punissables, quelle que soit leur finalité : ainsi les manœuvres visant à obtenir une autorisation pour construire sur un site protégé ou obtenir indûment la nationalité d’un pays afin d’échapper à une extradition. Désormais, le corrupteur et le corrompu seront l’un et l’autre passibles de poursuites en France.

Jusqu’à présent, seul le corrupteur français ou celui qui agissait en France pouvait être poursuivi. Avec l’adoption de ce texte, les tribunaux français pourront juger les deux parties impliquées dans la corruption.

Dans nos choix de transposition, nous aurions pu renoncer à poursuivre l’agent public étranger ou international, et laisser à son pays le soin de s’en charger.

Nous avons souhaité prendre la même position que nos principaux partenaires, qui ont déjà ratifié la convention pénale du Conseil de l’Europe : ils ont choisi de poursuivre les deux parties coupables de corruption. Cela signifie qu’un agent public français qui aurait été corrompu par un Danois peut être jugé au Danemark.

Le Gouvernement a donc souhaité doter la France des mêmes moyens d’action. Cette réciprocité garantit par ailleurs un jugement plus équitable, puisque le corrupteur et le corrompu répondront de leurs actes devant la même juridiction.

La deuxième disposition importante de ce projet vise les trafics d’influence impliquant des agents publics internationaux.

Le trafic d’influence implique trois acteurs : le premier paie le deuxième pour qu’il exerce son influence, réelle ou supposée, sur un troisième. Le but est, pour le premier maillon de cette chaîne, d’obtenir du troisième une décision qui lui sera favorable.

Les décideurs publics, qui constituent le troisième maillon de cette chaîne, n’ont pas toujours conscience d’avoir été manipulés. Le droit français punit le trafic d’influence afin de préserver la légalité, la liberté et l’impartialité des décisions prises des agents publics et des élus français.

Cette infraction n’est pas très répandue dans les législations étrangères. Plusieurs de nos partenaires ne la font pas figurer dans leur droit. C’est notamment le cas du Royaume Uni,…

M. Jacques Myard. Et pour cause !

Mme la garde des sceaux. …des Pays-Bas, de la Suède, de la Finlande, du Danemark, de la Suisse et de Monaco.

M. Jacques Myard. Eh oui ! Bizarre !

Mme la garde des sceaux. La France fait le choix de réprimer le trafic d’influence en direction des agents publics internationaux. Comme ses partenaires, elle n’incriminera pas cette infraction lorsqu’elle vise les agents d’États étrangers – puisque ce n’est pas puni partout.

Pour les agents internationaux, j’y vois une nécessité particulière. Les États membres des organisations internationales confient à ces agents des responsabilités très importantes. Il est normal que ces États puissent exercer un contrôle sur eux.

Les organisations internationales jouent par ailleurs un rôle déterminant dans l’ordre public international. Elles se doivent d’être au-dessus de tout soupçon. Les agents publics internationaux seront donc traités comme des agents publics français dans les affaires de trafic d’influence.

Comme pour la corruption des agents étrangers, le ministère public pourra seul enclencher les poursuites. Cette faculté n’est pas ouverte aux parties civiles. Les infractions en matière de probité lèsent l’intérêt général. C’est à l’État d’y veiller. Ce n’est pas une affaire d’intérêts privés.

M. Jacques Myard. Très bien !

Mme la garde des sceaux. Cela évite aussi les éventuelles manœuvres de déstabilisation menées par des entreprises concurrentes.

Notre détermination ne doit pas desservir la compétitivité des entreprises françaises, …

M. Jacques Myard. Enfin !

Mme la garde des sceaux. …dans des conditions de marché normales et légales.

Ce texte vise enfin à protéger la justice de toute influence et à renforcer généralement les moyens de lutte contre la corruption. Ce projet de loi prévoit de punir les entraves au bon fonctionnement de la justice dans un État étranger ou dans une enceinte de justice internationale. La loi pénale incriminera non seulement la corruption visant les acteurs du monde judiciaire, mais aussi tous les actes d’intimidation ou de subornation dont ces derniers pourraient être victimes.

Le projet de loi explicite de surcroît la notion d’acteur du monde judiciaire. Les greffiers, les experts, les conciliateurs, les médiateurs et les arbitres de commerce entrent désormais dans cette catégorie.

Enfin, la corruption, nous le savons, emprunte souvent des voies occultes. Nous devons donner aux enquêteurs les moyens de lutter à armes égales contre ce fléau. Conformément aux dispositions de la convention de Mérida, des techniques spéciales d’enquête seront autorisées dans la lutte contre la corruption et le trafic d’influence. Il s’agit de permettre aux enquêteurs de recourir à des moyens spéciaux d’investigation : sonorisation, surveillance, voire infiltrations s’ils le jugent nécessaire.

Je sais que la commission des lois et son président, Jean-Luc Warsmann, ont été particulièrement sensibles à cette question de l’efficacité de la lutte contre la corruption. Vos propositions d’amendement en témoignent.

À l’heure où la France est sur le point de prendre la présidence de l’Union européenne, je souhaite que notre pays se montre exemplaire dans la lutte contre la corruption. En 2008, le groupe d’États contre la corruption de l’OCDE évaluera la conformité de notre législation à la convention de l’OCDE. Ce texte doit contribuer à aider la France à tenir son rang et à figurer honorablement dans ce classement. J’ai installé la semaine dernière, vous le savez, un groupe de travail présidé par le Premier président Coulon. Il est chargé de réfléchir à la dépénalisation de la vie des affaires.

Le texte que je vous présente aujourd’hui, loin d’être en contradiction avec cette volonté de dépénalisation, …

M. Arnaud Montebourg. C’est à voir !

Mme la garde des sceaux. …la complète au contraire. Ce projet de loi témoigne des limites que le Gouvernement a fixées à l’indispensable mouvement de dépénalisation.

Le Gouvernement s’est en effet engagé dès le début sur ce point : la dépénalisation de la vie des affaires se fera dans le strict respect des engagements de la France. La lutte contre la corruption compte parmi ces engagements que nous avons pris devant la communauté internationale. En matière de corruption internationale, la tolérance n’est plus de mise. Une France qui fermerait les yeux sur les actions de ses ressortissants à l’étranger ne serait pas digne de son histoire, ni des valeurs qu’elle porte sur la scène internationale. La France a l’ambition de contribuer à faire régner partout dans le monde l’équilibre démocratique, la probité en affaires et l’égalité devant la loi. La France, mesdames et messieurs les députés, se reconnaîtra dans les dispositions protectrices et rigoureuses de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Michel Hunault, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons que nous réjouir de voir l’un des premiers textes de la législature consacré à la lutte contre la corruption.

Dans une intervention récente devant l’assemblée générale des Nations unies, le Président de la République a lancé « un appel aux Nations unies pour aller plus loin dans la lutte contre la corruption qui mine des pays qui souffrent et qui sont trop pauvres ».

Ce projet de loi, en visant à renforcer et étendre les incriminations contre la corruption à l’échelle internationale est une contribution significative de la France à cet effort nécessaire de tous les pays, en même temps que l’illustration – vous venez de le rappeler, madame la garde des sceaux – d’une réelle volonté politique de placer l’éthique comme une exigence au cœur de la vie économique, financière et politique, à un moment, reconnaissons-le, mes chers collègues, où l’actualité judiciaire en matière de lutte contre le blanchiment et la corruption est particulièrement chargée.

La corruption est un phénomène inquiétant, tant par son ampleur que par son caractère néfaste. Sur le plan international, la corruption est évaluée par le FMI à près de 2 % du PIB mondial. L’OCDE estime d’autre part que « les pots-de-vin versés dans le cadre des transactions internationales peuvent aller de 5 % à 25 % du montant du contrat, voire davantage ». La corruption sévit dans de nombreuses régions du globe, particulièrement dans les pays en développement, où elle constitue un frein au développement économique. Mais les pays développés ne sont pas indemnes. La récente affaire British Aerospace, dans laquelle le Premier ministre britannique a demandé à la justice de suspendre ses investigations « au nom de l’intérêt supérieur du pays », …

M. Jacques Myard. Inadmissible ! Perfide Albion !

M. Michel Hunault, rapporteur. …en violation de la convention de l’OCDE, est là pour nous rappeler que tant la tentation de la corruption que la tentation de « couvrir » des faits de corruption peuvent être grandes, même dans des démocraties modernes.

M. Arnaud Montebourg. C’est inacceptable !

M. Jacques Myard. C’est scandaleux !

M. Michel Hunault, rapporteur. La corruption fausse, nous le savons, la saine concurrence et freine le progrès économique.

La lutte contre la corruption internationale a franchi un pas décisif au cours de la dernière décennie – vous l’avez rappelé, madame la garde des sceaux – avec la conclusion de plusieurs conventions, dans la rédaction desquelles la France a joué un rôle moteur.

La France est largement à l’initiative de la Convention de l’OCDE, adoptée à l’unanimité de notre assemblée, sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, signée à Paris le 17 décembre 1997.

Le rôle de la France a également été important pour l’adoption des conventions civile et pénale du Conseil de l’Europe contre la corruption, au cours de l’année 1999. La France s’est ainsi opposée à l’extension des possibilités de réserve à la convention pénale, pour éviter que celle-ci ne soit vidée de sa substance, et a recherché l’adoption d’un texte permettant une véritable équivalence entre les incriminations prévues par chaque État. La France a également joué un rôle très actif dans la négociation de la convention civile en présidant, à partir de février 1998, le groupe de travail sur le droit civil.

La France, qui assurait alors la présidence du G8, a également veillé au bon déroulement des négociations de la convention dite de Mérida. Elle est notamment à l’initiative d’une des dispositions phares de cette convention adoptée à New York concernant le principe de restitution des produits et les infractions de détournement et de blanchiment des fonds publics.

D’autre part, la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l’Union européenne, signée à Bruxelles le 26 mai 1997, a prévu une incrimination identique de la corruption des fonctionnaires communautaires ou d’un autre État membre de l’Union et de la corruption des fonctionnaires nationaux. C’est sans conteste le dispositif conventionnel qui pousse le plus loin l’assimilation entre corruption dans le cadre national et corruption internationale.

La plupart de ces conventions ne sont toutefois que des instruments imparfaits de lutte contre la corruption internationale, en raison de leur absence d’universalité. Madame la garde des sceaux, vous l’avez rappelé tout à l’heure, c’est un élément majeur pour la défense de nos industries nationales. Elles ne valent que si les mêmes règles s’appliquent dans une économie mondialisée à l’ensemble de grands groupes concurrents de nos entreprises.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas demain la veille, mon pauvre rapporteur !

M. Michel Hunault, rapporteur. La convention de l’OCDE n’a ainsi été ratifiée que par trente-six États, celle de l’Union européenne ne concerne que les États membres de l’Union européenne, celles du Conseil de l’Europe sont également de portée limitée. La Convention des Nations unies représente, de ce point de vue, une avancée remarquable, puisqu’il s’agit du premier instrument mondial véritablement contraignant. Elle constitue, en outre, un instrument global car elle aborde tous les aspects de la lutte contre la corruption : la prévention, les incriminations, les règles de droit pénal et de procédure pénale, la coopération internationale, le recouvrement d’avoirs, l’assistance technique et les échanges d’informations.

Afin de permettre la ratification par la France de la convention de l’OCDE et de la convention de l’Union européenne, le législateur a créé au sein du code pénal de nouvelles incriminations de corruption à l’encontre d’agents publics d’États étrangers ou d’organisations internationales, par une loi du 30 juin 2000.

Ces nouvelles incriminations, si elles n’ont pas encore donné lieu à des condamnations définitives, sont toutefois à l’origine d’une vingtaine de procédures en cours devant les juridictions françaises.

Dans le prolongement de ces dispositions, le présent projet de loi a pour objet principal d’élargir le champ des incriminations de corruption d’agents publics étrangers ou internationaux, afin de permettre la ratification par la France de la convention pénale du Conseil de l’Europe, de son protocole additionnel, ainsi que de la convention des Nations unies.

Par rapport à l’état actuel du droit, les modifications principales rendues nécessaires par ces deux conventions et introduites par le projet de loi en droit pénal français touchent à l’élargissement des incriminations en matière de corruption des agents publics – l’incrimination du trafic d’influence, comme vous l’avez rappelé à juste titre, madame la garde des sceaux, visant à influencer les agents des organisations internationales publiques et les magistrats des cours internationales –, et à l’incrimination des entraves au fonctionnement de la justice dans un État étranger ou devant une cour internationale.

Votre rapporteur ne peut que se féliciter que les textes relatifs à la corruption internationale soient ainsi complétés. Encore ne faudrait-il pas – j’appelle votre attention sur ce point, madame la garde des sceaux – que l’application par la France soit un handicap pour nos entreprises nationales, qui, à l’international, sont en concurrence avec des grands groupes étrangers, dont les comportements sont souvent contraires aux dispositions des conventions et tolérés par leurs gouvernements. J’ai cité la Grande-Bretagne, je pourrais citer les États-Unis,…

M. Jacques Myard. Et pour cause !

M. Michel Hunault, rapporteur. …qui, sous prétexte d’ « intérêt national stratégique », couvrent des faits contraires aux conventions que nous avons adoptées.

M. Jacques Myard. Il faut cesser d’être naïf !

M. Michel Hunault, rapporteur. La lutte contre la corruption n’a de sens – je suis sûr que M. Myard sera d’accord – que si elle est appliquée par tous les pays.

M. Jacques Myard. Elle ne le sera pas !

M. Michel Hunault, rapporteur. On se doit aussi de poser la question des moyens accordés à la justice : seront-ils à la hauteur des règles et des objectifs affichés ?

La justice a la tâche difficile de remonter à la source de la corruption, d’identifier les mouvements de capitaux suspects. Son action dépend pour une large part du bon vouloir des pays par lesquels transitent les flux financiers. D’autre part, dès lors qu’une affaire de corruption implique des agents publics d’un État étranger, la question de la souveraineté de cet État et des relations diplomatiques…

M. Jacques Myard. Élémentaire, mon cher Watson !

M. Michel Hunault, rapporteur. …complique le travail des magistrats.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous devrions suggérer d’accélérer le processus de création d’un espace judiciaire européen.

M. Arnaud Montebourg. Très bien, monsieur le rapporteur !

M. Michel Hunault, rapporteur. Ce texte doit être l’occasion d’évoquer l’ardente nécessité d’un véritable espace judiciaire européen : trop de commissions rogatoires restent sans suite, ce qui limite évidemment l’instruction de ces dossiers difficiles.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. En effet !

M. Michel Hunault, rapporteur. Ce projet de loi donne de nouveaux instruments à la justice pour réunir les éléments de preuve : désormais, le parquet pourra disposer de moyens semblables à ceux mobilisés en matière de lutte contre la criminalité organisée – infiltration, surveillance, et sonorisations. Dans le même temps, afin de tenir compte de la problématique complexe des faits de corruption impliquant des agents publics d’États étrangers, le projet de loi prévoit un monopole du ministère public pour les poursuites dans ce cas.

Avec ce texte, notre pays poursuit son action en faveur d’une lutte internationale contre les différentes formes de corruption.

Est-ce à dire que l’application des dispositions conventionnelles relatives à la lutte contre la corruption suffira à éradiquer ce phénomène ? Certes, si les dispositions des conventions internationales sont progressivement transposées dans le droit interne du plus grand nombre d’États, puis appliquées avec efficacité, un pas significatif sera sans doute franchi. Mais la lutte contre la corruption passe également par des dispositifs de prévention.

Ce texte me donne enfin l’occasion de vous livrer quelques réflexions sur la nécessité de trouver d’autres formes de lutte contre la corruption.

Ainsi, dans les marchés publics, le recours à des entreprises, générales ou à des partenariats devrait se faire dans le plus grande transparence et la plus complète information financière. Le recours à la délégation de services publics doit être encadré.

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Michel Hunault, rapporteur. On ne peut par ailleurs parler de lutte contre la corruption sans évoquer la lutte contre le blanchiment de l’argent sale – rappelons que la loi de mai 1996 a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée. Permettez-moi d’émettre le vœu que la troisième directive de l’Union Européenne relative à la lutte contre le blanchiment puisse prochainement être transposée dans notre droit.

Je voudrais aussi, madame la garde des sceaux, évoquer le rôle du Service central de prévention de la corruption qui doit être renforcé, pour être au service des entreprises.

Beaucoup a été fait en matière de lutte contre le blanchiment, TRACFIN mène un travail remarquable. Nous ferions bien de nous en inspirer dans notre combat contre la corruption.

Vous avez, madame la garde des sceaux, évoqué tout à l’heure la commission sur la dépénalisation du droit des affaires. Avec ce projet de loi, vous démontrez que le Gouvernement, loin de reculer en la matière, affirme une réelle volonté politique de lutter contre la corruption. Je ne doute pas que l’Assemblée apportera son soutien au Gouvernement en adoptant ce texte à l’unanimité. Pour ma part, ce fut un très grand honneur pour moi de vous présenter ce texte, au nom de la commission des lois présidée par notre collègue Warsmann. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, vous aurez compris que l’ensemble des députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche se réjouit des avancées en droit interne contenues dans ce texte, inspiré d’un grand mouvement de progrès du droit international en matière de lutte contre la corruption.

La définition des délits et les instruments de coordination entre les pays progressent. Notre pays y participe depuis longtemps, et je tiens à rendre hommage à cette tribune à deux garde des sceaux qui ont engagé ce grand cycle juridique, judiciaire et politique : Elisabeth Guigou et Marylise Lebranchu, ici présente. Ce mouvement se poursuit et nous nous en réjouissons.

L’offensive a été engagée sur le terrain diplomatique il y a une dizaine d’années à l’intérieur de l’Union européenne. Je me souviens, monsieur le rapporteur Hunault, avoir travaillé avec vous, ainsi qu’avec François d’Aubert, ancien ministre et membre de votre parti, au sein de la mission d’information parlementaire sur la lutte contre le blanchiment sur le continent européen. Sur tous ces sujets, nous avons très souvent réussi à construire des unanimités politiques, à aboutir en tout cas à des quasi-consensus.

Je tiens également à saluer le travail du rapporteur, qui a enrichi ce texte de façon constructive, avec des amendements trans-partisans, que nous avons votés à l’unanimité en commission des lois. C’est un fait suffisamment rare pour, que du haut de cette tribune, nous prenions la peine de le signaler.

Mais venons-en à la nature réelle, politique de l’évolution juridique que nous allons consacrer dans ce texte tout à l’heure. C’est tout le sens de la question préalable que nous posons devant Mme la garde des sceaux à qui, par ailleurs, nous adressons des encouragements sur ce sujet – faute de lui en adresser sur d’autres : il nous arrive, en effet, de la critiquer, mais nous sommes là dans notre rôle institutionnel.

Force est de reconnaître que les infractions dont nous parlons ont très peu d’implications judiciaires : elles sont très rarement sanctionnées. L’on pourrait même parler d’infractions quasi théoriques, qui sont, au mieux, l’occasion d’affichages magnifiques, de beaux discours à cette tribune. Certes, notre code pénal évolue positivement, mais la réalité dans les contentieux, dans les tribunaux, dans les parquets est d’une tout autre nature. Nous faisons donc la part entre ces infractions quasi théoriques et les infractions périphériques qui ne sont pas dans le « noyau dur » du code pénal qui réprime la corruption – trafic d’influence, corruption active ou passive –, mais qui appellent une répression concrète, laquelle, sur le terrain, est en train de refluer.

La coexistence de l’affichage de lois tout à fait convaincantes et de l’inquiétante faiblesse de la répression est une réalité dans tous les pays. Lorsque l’OCDE a inventé le GAFI, chargé d’enquêter sur ses propres membres et de dresser la liste des territoires qui refusent les coopérations sur le plan judiciaire pour mieux lutter contre la corruption, elle a invariablement été amenée, au fil de ses rapports, à faire les mêmes constats. Premier chapitre : la législation de la lutte contre la corruption est formidable. Deuxième chapitre : la répression est indigente. C’est exactement ce vers quoi vous nous sommes en train de nous diriger en France, et c’est la raison pour laquelle, malgré les compliments que nous vous adressons pour avoir déposé ce projet de loi sur le bureau de notre Assemblée, nous avons des critiques à formuler à l’adresse de votre ministère concernant les pratiques répressives en la matière. La répression est un préalable nécessaire afin que la France soit en mesure d’emboîter le pas et participe à cet effort collectif international qu’une nation comme la nôtre se doit de faire en matière de lutte contre la corruption.

Le Président de la République, – et vous l’avez suivi sans barguigner – a imaginé de mettre en place un groupe de travail relatif à la dépénalisation de la vie des affaires. Qui dit dépénalisation, dit suppression d’infractions pénales. Y en a-t-il en trop dans le code pénal ? Sans doute, et il faudra procéder à ce que, dans un autre domaine, certains élus appellent un tri sélectif – formule au demeurant pléonastique. Bref, cela signifie que l’on fait deux fois le tri : intellectuellement, puis concrètement. Tâche éminemment politique…

Daniel Lebègue, haut fonctionnaire de très grande qualité morale et intellectuelle, qui est à la tête de l’organisation non gouvernementale Transparency international déclarait ne pas imaginer une seule seconde que la France puisse dépénaliser des délits ou des crimes économiques et financiers, tels que la corruption, le détournement de fonds, le blanchiment, l’abus de biens sociaux – le gros mot est prononcé ! Car, vous l’aurez compris, en France, réprimer un pacte de corruption ne se fait jamais par le truchement de l’infraction de corruption, mais toujours par la périphérie, c’est-à-dire par le biais de l’abus de biens sociaux et du recel, qui n’est pas prescriptible dans les mêmes conditions que le pacte de corruption, prescrit par trois ans. Quel sort réservez-vous, madame la garde des sceaux, aux fameux abus de biens sociaux ? Vous n’en avez pas dit un mot dans votre déclaration liminaire.

Mme la garde des sceaux. Si !

M. Arnaud Montebourg. Je voudrais que vous preniez un engagement à ce sujet et qu’il soit bien dit que vous n’avez pas l’intention de toucher ni à l’abus de biens sociaux, ni à la prescription de ce délit, ni à la jurisprudence actuelle relative à la répression du recel d’abus de biens sociaux, qui est un des outils dont disposent juridictions économiques et financières sur le plan pénal pour réprimer les écarts du monde économique et parfois, malheureusement, politique.

De ce point de vue, il était assez croustillant que le Président de la République ait choisi le tribunal de commerce de Paris pour y annoncer la dépénalisation de la vie des affaires. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Car c’est loin d’être un temple du droit ! Les tribunaux de commerce n’ont fait l’objet d’aucune réforme depuis dix ans. Ils sont même connus pour être, sur l’ensemble du territoire, des nids à infractions économiques. Le président du tribunal de commerce de Nancy, mis en cause par le parquet pour d’importantes infractions, a dû démissionner la semaine dernière. Dans mon propre département, la Saône-et-Loire – qui ne vous est pas indifférent, madame la garde des sceaux –, un mandataire liquidateur est incarcéré et compte les jours de détention qui lui restent à passer à la prison de Varennes-le-Grand pour avoir détourné plusieurs dizaines de millions d’euros !

Le tribunal de commerce n’était donc pas le lieu le plus indiqué pour annoncer, sous les applaudissements du MEDEF, de la CGPME, de l’ensemble des Rotary Clubs de France, la dépénalisation la vie des affaires ! (Approbations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. François Rochebloine. Mesurez vos propos !

M. Arnaud Montebourg. J’y vois pour ma part une maladresse à l’égard de la politique que vous prétendez mener, à laquelle vient s’ajouter le mouvement de caporalisation du parquet que vous avez engagé depuis que vous êtes arrivée place Vendôme. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. Guy Geoffroy. De tels propos sont scandaleux !

M. Arnaud Montebourg. Soit, je retire le mot…

M. Jacques Myard. Voilà !

M. Arnaud Montebourg. Je ne le fais plus mien, je le cite dans la bouche de l’Union syndicale des magistrats et du syndicat de la magistrature.

M. Jacques Myard. Ce n’est guère mieux !

M. Guy Geoffroy. Est-ce une bonne référence ?

M. Arnaud Montebourg. Ce sont des magistrats représentatifs.

M. François Rochebloine. Vous n’êtes pas leur porte-parole !

M. Arnaud Montebourg. Si on additionne l’USM et le SM, cela représente jusqu’à 90 % des magistrats. Cette information peut être utile à la majorité parlementaire qui soutient Mme la garde des sceaux.

Les procureurs soient traités comme des « préfets judiciaires », on essaie de neutraliser la magistrature, déplorent-ils.

M. Jacques Myard. Mais non !

M. Arnaud Montebourg. Les magistrats du parquet sont considérés comme des fonctionnaires de l’action publique, s’inquiète M. Touzellier, président de l’Union syndicale des magistrats.

M. Guy Geoffroy. Il ne fait jamais dans la dentelle !

M. Arnaud Montebourg. Le Conseil supérieur de la magistrature vous a même adressé une remontrance – une première dans l’histoire de la République – pour avoir envisagé de limoger, sans autre forme de procès, le procureur général d’Agen, alors que vous aviez déjà convoqué, en violation de la procédure disciplinaire, M. le procureur de Nancy, pour des propos qu’il n’avait d’ailleurs pas tenus tels quels à l’audience.

M. Guy Geoffroy. Si !

M. Jacques Myard et M. François Rochebloine. Hors sujet !

M. Arnaud Montebourg. C’est utile, monsieur Myard, pour l’information de la représentation nationale.

M. Jacques Myard. Je suis pour un parquet responsable !

M. Arnaud Montebourg. Une telle décision est un facteur de déstabilisation pour les magistrats du parquet et, plus largement, la magistrature. C’est un fâcheux précédent. Et le premier président de la cour d’appel d’Agen a déclaré : nous saisissons l’organisme qui maintenant protège l’indépendance des magistrats, le conseil de la magistrature, car on ne peut guère compter sur la garde des sceaux, encore moins sur le Président de la République pour le faire. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Vous feriez mieux de retirer cela aussi. C’est inacceptable !

M. Arnaud Montebourg. Bref, vous voulez lutter contre la corruption avec des procureurs aux bras coupés, sans langue ni jambes. Vous voulez des procureurs inertes, à vos ordres, et qui obéissent – je n’hésite pas à le dire – à des intérêts partisans au détriment de l’intérêt général et de la République !

M. Jacques Myard. C’est le Gouvernement qui est élu et responsable.

M. Arnaud Montebourg. Ce ne sont pas les procureurs du Gouvernement, mais ceux de la République tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jacques Myard. Vous défendez le corporatisme !

M. Arnaud Montebourg. C’est une des raisons pour lesquelles on ne peut prétendre vouloir lutter contre la corruption en tenant dans sa main des procureurs qu’on infantilise, déstabilise et qu’on traite comme ils ne l’avaient jamais été depuis l’époque du général de Gaulle !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas certain !

M. Arnaud Montebourg. Il faut aussi parler de la façon dont les brigades financières des SRPJ, le bras armé des magistrats enquêtant en matière économique et financière, peuvent encore avoir les mains libres ou non pour travailler sur leurs enquêtes. Car des magistrats seuls avec un greffier ne peuvent pas obtenir de résultats en matière de lutte contre la corruption dans de telles conditions. À cet égard, nous avons des informations tout à fait inquiétantes. Les brigades financières des SRPJ ont été dépeuplées, selon les dires des syndicats – même si je sais que le syndicalisme a mauvaise presse ici.

M. Jacques Myard. C’est un mot tabou, un abus de langage !

M. Arnaud Montebourg. Je préfère néanmoins les citer préférant croire que vous leur accorderez plus de crédit qu’à moi-même.

Selon eux, le meilleur moyen de ne pas faire aboutir une affaire, c’est de jouer sur les effectifs spécialisés dans la délinquance économique et financière. Et depuis 2002, ces brigades ont été dépeuplées. Vous voulez lutter contre la corruption, mais vous videz les services des SRPJ chargés d’enquêter en matière économique et financière. Vous voulez lutter contre la corruption, mais vous déstabilisez les magistrats du parquet qui ont le désir de le faire. Vous voulez lutter contre la corruption, mais vous proposez déjà de dépénaliser une partie du droit des affaires.

Enfin, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, savez-vous qu’à nos portes, il existe non seulement des paradis fiscaux, mais des paradis fiscaux, bancaires et judiciaires, qui constituent de véritables sanctuaires pour entreposer l’argent sale ? Il n’y a pas si longtemps, plusieurs États membres de l’Union européenne ont mené des offensives diplomatiques afin de faire converger leurs efforts vers une normalisation des pratiques de ces territoires non coopératifs. Avec Michel Hunault, François d’Aubert, Vincent Peillon, désormais député européen, et beaucoup d’autres, nous avons travaillé à exercer de justes et nécessaires pressions pour obtenir de meilleures pratiques de la part de territoires comme Monaco, le Liechtenstein, le Luxembourg, ainsi que la City de Londres…

M. Jacques Myard. Et Jersey ! Toujours la perfide Albion !

M. Arnaud Montebourg. …oui, vous avez raison, monsieur Myard, et même d’autres territoires rattachés à la couronne britannique comme Gilbratar. Mais aujourd’hui, nous sommes devant un encéphalogramme plat en matière d’offensive diplomatique alors que la France se présente comme un modèle de la lutte contre la corruption. Il est temps de faire le ménage devant nos propres portes et de mener les actions diplomatiques qui s’imposent, y compris auprès de la principauté de Monaco et de nos voisins luxembourgeois et suisses.

Le rapporteur évoquait l’attitude de la Grande-Bretagne face à la convention OCDE. La France a-t-elle adressé des protestations au gouvernement de M. Gordon Brown ?

M. Jacques Myard. Ils ne comprennent pas !

M. Arnaud Montebourg. Nous avons beaucoup de retard pour ce qui est du volontarisme.

Alors, madame la ministre, pouvez vous rassurer la représentation nationale…

M. Jacques Myard. Oui !

M. Arnaud Montebourg. …et lui garantir que les belles et grandes proclamations faites à cette tribune, qui sont à l’inverse des pratiques que vous tolérez, que vous acceptez, pire, que vous organisez, ne resteront pas vaines ? Vous avez certes prononcé un beau discours, nous avons même failli l’applaudir, mais nous n’oublions pas que les affaires économiques et financières se voient réserver un enterrement de première classe.

Vous souhaitez que notre pays soit exemplaire, nous savons qu’il ne l’est pas. Nous attendons vos réponses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Hunault, rapporteur. Si Mme le garde des sceaux le permet, je donnerai les raisons pour lesquelles la commission a rejeté la question préalable.

Au nom du groupe socialiste, vous venez de dire, cher collègue, que vous étiez d’accord sur l’essentiel de ce projet de loi de lutte contre la corruption, mais vous assortissez cette approbation d’interrogations qui s’apparentent davantage à une mise en cause de la volonté du Gouvernement.

Vous avez cité l’action de deux gardes des sceaux, Mme Guigou et Mme Lebranchu, que je salue à mon tour, mais dois-je vous rappeler que la loi relative à la lutte contre le blanchiment a été adoptée à l’initiative de Jacques Toubon ? Depuis une quinzaine d’années, le mouvement législatif est marqué par une volonté politique partagée, que les gouvernements soient de droite ou de gauche, de faire de la lutte contre la corruption et de la promotion de pratiques éthiques une obligation.

S’agissant de la commission de la dépénalisation, Mme la garde des sceaux répondra elle-même, mais elle a bien précisé que cette instance ne devait en aucun cas constituer une entrave à l’application du projet de loi qui nous est soumis.

Permettez-moi enfin, cher collègue, de revenir sur les tribunaux de commerce que vous avez mis en cause à cette tribune. Vous avez été à l’origine de la commission d’enquête parlementaire qui leur a été consacrée. Le travail effectué par les juges consulaires à travers la France est remarquable.

M. François Rochebloine. Absolument !

M. Michel Hunault, rapporteur. Il ne faudrait pas que quelques affaires jettent le discrédit sur une institution qui existe depuis plusieurs siècles dans notre pays.

M. Arnaud Montebourg. On attend toujours une réforme !

M. Jacques Myard. Que ne l’avez-vous faite !

M. Michel Hunault, rapporteur. Et en tant que rapporteur, je veux lui rendre hommage.

S’agissant du GAFI, vous vous interrogez sur l’action de la France, en vous étonnant que des centres offshore et des paradis fiscaux permettent encore à certains États de contourner la réglementation. Est-ce la faute de notre pays ? Depuis la création du groupe d’action financière en 1989 par le président Mitterrand, notre pays n’a cessé de lui donner des moyens et son secrétaire général est français. Vous vous plaisez à citer certains pays. Mais n’oublions pas les efforts consentis en matière de ratification des conventions et d’application des normes pour lutter contre la corruption et le blanchiment.

Cher collègue, prenez garde à ne pas tenir un double langage en soutenant ce texte pour ensuite remettre en cause les intentions du Gouvernement. Mettez l’accent sur ce qui doit nous unir au lieu de jeter la suspicion. Mme la garde des sceaux saura vous rassurer.

Pour l’heure, j’appelle mes collègues à rejeter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux. Monsieur Montebourg, les condamnations en matière de corruption n’ont absolument rien de théoriques. Elles s’élèvent chaque année à cent vingt, chiffre absolument stable depuis dix ans.

En matière de corruption internationale, quinze dossiers sont en cours d’instruction, dont un va être jugé fin novembre. Étant donné que ces infractions ne sont entrées en vigueur qu’à la fin de l’année 2000, le bilan n’est pas mauvais.

S’agissant de la dépénalisation, halte à la désinformation, monsieur Montebourg ! Contrairement à ce que vous laissez entendre, l’abus de bien social n’entre pas dans le champ de la dépénalisation, je l’ai affirmé, confirmé, je le dis et je le répète.

M. Arnaud Montebourg. Fort bien. Et les prescriptions ?

Mme la garde des sceaux. Les prescriptions n’entrent pas dans le champ de ce groupe de travail, vous le savez très bien, monsieur Montebourg. Je vous invite à relire mon allocution et le discours que j’ai prononcé lors de l’installation de cette structure.

La corruption, ce texte le démontre, est une autre infraction dont la dépénalisation n’est absolument pas envisagée. Le Gouvernement l’a dit dès le début. Je vous renvoie simplement au groupe de travail installé par Robert Badinter en 1985, qui appelait à une dépénalisation maximale. Lionel Jospin lui-même a préféré les sanctions civiles aux sanctions pénales en supprimant les infractions pénales.

M. Jacques Myard. Avec raison !

Mme la garde des sceaux. Les effectifs d’enquêteurs spécialisés sont constants sur les cinq dernières années : soixante enquêteurs à Paris, dont seize spécifiquement affectés à la brigade centrale de lutte contre la corruption ; en province, cent cinquante et un enquêteurs spécialisés dans les affaires de corruption et de trafic d’influence dans les seuls services de police.

Monsieur Montebourg, comme à votre habitude, vous détournez le débat parlementaire. Ce n’est pas la dernière fois que vous le ferez. Et j’aimerais vous dire, s’agissant de la « caporalisation » des magistrats, que nous sommes dans un État de droit. Laissez-moi vous en rappeler quelques principes fondamentaux. Les magistrats du parquet sont sous l’autorité du garde des sceaux, conformément à l’article 5 de l’ordonnance de 1958.

M. Jacques Myard. Bravo !

Mme la garde des sceaux. Ils sont chargés de faire appliquer la politique pénale du Gouvernement comme de faire appliquer la loi. Ils ne sont pas inamovibles, vous le savez très bien. La loi de 2001, que vous avez votée, l’indique clairement, tout comme le statut des magistrats.

M. Jacques Myard. Sinon il n’y aurait pas de démocratie !

Mme la garde des sceaux. Au risque de vous surprendre, monsieur Montebourg, j’exerce mes responsabilités dans le respect des institutions et des règles qui les régissent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Émile Blessig.

M. Émile Blessig. Monsieur Montebourg, vous ne nous étonnez pas… Dans ce débat extrêmement important sur la lutte contre la corruption, le fait que l’opposition s’oppose est tout à fait légitime. Mais peut-on considérer que l’exercice auquel vous vous êtes livré soit conforme à la mission de l’opposition ? Certainement pas. Mme la garde des sceaux vient de vous répondre avec précision sur l’ensemble des questions que vous avez soulevées avec l’excès auquel votre personnalité nous a habitués. Mais je ne suis pas sûr que votre outrance serve la cause que vous voulez défendre, en tout cas certainement pas la cause du Parlement. Vous êtes passé du débat au procès d’intention caractérisé.

Je suis convaincu qu’il y a bien des choses à débattre dans ce texte et j’invite donc mes collègues à voter contre la question préalable pour poursuivre le débat de manière utile et sereine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, si notre collègue Arnaud Montebourg est monté au créneau, c’est pour mieux tenir compte du contexte global dans lequel s’insère ce texte extrêmement important. Dépénaliser le droit des affaires n’est pas simple. Vous ne pouvez nier l’impact que votre annonce a eu, y compris dans certaines organisations professionnelles patronales qui se sont demandées si elle était opportune. Par ailleurs, nous sommes tous interpellés sur ces bancs par une affaire lourde de conséquences qui nous force à nous poser des questions au-delà du projet de loi que nous examinons. Du reste, monsieur Hunault, sans la petite phrase que vous avez placée à la fin de votre intervention, nous vous aurions applaudi avec plaisir.

Si je souscris aux propos de M. Montebourg, c’est qu’en tant que ministre de la justice, défendant la position de la France à la convention de Palerme, j’avais pris acte du retard de notre pays en matière de lutte contre la corruption. Nous avons mis beaucoup de temps à accorder de l’importance à ce sujet. Je me souviens aussi avoir subi beaucoup de pressions afin d’affecter un peu plus d’effectifs de police dans les quartiers et un peu moins à la « délinquance astucieuse ». L’impression générale était que la lutte contre les agressions devait passer devant la lutte contre la corruption, le blanchiment, les affaires, perçus comme beaucoup moins graves. À Palerme, je me souviens aussi des délégations de petits États qui s’adressaient à nous, pays riches, pour nous dire qu’ils comptaient sur nous, qui avions les moyens, pour lutter contre la corruption et le blanchiment qui mettaient leurs économies à genoux en absorbant 80 % de ce qu’ils pouvaient espérer en termes de développement.

En 2001, en tant que ministre de la justice, garde des sceaux, j’avais l’impression de ne pas avoir assez de moyens pour assurer la lutte contre ces phénomènes, gage du développement économique de tous et garantie de la démocratie. Et aujourd’hui, madame la ministre, il est bon de rappeler, après les syndicats de magistrats ou de policiers, qu’il n’y a pas assez de moyens pour enquêter à fond sur les affaires.

Je suis intimement convaincue que vous nous présentez un bon texte. Mais je suis tout aussi intimement convaincue aussi que les pays les plus riches et plus développés doivent être les plus efficaces dans la lutte contre la corruption et le blanchiment et que c’est n’est pas encore tout à fait le cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur dont je salue l’excellent travail, mes chers collègues, lorsqu’à la fin du mois de juillet, j’étais intervenu, au nom du groupe Nouveau Centre, dans la discussion du projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel à la convention du Conseil de l’Europe contre la corruption, j’avais eu l’occasion de rappeler à quel point celle-ci était, dans les affaires publiques comme dans les affaires privées, une drogue dangereuse. Je m’étais réjoui de la part prise par la France au développement des moyens de lutte contre ce fléau. Je ne peux, dès lors, que saluer avec satisfaction un projet de loi qui assure la transcription dans notre droit interne des engagements internationaux de la France, parmi lesquels figure le protocole additionnel dont je viens de parler.

Dans la démocratie telle que notre tradition nationale la conçoit, la vertu, pour parler comme Montesquieu, a toujours été considérée comme le ressort de la vie politique et sociale. C’est sans doute pourquoi la législation française a été historiquement à l’avant-garde de la lutte contre la corruption, que ce soit la corruption des fonctionnaires et agents publics ou celle des personnes privées. C’est pourquoi les actes de corruption des personnes investies d’une fonction publique sont sanctionnés dans notre droit par des peines particulièrement lourdes, pouvant aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement. Des événements récents ont donné une actualité nouvelle à cette préoccupation traditionnelle. Il est essentiel que les citoyens de notre pays soient convaincus et vérifient dans les faits que les comportements de corruption, quels qu’en soient les auteurs, sont effectivement poursuivis et punis. Je ne peux que souscrire aux propos qu’ont tenus à ce sujet le président de la République et, sur un autre registre de responsabilité, la présidente du MEDEF.

Notre détermination à adapter notre droit aux exigences nouvelles de la répression de la corruption renforce la crédibilité de l’action internationale de la France dans ce domaine. Notre pays a été véritablement à la pointe de la lutte. Après avoir été le premier du G8 à avoir ratifié la convention des Nations unies dite de Mérida, la France a été la première à introduire dans son droit interne, par la loi du 30 juin 2000, le délit de corruption d’agent public international.

Le débat de juillet dernier, auquel je faisais allusion tout à l’heure, avait déjà fourni l’occasion de récapituler les divers engagements internationaux souscrits par la France, que ce soit sous l’égide des Nations unies ou dans le cadre du Conseil de l’Europe. La présente discussion se situe donc dans une grande continuité politique.

La corruption est un phénomène vieux comme le monde. Tel un parasite, la corruption épouse et accompagne la complexité croissante des mécanismes économiques et trouve dans l’ouverture, par ailleurs bénéfique, des échanges internationaux de biens et de services une occasion de se répandre et de s’organiser avec ampleur et efficacité. Autant internationale que nationale, la pratique de la corruption appelle donc une riposte coordonnée des États, par la voie des conventions que je viens d’évoquer. Mais chaque État, chaque législateur national, conserve une responsabilité propre dans la prévention et la répression des pratiques de corruption.

Tout d’abord, la compétence pénale, fût-elle exercée en concertation avec d’autres États, demeure un attribut de la souveraineté nationale. L’Union européenne développe à ce sujet une pratique désormais éprouvée de la combinaison entre la définition de principes communs et l’adaptation des législations et des pratiques juridictionnelles. Cette adaptation prend évidemment en considération les droits nationaux, ainsi que les caractéristiques nationales des pratiques que l’on se propose de réprimer. Dans le cadre plus traditionnel de la coopération internationale, la pratique des lois de transposition répond aux mêmes exigences. Tel est précisément l’objet du projet de loi que nous examinons à présent.

Les observations que je viens de développer expliquent suffisamment pourquoi le groupe Nouveau Centre accueille favorablement un tel texte, qui vise à mettre les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale en conformité avec nos engagements internationaux. Nous appuyons la démarche globale du Gouvernement, qui se préoccupe de mettre à jour une législation pourtant récente, puisque promulguée en l’an 2000, avec l’évolution particulièrement rapide de la coopération internationale en matière de droit pénal.

Il est proposé d’étendre le délit de corruption active ou passive aux agents publics étrangers et aux agents publics internationaux, au-delà du champ du commerce international où il est actuellement circonscrit. Des poursuites pourront être exercées quel que soit le pays ou l’organisation internationale en cause et quelle que soit la contrepartie attendue. Nous estimons cette extension tout à fait opportune.

Autre extension bienvenue de la répression, les dispositions visant à sanctionner le trafic d’influence exercé sur les agents des organisations internationales ou sur un magistrat d’une cour internationale. L’avancée la plus notable, à nos yeux, est cependant l’introduction d’une incrimination spéciale visant les atteintes à l’action de la justice hors des frontières de la souveraineté française, c’est-à-dire les actes d’intimidation et de subordination de témoin qui entravent le bon fonctionnement de la justice dans les procédures suivies dans un État étranger ou devant une cour internationale.

Je mentionnerai également, pour m’en féliciter, l’extension proposée de la répression au cas où l’avantage indu procuré par l’acte de corruption bénéficie non pas directement à l’agent public « cible » de cet acte, mais à une tierce personne, ainsi que les nouvelles facilités techniques ouvertes aux enquêteurs, comme la surveillance des biens et des personnes, la sonorisation, voire l’infiltration.

Madame la garde des sceaux, mes propos vous auront clairement indiqué dans quel état d’esprit positif le groupe Nouveau Centre a abordé l’examen de ce projet de loi. Il en attend une efficacité renforcée dans la lutte contre la corruption. Il en salue l’exemplarité. Cette dernière préoccupation nous conduit d’ailleurs à souhaiter des précisions sur les motivations, la pérennité et la portée de la réserve d’interprétation introduite par la France pour ce qui concerne le trafic d’influence passif visant un agent public d’un État étranger.

Sous le bénéfice de cette seule observation, le groupe Nouveau Centre votera ce bon projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Émile Blessig.

M. Émile Blessig. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la corruption est un phénomène ancien connu, voire reconnu dans certaines circonstances, mais du fait de ses conséquences sur la vie économique comme sur la vie démocratique et politique, elle est devenue un véritable fléau.

Si le phénomène est ancien, la prise de conscience des conséquences néfastes de la corruption est relativement récente et remonte à une vingtaine d’années. Il était temps !

Je ne reprendrai pas ce qui a été excellemment dit par notre rapporteur, Michel Hunault, et qui figure à la page 9 de son rapport concernant les chiffres de l’OCDE. Comme l’a indiqué Mme la garde des sceaux, le coût de la corruption peut faire perdre à un pays jusqu’à un point de croissance. D’une manière générale, la corruption et le recyclage de l’argent sale provenant de trafics en tous genres sont évalués à 1 000 milliards de dollars par an dans le monde.

L’autre conséquence de la corruption, à mes yeux plus pernicieuse, mais au moins aussi importante, est la menace politique et démocratique. La corruption porte atteinte à la confiance des citoyens en leurs institutions et menace la stabilité de ces dernières. En effet, elle est source de violation des droits de l’homme, car elle va de pair avec les discriminations et les inégalités. Or, la base de la démocratie, c’est la confiance. Par conséquent, tout ce qui est destructeur de confiance est potentiellement dangereux pour notre système et nos institutions.

Ajoutons que dans un pays qui tolère la corruption s’installe petit à petit une culture néfaste, selon laquelle tout s’achète pour peu qu’on y mette le bon prix. Sur le plan international, nous constatons les dérives et les dangers des rétrocessions de commissions avec les constitutions de caisses noires et toute la délinquance financière et de droit commun qui les accompagne généralement. Ce texte est donc extrêmement important.

Nous devons faire échec au précepte selon lequel « la fin justifie les moyens » et nous appuyer sur nos valeurs démocratiques de transparence, d’évaluation et de responsabilité, qui sont les fondements de la confiance du citoyen en ses institutions. Il ne s’agit pas de faire preuve d’angélisme, mais la démarche et le caractère international de ce texte, qui vise en grande partie à transposer des accords internationaux, doivent nous permettre de travailler, dans une époque de globalisation, à une meilleure organisation de cette économie.

Si ce projet de loi ne résout pas tous les problèmes, il marque une avancée supplémentaire et significative dans un mouvement qui est engagé depuis relativement peu de temps. Il aura fallu attendre la loi de finances rectificative du 29 décembre 1997 pour qu’il soit interdit de déduire du bénéfice imposable des sociétés les pots de vin versés à un agent public étranger pour l’attribution d’un marché suite à l’entrée en vigueur de la Convention de l’OCDE du 17 décembre 1997.

M. Michel Hunault, rapporteur. C’est exact !

M. Émile Blessig. Ce mouvement est donc relativement récent, mais il s’accélère.

Outre la loi de finances rectificative de 1997, qui est à mon sens un outil de lutte contre la corruption, je rappelle la loi du 13 mai 1996 relative à la lutte contre le blanchiment, la loi du 30 juin 2000 sur la corruption et celle du 4 juillet 2005 portant adaptation de nos textes au droit communautaire en matière de corruption.

Le présent projet de loi vise à renforcer et à étendre les incriminations de corruption active et passive ainsi que de trafic d’influence, à élargir le champ des personnes visées par ces délits – agents publics d’un État étranger ou d’une organisation internationale, dépositaire de l’autorité publique dans État étranger, personne chargée d’une mission de service public, personne investie d’un mandat électif –, à étendre les domaines dans lesquels ces personnes peuvent être poursuivies, alors que la loi de 2000 limitait son champ d’intervention au commerce international. Enfin, ce texte tend à simplifier et à renforcer les peines encourues.

Ce texte améliore également les outils à la disposition des autorités chargées de sa mise en œuvre. Nous venons d’avoir un petit débat sur la fin et les moyens. Une intention politique se mesure à l’aune des moyens alloués ; or il est important de noter que non seulement ceux-ci ne diminuent pas, mais qu’ils continuent à progresser. En effet, ce texte nous donne des outils supplémentaires en matière de procédure pénale et élargit les mesures d’enquête dans l’élaboration de la preuve – surveillance sur l’ensemble du territoire, infiltrations, sonorisations et fixation d’image dans les lieux privés.

Je veux néanmoins appeler votre attention, mes chers collègues, sur le fait que nous sommes sur un terrain difficile. Dans notre société électronique, les moyens techniques nécessaires à l’enquête peuvent mettre en cause nos libertés individuelles, notamment le respect de la vie privée. Le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il fallait réserver ces atteintes aux libertés individuelles aux mesures indispensables au rapport de la preuve. Nous avons là un équilibre instable et difficile, qu’il est à l’honneur des services d’instruction, de la justice, de préserver. En tant que parlementaires, nous avons également un contrôle à exercer en l’espèce.

Troisième point : l’indispensable collaboration internationale, tant au niveau européen qu’au niveau international. Je n’y reviendrai pas dans le détail, d’autres orateurs l’ont expliqué.

Je voudrais insister sur une question, à mes yeux, essentielle. S’agissant d’un phénomène aussi grave, aussi complexe que la corruption, un pays peut-il se contenter des seuls moyens juridiques et d’enquête pour lutter efficacement ? Non, l’enjeu est trop vaste. L’opinion publique a également un rôle à jouer. Mal informée, elle est indifférente et rend la loi peu efficace ; informée, elle peut, par ses exigences, être un facteur de prévention de la corruption. Or nous vivons dans la société de l’information. Par conséquent, nous devons veiller à la manière dont notre contrat social intègre l’impératif de la lutte contre la corruption. Sensibiliser l’opinion à la gravité des conséquences de la corruption est indispensable. Dans cette perspective, il convient, plus que jamais, d’insister sur nos valeurs de transparence, d’évaluation et de responsabilité.

Avec les auditions des responsables de l’économie auxquelles ont procédé les commissions parlementaires, le Parlement a contribué à faire respecter ces trois valeurs et il a joué son rôle.

Je voudrais conclure…

M. le président. En effet, mon cher collègue.

M. Émile Blessig. Parlant au nom de l’ensemble du groupe, je voudrais terminer dans la sérénité, d’autant que j’évoque, monsieur le président, la place et le rôle du Parlement dans le combat contre la corruption.

À mes yeux, le Parlement est l’institution qui doit veiller à ce que transparence et responsabilité règnent à tous les niveaux.

M. Michel Hunault, rapporteur. Très bien !

M. Émile Blessig. Nous disposons d’une légitimité propre pour le faire, puisque nous avons été élus. Et pour mettre en œuvre la transparence et la responsabilité, la légitimité de l’élection l’emporte sur d’autres considérations. Ce combat fait partie de notre mission première. Le Parlement est une courroie de transmission entre le Gouvernement et la société. En adoptant des textes efficaces au niveau national et international, en protégeant les libertés civiles, en garantissant la liberté de la presse, le Parlement apporte une contribution majeure et crée un environnement propre à contenir la corruption.

Je conclurai en citant M. Dommel, président d’honneur de l’ONG Transparency International, dont les propos ont paru dans un numéro de la Revue Française de Finances publiques : « La corruption n’est pas un crime passionnel, c’est une faute préméditée, dont l’auteur, avant de s’y livrer, a pesé les profits qu’il espère en tirer et les dangers qu’il court s’il se fait prendre. Autrement dit, pour y faire obstacle, il faut en diminuer les chances de profit, et en augmenter les risques. » Le projet de loi que vous présentez, madame la garde des sceaux, va dans ce sens. C’est pourquoi le groupe de l’UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Jacques Urvoas.

M. Jean Jacques Urvoas. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la corruption se manifeste de manière diverse et complexe. Elle mine la confiance dans l’action publique et dans les institutions, elle fausse la concurrence entre les entreprises, elle décourage l’esprit de compétition. Bref, elle agit toujours en corrodant le pacte social. C’est pourquoi toutes les initiatives pour la prévenir et la réprimer sont les bienvenues.

Fort heureusement, sur ce sujet, notre pays dispose maintenant d’une tradition déjà longue. Au plan international, toutefois, il en est longtemps allé différemment. C’est la mondialisation mal maîtrisée et les défis qui l’accompagnent qui ont poussé la communauté internationale à se doter des instruments adéquats pour combattre la corruption. Depuis une dizaine d’années, plusieurs instruments internationaux ont vu le jour. Notre assemblée a été saisie pour permettre à notre pays de les ratifier et de se donner ainsi les moyens de les mettre en œuvre. Le chantier est d’importance et ne souffre d’aucun répit.

Kofi Annan, alors secrétaire général de l’ONU, s’adressait aux participants de la conférence de Mérida en ces termes : « En cette fin de XXe siècle, il est peu de problèmes plus globaux que la corruption. » Il soulignait : « Touchant les pays pauvres de manière disproportionnée, la corruption détourne les maigres ressources destinées à des besoins essentiels comme l’alimentation, la santé ou l’éducation. » et ajoutait encore : « Elle constitue un obstacle majeur à la stabilité politique et à un développement économique et social réussi. »

S’il existe une forte corrélation entre corruption et pauvreté – il reste à déterminer si la seconde est la conséquence de la première ou l’inverse –, le mal ne concerne pas que les pays pauvres. Il suffit de reprendre l’indice de perception de la corruption, que publie depuis 1995 Transparency International dans son rapport. Celui pour 2007 a été publié le 26 septembre dernier. Cet indicateur, sans constituer une vérité en soi – les difficultés pour définir le phénomène se répercutent sur la fiabilité de l’indice censé le mesurer et il retrace la perception qu’en ont les individus –, est significatif.

Que disait-il de la France ? Le rapport confirme, n’en déplaise à notre amour-propre national, que « la France continue d’être perçue par les milieux d’affaires internationaux, parmi les pays riches, comme l’un des pays où l’administration et la classe politique demeurent plus perméables qu’ailleurs à la corruption. » Alors même que la note et le classement de notre pays restent stables, cette ONG témoigne cependant des progrès notables accomplis en matière de répression de la corruption d’agents publics étrangers par les entreprises françaises. La France fait certes un peu mieux que les États-Unis – c’est une maigre consolation – mais l’affaire Clearstream, note l’ONG, n’a probablement pas contribué à restaurer la réputation de la France.

Un autre rapport mérite d’être mentionné, celui relatif au suivi de la mise en œuvre de la convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Il révèle – et nous nous en félicitons – les excellents résultats obtenus par la France dans ce domaine. Les progrès sont là, mais nous partions de loin. Il faut rappeler que, dans notre pays, jusque dans les années quatre-vingt-dix, les pots-de-vin versés à des agents publics étrangers étaient tolérés, et même, parfois, déductibles fiscalement. C’est la loi du 30 juin 2000 relative à la corruption, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale, qui a marqué un tournant significatif puisqu’elle a autorisé, sous certaines conditions, l’incrimination d’agents publics étrangers. Elle transposait dans le droit français certaines conventions européennes et internationales.

Depuis lors, la prise de conscience de la nécessaire internationalisation de la législation anticorruption n’a cessé de se renforcer, non seulement pour des raisons d’efficacité, mais aussi, et au moins autant, parce que les États éprouvent une certaine appréhension à agir unilatéralement dans ce domaine, craignant d’instaurer une distorsion de concurrence au détriment de leurs ressortissants.

C’est dans ce contexte que s’inscrit aujourd’hui l’examen de ce nouveau texte qui, vous nous l’avez dit, madame la ministre, transpose deux conventions des Nations unies et du Conseil de l’Europe adoptées en 1999 et en 2003. Elles viennent judicieusement compléter et enrichir les textes précédents. C’est pour cette raison que, cohérents avec nous-mêmes, nous voterons ce texte. Il contribuera sans conteste à faciliter la tâche des juges et constitue une étape nécessaire dans le processus d’harmonisation juridique et d’élaboration de règles communes à l’échelle internationale. Elles seules sont susceptibles d’éradiquer un fléau qui fait fi des frontières étatiques.

Mais ce texte n’est qu’une nouvelle étape, ce n’est pas un aboutissement. Si l’harmonisation est en cours, elle reste encore largement à parfaire. Il ne faudrait surtout pas négliger les disparités qui subsistent, au sein même de l’Europe, entre les États qui ne transposent pas tous au même rythme des conventions internationales, à l’objet à et la portée variables.

Madame la garde des sceaux, vous avez cosigné dans le Figaro, le 15 septembre dernier, une tribune intitulée : « Maintenant, il faut un espace judiciaire européen ». Vous y écrivez notamment : « La construction de l’espace judiciaire européen devient une nécessité impérieuse, il est impossible de répondre isolément à des faits de délinquance. Comment peut-on accepter dans une Europe où règne la libre circulation des personnes et des capitaux que des frontières continuent à entraver une réponse pénale efficace de la part des États ? » Eh bien, madame la ministre, cette ambition est aussi la nôtre. Sa concrétisation dépendra bien sûr de la capacité des États membres à harmoniser leurs lois pénales, mais aussi à surmonter leurs divisions sur des sujets qui mettent en jeu des cultures juridiques et des conceptions de la société qui peuvent s’avérer profondément différentes.

Je voudrais, pour terminer, souligner que la promulgation d’une loi – aussi pertinente soit-elle – restera sans effet si les instances en charge de la faire appliquer ne disposent pas de ressources suffisantes. À l’occasion d’une conférence qui s’est déroulée le 12 juin dernier, Mme Isabelle Prévost-Desprez, vice-présidente à la quinzième chambre de Nanterre, chargée des délits économiques et financiers, a tenu à insister lourdement sur le manque de moyens persistant de la justice financière française, en particulier dans les affaires complexes et de grande ampleur. Nous voulons espérer que la promesse de campagne formulée par le Président de la République concernant le renforcement des moyens d’action du pôle financier parisien et des huit juridictions interrégionales spéciales sera réellement suivie d’effet.

Notre intérêt de pays riche, régi par une économie de marché, nous pousse à agir contre la corruption parce qu’elle génère une distorsion de concurrence inacceptable. Notre éthique humaniste, elle, doit nous pousser à agir parce que ce poison touche en premier lieu les pays démunis, où les pots-de-vin conditionnent l’accès à la santé ou à l’éducation, et en écarte les plus démunis. Le combat mérite d’être mené, et de la volonté qui sera la nôtre d’y consacrer les ressources judiciaires, financières et humaines nécessaires, dépendra son issue. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, la lutte contre la corruption est devenue une priorité absolue des États. Ainsi, le projet de loi relatif à la lutte contre la corruption qui nous est soumis adapte le droit français pour le mettre en conformité avec les nouvelles normes internationales, ce qui est évidemment très utile et très souhaitable.

Ce projet de loi vient compléter notamment la loi du 30 juin 2000, afin d’assurer la probité de tous les agents publics, des élus et des acteurs de justice nationaux et internationaux. En France, la lutte contre la corruption a conduit à l’adoption d’une législation particulièrement efficace et dense. Comme l’indique le rapport de Michel Hunault, page 14, depuis quelques années, la vie politique est parfaitement encadrée dans notre pays : « Le contrôle du patrimoine des hommes politiques, la mise en place d’un financement public des partis politiques et l’encadrement du financement privé de ces partis contribuent d’autre part à prévenir la corruption dans la vie politique. » Chers collègues, nous voulons tous un pays exemplaire.

Il est cependant un domaine où règnent opacité et complexité, c’est le financement de la vie syndicale. En utilisant ces termes, je ne fais que citer M. Raphaël Hadas-Lebel, conseiller d’État, chargé par le Premier ministre d’un rapport sur ce sujet en mai 2006. La question n’est pas nouvelle, et, comme l’indiquait notre collègue Yves Nicolin, auteur d’une proposition de loi en 2003 – hélas, jamais examinée ! – « les syndicats ont tout intérêt à œuvrer pour une clarification de leur financement ; sinon, c’est la justice qui s’en occupera. »

En effet, il n’existe en France aucune obligation pour les syndicats de produire un document public ou administratif faisant la synthèse de leurs ressources financières, ni même de leur mécanisme de financement.

Or, les syndicats sont largement subventionnés, notamment par le ministère du travail. Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2008, environ 30 millions d’euros sont prévus pour l’action « Dialogue social et démocratie sociale ». D’autre part, de nombreuses collectivités, par le jeu des subventions, participent au financement des syndicats.

Se pose également le problème des décharges de service de fonctionnaires au profit de syndicats, ce qui représente 5 000 équivalents temps plein. Cette pratique existe également pour les entreprises, privées ou publiques. D’ailleurs, dans le Figaro du 8 octobre, François Chérèque estime qu’au sens de la loi, on peut considérer que ce sont des emplois fictifs et qu’il faut revoir ces pratiques.

Tout cela est largement connu et souvent dénoncé, et une affaire récente, en cours de développement, provoque un large désarroi dans le monde syndical, qui réclame lui-même plus de transparence en matière de financement.

Madame la ministre, il est sans doute trop tard pour modifier le texte qui nous est présenté. Toutefois, j’ai tenu à déposer, à l’article 1er, un amendement visant à ce que les représentants des syndicats soient eux aussi concernés par ce texte, tout autant que les fonctionnaires ou les élus politiques.

Il ne s’agit en aucun cas de les incriminer, mais il me semble qu’il serait regrettable que le problème du financement de la démocratie sociale ne soit pas abordé dans ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Alors que les affaires, de Clearstream à EADS, semblent se multiplier et que commence le procès de la Sofremi, je salue la présentation d’un projet de loi sur la corruption internationale. Mais n’est-ce pas, madame la ministre, un écran de fumée, un effet d’annonce pour mieux masquer votre projet de dépénalisation du droit des affaires ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. Hors sujet !

M. Jean-Frédéric Poisson. Mme la ministre a déjà répondu sur ce point !

M. Jean-Patrick Gille. Ce projet de loi relatif à la lutte contre la corruption sera un acquis juridique. Mais qu’en sera-t-il en pratique ?

Toujours opaque et rarement dévoilée, la corruption ne cesse de s’étendre, tant dans la sphère politique que dans le milieu des affaires. Et, à en croire le rapport annuel de Transparency International, elle progresse en particulier dans les zones de grande pauvreté, où les corrupteurs sont très souvent les pays riches. De nombreux rapports de la Banque mondiale et des organisations onusiennes démontrent, s’il en était besoin, que la corruption est à l’origine de nombreux ravages en Afrique.

On peut donc se féliciter de voir inscrit à l’ordre du jour un texte qui permet d’élargir un peu plus encore la notion de corruption et d’afficher les ambitions de la France dans ce domaine.

Si je reconnais que ce texte contient indubitablement des progrès notables, j’estime cependant qu’il ne va pas assez loin. En effet, il se contente de satisfaire les dispositions de la convention onusienne d’octobre 2003 dite convention de Mérida – et encore, pas totalement puisque, bizarrement, il ne reprend pas le chapitre V sur la restitution des biens mal acquis et des avoirs détournés de la convention pénale du Conseil de l’Europe de 1999 et de son protocole additionnel de 2003.

Par conséquent, ces transpositions maintiennent un régime complexe d’incrimination de la corruption selon que celle-ci concerne des agents nationaux, des agents européens ou des agents étrangers non européens. Un effort d’unification, par alignement sur la norme la plus exigeante, aurait été plus satisfaisant.

Par ailleurs, au vu des dérives croissantes auxquelles on assiste, la France se doit d’être exemplaire. Or, ce projet de loi n’insiste pas assez sur la responsabilité des politiques. Il est par exemple incompréhensible de constater dans notre droit que l’absence de condamnation pour corruption ne soit toujours pas devenue une clause d’éligibilité. Il est urgent qu’elle le devienne !

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Jean-Patrick Gille. Ce texte reste également trop évasif et largement insuffisant s’agissant des entreprises, qui sont le plus souvent les commanditaires et les bénéficiaires de la corruption. Dans le cadre de la loi du 30 juin 2000, il a été décidé que la poursuite d’un agent étranger, hors Union européenne, ne pouvait être exercée qu’à l’initiative du ministère public. Cette dérogation au droit commun a pour conséquence d’interdire à une entreprise écartée d’un marché étranger de déposer plainte avec constitution de partie civile pour corruption d’agent public étranger. Ce projet de loi reformule et maintient ce régime spécifique pour les délits de corruption et de trafic d’influence impliquant un agent étranger international ou du personnel judiciaire non communautaire. Cette disposition revient de fait à entraver les poursuites en ce domaine et à légitimer une forme de dumping éthique.

Je suis donc au regret de constater qu’une fois encore le Gouvernement fait preuve de frilosité en n’osant pas affronter les réalités de la corruption telle qu’elle existe en politique et dans le milieu des affaires.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et des syndicats !

M. Jean-Patrick Gille. Madame la ministre, nous sommes prêts à améliorer ce texte, notamment en soutenant certains amendement du rapporteur, pour éviter qu’il ne se réduise à un affichage à bon compte peu suivi d’effets.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Oh !

M. Arnaud Montebourg. Très juste !

M. Jean-Patrick Gille. Je vous ferai donc quelques propositions simples, dont la reprise attesterait de votre volonté de lutter contre la corruption, de ne pas poursuivre seulement les intermédiaires mais aussi les commanditaires, qui sont bien souvent des entreprises ou des responsables politiques.

Voici ces propositions : tout d’abord, il faut faire de l’absence de condamnation une condition d’éligibilité ; faire en sorte que tout agent public, c’est-à-dire, selon la convention pénale sur la corruption du 27 janvier 1999, tout fonctionnaire, officier public mais aussi maire, ministre ou juge, ne puisse exercer sa fonction qu’en l’absence de condamnation pour corruption, trafic d’influence ou blanchiment.

Il faut ensuite reconnaître aux associations de lutte contre la corruption reconnues d’utilité publique la possibilité d’ester en justice, ou au moins de se constituer partie civile, car aujourd’hui, par exemple, la poursuite des délits de corruption commis par une entreprise française sur un sol étranger hors Union européenne ne peut être que de l’initiative du seul ministère public. Or généralement, celui-ci ne les engage pas, faute de condamnation préalable dans le pays et au nom du sacro-saint patriotisme économique.

Il convient également de reconnaître le droit d’alerte pour les salariés et les cadres ayant connaissance de malversation ou refusant d’exécuter un acte manifestement illégal.

M. Michel Hunault, rapporteur. Nous examinerons des amendements à ce sujet !

M. Jean-Patrick Gille. En effet.

Il faut aussi renforcer les moyens des brigades financières, mais surtout les moyens et l’autonomie du Service central de prévention de la corruption, et limiter l’abus du recours à l’utilisation du secret défense pour bloquer les procédures.

En raison des liens évidents entre corruption et blanchiment, il serait bon que vous déposiez rapidement le projet de loi qui achèvera la transposition de la troisième directive communautaire sur le blanchiment, ce qui dotera notre pays d’un véritable arsenal pour lutter contre la corruption.

M. le président. Veuillez conclure !

M. Jean-Patrick Gille. Je termine, monsieur le président.

Enfin, je vous propose d’allonger la durée de prescription du délit de corruption. À l’inverse, nous craignons que vous ne réduisiez celle de l’abus de bien social.

Pour conclure, nous voterons ce texte. Je voudrais saluer le travail du rapporteur, qui a d’ores et déjà repris une partie de ces propositions, et vous inciter, madame la ministre, à un peu d’audace pour cette cause qui n’est pas seulement l’affaire des États et des réglementations, mais bien une cause universelle au regard des dégâts et des retards de développement causés par la corruption. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvia Pinel.

Mme Sylvia Pinel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en matière de lutte contre la corruption, peut-être plus encore que dans tout autre domaine, le droit et les outils juridiques ne peuvent pas tout. Certes, ils sont nécessaires, mais ils ne seront jamais suffisants.

En matière de lutte contre la corruption, mes chers collègues, le droit doit s’accompagner d’une forte volonté politique de chaque instant. Ce qui signifie que l’autorité judiciaire doit bénéficier des moyens de traquer, de combattre et d’éradiquer la corruption, véritable virus qui contamine et gangrène aussi les États démocratiques comme le nôtre.

En outre, le droit ne pourra jamais remplacer l’éthique qui doit accompagner les acteurs politiques, administratifs et économiques, car il n’y a pas de meilleur anticorps que l’éthique pour se prémunir de toute tentative de corruption, qu’elle soit active ou passive.

Mais en attendant que l’éthique ne devienne, après le bon sens bien sûr, la chose du monde la mieux partagée, notre interrogation, mes chers collègues, doit être la suivante : que peuvent des outils juridiques toujours plus perfectionnés entre les mains de magistrats toujours plus démunis ?

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui adapte notre droit interne aux engagements internationaux de la France en matière de lutte contre la corruption, en intégrant dans notre code pénal les exigences de deux conventions internationales : l’une du Conseil de l’Europe et l’autre des Nations unies, dite convention de Mérida.

Ces deux textes apportent de réelles avancées à notre législation, à commencer par la mise en conformité du droit français avec les nouvelles normes internationales.

C’est le cas avec l’élargissement des domaines de la corruption passive et du trafic d’influence commis par un agent public au bénéfice d’un tiers. Et lorsque le corrompu exerce une fonction judiciaire, la corruption passive est redéfinie comme « entrave à la justice » et, dès lors, c’est une infraction de trafic d’influence qui s’applique.

De plus, ce projet de loi va permettre de lutter plus efficacement contre la corruption à l’échelle internationale. Déjà les conventions de 1997 conclues dans le cadre de l’OCDE et de l’Union européenne sont à l’origine des dernières évolutions législatives de 2000 et permettent de disposer de moyens à l’égard des agents publics, tant au sein de l’Union européenne qu’à l’échelle des principaux partenaires commerciaux de la France.

La corruption, qu’elle soit passive ou active, est redéfinie de façon à créer un parallèle avec la corruption passive exercée à l’encontre des intérêts français. Et deux nouvelles infractions de trafic d’influence actif et passif impliquant un agent public international viennent compléter le dispositif. On peut toutefois regretter qu’une réserve à la convention de Mérida ne permette pas de l’élargir à un agent public d’une autre nationalité.

Sur le plan de la procédure pénale, le projet de loi ne contient qu’une seule nouveauté : l’extension du recours aux opérations de surveillance, d’infiltrations, de prises d’images et de sonorisations dans les affaires de corruption ou de trafic d’influence, qu’elles soient nationales ou internationales.

M. Michel Hunault, rapporteur. Ce n’est pas rien !

Mme Sylvia Pinel. Le texte prolonge ainsi la logique de la loi de 2004 contre la grande criminalité, appelée aussi « loi Perben II ».

M. Michel Hunault, rapporteur. Que vous aviez combattue !

Mme Sylvia Pinel. Je n’étais pas encore élue !

M. Jacques Myard. « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère ! » (Sourires.)

Mme Sylvia Pinel. Il convient là de faire preuve d’une grande vigilance et d’encadrer des pratiques qui peuvent toujours nous entraîner vers des dérives dangereuses et inacceptables en matière de respect des libertés publiques.

S’il est indéniable que toutes ces dispositions constituent un réel progrès puisqu’elles renforcent, sur le papier, les pouvoirs d’investigation des juges, je crains toutefois que les magistrats spécialisés ne puissent en faire usage et leur donner une traduction pratique.

M. Arnaud Montebourg. Voilà !

Mme Sylvia Pinel. La lutte contre la corruption doit désormais passer par des moyens matériels, financiers et humains supplémentaires mis à la disposition des magistrats en charge des affaires de corruption.

M. Michel Hunault, rapporteur. Nous sommes d’accord !

Mme Sylvia Pinel. Comment des juges démunis peuvent-ils user de leurs prérogatives d’investigation ? Comme l’a si bien expliqué mon excellent collègue Arnaud Montebourg, le temps est venu d’instaurer une véritable police judiciaire qui soit à la disposition des seuls juges.

Les députés Radicaux de gauche approuveront ce projet de loi relatif à la lutte contre la corruption parce qu’il introduit dans notre code pénal des dispositions internationales que la France a ratifiées et qui viendront renforcer notre arsenal technico-juridique contre la corruption. Toutefois, madame la garde des sceaux, je doute que l’adoption de ce texte suffise à convaincre les Français que la lutte contre la corruption constitue une priorité absolue du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Michel Hunault, rapporteur. Ce texte va contribuer à lutter contre la corruption !

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Fioraso.

Mme Geneviève Fioraso. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, les précédentes interventions et la présentation éclairée du rapporteur ont montré les avancées que permettra ce projet de loi en matière de lutte contre la corruption, au niveau national comme au niveau international. Nous sommes tous d’accord pour dire que c’est une bonne chose.

Le projet de loi que vous nous proposez, madame la ministre, prend la suite de la loi proposée par le gouvernement de Lionel Jospin le 30 juin 2000, qui, en conformité avec les dispositions des conventions européennes, avait élargi la notion de corruption et avait ainsi constitué une première étape décisive dans la moralisation du commerce international.

Le texte que nous examinons aujourd’hui nous propose d’aller plus loin. En améliorant et en élargissant les dispositifs nationaux actuellement en vigueur pour les adapter aux avancées du droit international, nous aurons ainsi le cadre juridique nécessaire pour combattre plus efficacement la corruption transfrontalière.

Mais le cadre ne suffit pas, madame la ministre : il faut deux conditions pour que cette loi soit appliquée avec efficacité : la première est de donner au système judiciaire les moyens nécessaires pour l’investigation et la mise en œuvre de celle-ci ; la seconde est de l’inscrire dans une volonté politique affirmée de répression de la corruption.

Je ne reviendrai pas sur le manque patent de moyens de notre justice. En réalité, votre réforme semble surtout viser une recherche désespérée d’économies, au détriment d’une amélioration de la qualité de la justice à laquelle tous nos citoyens aspirent.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Oh !

Mme Geneviève Fioraso. Je déplore trois insuffisances dans le projet de loi qui nous est soumis. D’abord, afin de prévenir de telles dérives, il me semble important de pouvoir les identifier et de les arrêter avant qu’elles ne prennent une ampleur nationale et internationale. Rien n’est prévu dans ce sens et je le regrette. Pourtant, le témoignage de salariés des entités économiques ou des organismes publics concernés par des pratiques de corruption pourrait précieusement alerter la justice bien en amont. Nous savons tous que la corruption, à une échelle organisée et de grande ampleur, pratique les menaces sur les personnes et leur entourage.

M. Michel Hunault, rapporteur. Il y a un amendement en ce sens !

Mme Geneviève Fioraso. Certes, monsieur le rapporteur, mais cet amendement, dont nous avons pris connaissance il y a quelques minutes, est insuffisant .C’est pourquoi j’aurais souhaité, madame la ministre, que le texte prévoie plus explicitement, en amont, la protection des témoins salariés des entités concernées par la corruption, en permettant les témoignages anonymes, comme cela se pratique déjà dans les quartiers sensibles. Ce droit d’alerte, qui n’est pas énoncé en tant que tel, me paraît essentiel. Mais, pour le mettre en place, il aurait fallu, là encore, prendre le temps d’un travail approfondi. Le droit d’alerte implique en effet le droit du travail et il faut par ailleurs éviter ses effets pervers sous forme de faux témoignages qui pourraient s’apparenter à de la malveillance économique. Mais là aussi, c’est bien au juge d’instruction d’écouter les témoins et de se forger ensuite une opinion. Encore faut-il qu’on lui en donne la possibilité et les moyens.

Ensuite, je regrette une deuxième restriction à l’application effective de ce texte. Elle réside dans une contradiction flagrante, relevée par mon collègue Arnaud Montebourg. Comment peut-on, devant les adhérents et les responsables du Medef – qui n’en demandaient d’ailleurs pas tant ! – prendre l’engagement de moins soumettre les entreprises aux décisions de justice et aux contrôles administratifs ou fiscaux, et proposer, dans le même temps, une loi qui prétend lutter contre la corruption d’agents publics en lien avec des acteurs économiques ? Cela paraît tout à fait incohérent, pour ne pas dire antinomique et, en tout cas, difficile à comprendre pour une opinion publique très mobilisée, au moment même où la question des délits d’initiés se pose avec acuité dans une entreprise à forte participation publique comme EADS.

Enfin, et même si nous débordons là du cadre de ce projet de loi, en tant que députée de l’Isère, choisie, à Grenoble, par le suffrage universel, face au seul élu national condamné à ce jour pour avoir mis en place un pacte de corruption impliquant des acteurs publics et privés, je ne peux que regretter l’insuffisance des sanctions prévues contre les élus corrompus ou corrupteurs pour des raisons d’enrichissement personnel, au détriment de l’intérêt général.

Pour l’avoir vécu, je peux attester de l’impact négatif de tels comportements sur la démocratie, mais aussi sur le rayonnement économique et social du territoire concerné par des pratiques qui ont développé un pacte de corruption ayant malheureusement bien trop duré, et soutenu par un parti que vous connaissez ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jacques Myard. Il en est d’autres ! Vous avez la mémoire courte ! De plus, c’est inélégant !

Mme Geneviève Fioraso. Les élus du suffrage universel se doivent d’être exemplaires face à la corruption, et nous avons le devoir d’instaurer un cadre plus lisible et incontestable, ce que fait insuffisamment le projet de loi. Tout homme politique sincère y a pourtant intérêt.

Sur le terrain, nos concitoyens souhaitent, et ils ont raison, faire de l’absence de condamnation pour corruption, blanchiment d’argent et enrichissement personnel une condition d’éligibilité, comme c’est déjà le cas pour de nombreuses professions. Un amendement en ce sens recueillerait nos voix.

M. le président. Veuillez conclure !

Mme Geneviève Fioraso. Permettez-moi, pour terminer, une dernière remarque en tant que nouvelle députée.

Finalement, je fais le même constat pour cette loi que pour celle sur l’université ou le service minimum dans les transports : les objectifs séduisent, souvent à juste titre, l’opinion publique, mais le traitement des problèmes est superficiel, alors que leur complexité nécessiterait davantage de temps et de volonté politique, et un travail de fond, au service de l’intérêt général.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Un peu d’humilité !

Mme Geneviève Fioraso. J’ai, comme de nombreux collègues, y compris de la majorité, le sentiment d’un travail parlementaire expéditif, au profit d’une communication abondante et d’effets d’annonce largement médiatisés. La lutte contre la corruption méritait, comme les autres sujets évoqués, un autre traitement.

M. Michel Hunault, rapporteur. Vous êtes injuste ! Nous avons procédé à de nombreuses auditions !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Où nous ne vous avons guère vue, madame Fioraso !

Mme Geneviève Fioraso. En conclusion, madame la ministre, monsieur le rapporteur, je voterai, avec mon groupe, ce projet de loi qui constitue une certaine avancée. Mais j’insiste sur le fait qu’il ne saurait constituer une fin en soi et je vous demande de prendre le temps de travailler dans les directions que nous vous avons indiquées, ce qui permettrait de lutter enfin avec efficacité contre la corruption, dans notre pays et au-delà de nos frontières. Nous sommes prêts à travailler ensemble dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux. Je veux tout d’abord remercier très vivement le président Warsmann et le rapporteur pour leur contribution active à la préparation de ce débat.

Le rapport de la commission des lois est d’une extrême richesse et appréhende la question de la corruption dans toutes ses dimensions et dans toute sa complexité. Je suis heureuse de voir que les analyses qu’il comporte et que les préoccupations qu’il exprime convergent parfaitement avec celles du Gouvernement, comme l’a rappelé Émile Blessig.

Monsieur Rochebloine, vous m’avez interrogée sur le choix du Gouvernement de ne pas incriminer le trafic d’influence d’agents publics étrangers. La raison principale de ce choix est que le trafic d’influence n’est pas une infraction très répandue à l’étranger. Nous avons donc privilégié la logique de réciprocité. Car si le fait n’est pas incriminé dans le pays étranger, une telle mesure serait inopérante.

Monsieur Urvoas, je vous remercie de soutenir ce texte. Vous avez raison, nous devons mieux lutter contre la corruption au niveau européen, et je m’y emploierai, notamment à l’occasion de la présidence française.

Vous avez fait part de vos inquiétudes sur le fonctionnement du pôle financier parisien. Je veillerai à ce qu’il soit parfaitement outillé pour fonctionner efficacement, en y affectant des magistrats d’expérience et des assistants spécialisés, comme cela est prévu dans le budget pour 2008.

Monsieur Tian, vous avez appelé notre attention sur la transparence de la vie syndicale. C’est une préoccupation que je partage, et les textes existants en matière de corruption, dans le secteur public comme dans le secteur privé, permettent déjà d’assurer la probité des titulaires de mandats syndicaux. J’aurai l’occasion d’y revenir lors de l’examen des amendements.

Monsieur Gille, il est inexact de soutenir que la corruption n’a pas de conséquences électorales, puisqu’une condamnation en la matière emporte de plein droit la déchéance des mandats et l’inéligibilité. Je vous informe également qu’une entreprise évincée d’un marché a la possibilité de se constituer partie civile pour corruption. S’agissant de faits ayant eu lieu à l’étranger, des vérifications préalables sont nécessaires. C’est pourquoi nous avons laissé au parquet le soin d’apprécier l’opportunité de l’action publique, mais le dépôt d’une plainte est possible. Il en est ainsi depuis l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000, votée sous le gouvernement Jospin.

Madame Pinel, concernant les moyens dont dispose la justice, il faut rappeler que son budget augmente de 4,5 % pour 2008. Il prévoit la création de 187 emplois de magistrats et d’autant d’emplois de greffiers. Les magistrats spécialisés disposeront de moyens matériels et humains renforcés, notamment en matière de nouvelles technologies. Ils sont, par exemple, à effectif complet au TGI de Paris – quatorze au parquet, seize à l’instruction. Par ailleurs, nous avons souhaité augmenter le nombre des assistants spécialisés en matière fiscale, douanière ou financière.

Madame Fioraso, je viens de vous répondre sur les moyens de la justice. Quant à la déposition anonyme, elle est déjà possible actuellement, dès lors que la sécurité du témoin est menacée. Par ailleurs, un amendement du rapporteur vise à protéger contre toute mesure de rétorsion le salarié qui dénonce des faits de corruption dans l’entreprise.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à l’examen des amendements.

Avant l’article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n° 19, portant article additionnel avant l’article 1er.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement n° 28.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir l’amendement n° 19.

M. Arnaud Montebourg. Notre amendement propose de modifier la rédaction de l’article 113-5 du code pénal, qui organise la répression des faits commis par un ressortissant français complice d’un crime ou d’un délit commis sur un territoire étranger. Cet article pose deux conditions pour que la loi pénale française s’applique : d’une part, la loi étrangère doit réprimer, comme la loi française, le crime ou le délit ; d’autre part, il doit avoir été constaté par une décision définitive de la juridiction étrangère.

La première condition est une nécessité, et nous avons observé une évolution du « réarmement multilatéral » en matière de corruption dans toutes les législations, y compris dans les pays dont l’état de droit n’est pas aussi abouti que le nôtre. Néanmoins, exiger, afin de pouvoir engager des poursuites sur notre territoire contre un ressortissant français, pour des faits commis sur un territoire étranger, qu’une condamnation définitive soit prononcée dans des pays où l’état de droit, notamment en matière de délinquance économique et financière, n’est pas aussi développé qu’en France, c’est exiger, de façon irréaliste, une condition qui ne sera jamais remplie ! Cela revient à demander que la corruption soit déjà éradiquée dans ces pays !

M. Jacques Myard. C’est vrai !

M. Arnaud Montebourg. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cette deuxième condition, tout au moins – comme le propose M. Hunault dans son sous-amendement n° 28 – en matière de corruption et de trafic d’influence. Ce sous-amendement restreint notre proposition initiale visant à supprimer cette deuxième condition pour l’ensemble des infractions. Nombre de dossiers butent sur cette condition, ce qui entraîne souvent l’impunité. On peut ainsi délocaliser une entreprise à l’étranger, là où l’on est certain qu’il n’y aura pas de répression. Dès lors, des ressortissants français peuvent continuer à commettre ces crimes et délits que nous voulons réprimer. Voilà pourquoi certaines organisations non gouvernementales demandent une évolution de la législation à ce sujet. Aussi, je vous demande de bien vouloir accéder à notre demande.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour soutenir le sous-amendement N° 28 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 19.

M. Michel Hunault, rapporteur. L’amendement de M. Montebourg vise à modifier les règles d’application de la loi pénale française pour les complices d’un crime ou d’un délit commis à l’étranger. L’article 113-5 du code pénal, que cet amendement propose de modifier, porte sur les règles générales permettant d’établir la compétence des juridictions françaises, afin de juger le complice d’un crime ou d’un délit commis à l’étranger.

Je rappelle qu’en l’état actuel de sa rédaction, cet article exige deux conditions : une double incrimination du crime ou du délit et une condamnation définitive par la juridiction étrangère de la personne reconnue coupable. Votre amendement propose de supprimer cette seconde condition très contraignante, qui retarde dans de nombreux cas la possibilité de poursuivre les complices, en l’empêchant même parfois, lorsque la justice étrangère ne peut mener à bien son travail.

Cependant, l’objet de l’amendement me semble, en qualité de rapporteur, trop large par rapport à l’objet du présent projet de loi. La commission a, en l’état, rejeté votre amendement, monsieur Montebourg, mais j’ai proposé, lors de la réunion tenue en application de l’article 88 de notre règlement, de rédiger un sous-amendement. Celui-ci, qui, je le précise, n’a pas été examiné par la commission, vise à limiter l’amendement de M. Montebourg aux seuls délits de corruption et de trafic d’influence. L’amendement, ainsi sous-amendé, permettrait de poursuivre devant une juridiction française le complice de l’auteur d’un délit de corruption ou de trafic d’influence commis à l’étranger, sans que l’auteur ait au préalable fait l’objet d’une condamnation définitive. J’attends l’avis de Mme la garde des sceaux pour savoir si je maintiens ou non mon sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Il s’agit de poursuivre un complice en France, alors que l’auteur du crime ou du délit est à l’étranger. Selon les principes de notre droit interne, une décision définitive doit être prononcée à l’étranger pour que nous puissions condamner le complice dans notre pays.

Imaginons que l’auteur soit relaxé dans un pays étranger : il n’y a plus d’auteur, puisqu’on considère qu’il n’a pas commis d’infraction et, de ce fait, la qualification de complice n’existe plus. On ne saurait juger en France quelqu’un pour « complicité », alors que « l’auteur » présumé des faits n’a pas encore été reconnu comme tel. Mieux vaut attendre la décision définitive et poursuivre ensuite le complice en France, dans la mesure où la qualité de complice est établie au regard de la culpabilité de l’auteur, attestée par une décision définitive de la juridiction étrangère.

Voilà pourquoi je suis défavorable à l’amendement et au sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Hunault, rapporteur. Je retire le sous-amendement n° 28.

M. le président. Le sous-amendement n° 28 est retiré.

La parole est à M. Arnaud Monterbourg.

M. Arnaud Montebourg. En pratique, il n’y a jamais de condamnation définitive dans les pays où la corruption existe et où certains de nos ressortissants s’y livrent. Attendre une condamnation définitive dans ces pays, c’est attendre Godot ! Et trouver le complice de Godot, lequel n’aura jamais été retrouvé, devient une gageure ! Vous créez un obstacle judiciaire, juridictionnel et juridique à la lutte contre la corruption. Je maintiens donc cet amendement, sur lequel nous demandons un scrutin public.

Malgré les efforts des organisations non gouvernementales, les complices ne sont jamais condamnés dans ce type de dossier. En Afrique, notamment, la question est particulièrement sensible. Attendre une condamnation définitive de l’auteur principal dans des pays où la justice quotidienne n’est même pas convenablement assurée, c’est une forme d’hypocrisie à laquelle nous vous demandons de mettre fin.

Bref, je demande un scrutin public sur l’amendement n° 19 et je reprends le sous-amendement n° 28.

M. le président. Le sous-amendement n° 28 est repris par M. Montebourg.

Sur le vote de l’amendement n° 19, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Émile Blessig.

M. Émile Blessig. Le débat est important. Nous avons tous conscience de la complexité du phénomène, la preuve des faits de corruption étant très difficile à apporter. Chacun connaît également le contexte de ces infractions : un monde économique où tous les coups sont permis.

M. Jacques Myard. Exactement !

M. Émile Blessig. La proposition de M. Montebourg m’apparaît dangereuse : elle reviendrait à juger par anticipation le complice de faits allégués dans un pays étranger.

Par ailleurs, j’ai déjà insisté sur la nécessité d’appréhender la lutte contre la corruption de façon plus globale. Nous ne vaincrons pas celle-ci en adoptant seulement des dispositions juridiques, car elle est avant tout une question de comportement et de contexte. Dès lors, la transparence, l’évaluation, les obligations de publication imposées aux entreprises représentent autant d’éléments de prévention.

N’allons pas trop vite, et surtout ne faisons pas fi de nos principes juridiques. Juger un complice sans être sûr que, dans le pays où ils ont été commis, l’auteur des faits sera définitivement condamné : voilà qui constituerait une exception regrettable dans notre droit.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 28.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement n° 19.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 42

Nombre de suffrages exprimés 42

Majorité absolue 22

Pour l’adoption 7


Contre 35

L’amendement n° 19 est rejeté.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, inscrit sur l’article 1er.

M. Jacques Myard. Le texte que nous examinons est en effet très important, tant nous avons « l’ardente obligation » de lutter contre la corruption, sur le plan national mais aussi international. C’est pourquoi je ne peux qu’approuver la transposition dans notre droit de cette série de conventions élaborées dans le cadre du Conseil de l’Europe et des Nations unies.

Si j’ai bien compris, ces textes nous donnent une sorte de compétence universelle à l’égard de certains corrupteurs – en particulier les fonctionnaires internationaux –, ce qui sera, à n’en pas douter, une source de conflits diplomatiques. Les réserves du Gouvernement en ce qui concerne le trafic d’influence prouvent d’ailleurs à quel point le sujet est délicat.

Si je souscris à l’objectif recherché, je m’interroge toutefois sur la démarche qui a été retenue. Trop souvent, notre pays se situe dans une position asymétrique sur le plan international. Il ne faut pas être dupes, madame la ministre : nous excellons dans l’art de poursuivre certains délits mais, de l’avis même de l’un de vos prédécesseurs, de nombreuses procédures pour corruption ou trafic d’influence sont en réalité le fait de concurrents étrangers qui savent tirer profit de la naïveté de nos juges d’instruction – et je pèse mes mots. Il est si facile, en effet, de demander l’ouverture d’une enquête pour faire naître la suspicion ! Or c’est malheureusement une pratique à laquelle certains recourent quotidiennement. C’est ainsi que, du côté de l’Égypte, des affaires à la limite de la diffamation ont pu trouver un écho auprès des tribunaux français. Or, une fois lancées, de telles procédures ont des conséquences très dommageables au plan commercial.

Ne soyons donc pas naïfs, madame la ministre – et, disant cela, je me tourne également vers mes collègues de l’opposition. Mme Lebranchu, ancienne garde des sceaux, sait bien que ce texte facilitera le dépôt de plaintes dont le seul but est de discréditer des entreprises françaises. M. Montebourg l’a rappelé à juste titre : certains États que l’on ne saurait pourtant qualifier de pays de non-droit, comme les États-Unis ou la Grande-Bretagne, usent de pratiques qui font froid dans le dos ! Eux si prompts à nous donner des leçons de morale, feraient mieux de balayer devant leur porte. À cet égard, l’affaire British Aerospace, en Inde, constitue un modèle du genre. Il ne s’agit donc pas de tomber dans tous les panneaux dressés par les Anglo-saxons, toujours prêts à discréditer les autres au nom de règles qu’ils ne s’appliquent pas à eux-mêmes !

Il nous faut donc être prudents. Bien sûr, nos chefs d’entreprise doivent être irréprochables, et nos entreprises doivent veiller à adopter des pratiques transparentes. C’est pourquoi ce texte sera sans aucun doute adopté – je le voterai d’ailleurs. Mais je souhaiterais, madame la ministre, obtenir du Gouvernement qu’il remette régulièrement un rapport sur la manière dont nos partenaires – qui sont aussi nos concurrents – remplissent leurs obligations. Il faudra veiller à entreprendre les démarches diplomatiques nécessaires et, au besoin, dénoncer des conventions qui ne seraient pas appliquées par nos partenaires, y compris dans le cadre européen.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Je laisse à notre collègue Myard la responsabilité des accusations qu’il porte.

M. Jacques Myard. Vous voulez des exemples ?

Mme Marylise Lebranchu. Pour ma part, je n’en citerai aucun. Il y a d’ailleurs une certaine contradiction à approuver la lutte contre la corruption en voulant se prémunir contre les conséquences de cette lutte.

M. Jacques Myard. Il faut se prémunir contre la naïveté !

Mme Marylise Lebranchu. Je regrette que l’Assemblée n’ait pas adopté l’amendement proposé par M. Montebourg avec le sous-amendement du rapporteur. Mes collègues se souviennent certainement de ce cas datant d’il y a une douzaine d’années, lorsque la construction d’un complexe touristique avait été entièrement financée avec de l’argent liquide. Aucune procédure n’avait été ouverte en France, malgré la découverte, par l’intermédiaire d’un complice, d’un réseau de corruption et de blanchiment. L’affaire était restée en travers de la gorge de certains magistrats, qui auraient au moins voulu pouvoir ouvrir une enquête.

M. Myard nous dit qu’à cause de la concurrence, il ne faudrait pas être plus blancs que les autres…

M. Jacques Myard. Non, pas plus naïfs que les autres !

Mme Marylise Lebranchu. Dans un pays comme la France, qui a les moyens de pousser très loin ses enquêtes, notamment quand de grands réseaux de corruption y ont leur base, ou tout au moins des relais, je crois au contraire qu’il serait dommage de ne pas prendre tous les risques. C’est effectivement un risque à prendre en raison des pratiques de certains grands pays, qui peuvent choquer. N’oublions pas toutefois que, si nous étions plus performants, des pays en voie de développement pourraient en tirer avantage. Je pense notamment à la coopération internationale : il est des magistrats, à l’étranger, qui restent l’arme au pied, parce que nous n’avons pas la possibilité d’ouvrir en France des enquêtes qui leur permettraient d’avancer.

C’est un vrai défi qui nous attend, et la France peut être la première de la classe. Sur ce sujet si important, nous rejoindrons donc la majorité : nous souhaitons, nous aussi, aller le plus loin possible dans ce domaine, même si cela implique de prendre des risques de temps en temps. Il faut l’assumer, car la corruption et le blanchiment mettent à genoux les économies de certains États. Même dans notre pays, certaines PME sont proches du dépôt de bilan parce qu’elles ont été victimes, par ricochet, de ces comportements.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux. M. Myard et Mme Lebranchu ont tout à fait raison. Le Gouvernement veut aller plus loin – notamment grâce à la coopération – dans la lutte contre la corruption, y compris à l’étranger. Mais, je le rappelle, l’amendement n° 19 aurait conduit à permettre la condamnation d’une personne en qualité de complice sans qu’il existe un auteur avéré de l’infraction. Rien n’empêche toutefois d’ouvrir une instruction et de mener l’enquête, y compris à l’étranger, dès lors qu’il existe un indice de faits de corruption commis en France. S’il y a un complice dans notre pays, c’est qu’il y a un acte de corruption chez nous, et l’enquête est donc possible.

M. Arnaud Montebourg. Mais pas la condamnation !

Mme la garde des sceaux. Nous renforcerons évidemment par ce biais les moyens pour lutter contre la corruption.

M. le président. Sur l’article 1er, je suis saisi d’un amendement n° 1.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Hunault, rapporteur. Cet amendement d’harmonisation ne suscite pas de grandes explications.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 11.

La parole est à M. Dominique Tian, pour le soutenir.

M. Dominique Tian. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le financement des syndicats est opaque et complexe – et je reste modéré dans mes propos. J’ai souhaité un débat sur ce point ; Mme la garde des sceaux l’a ouvert et j’espère qu’elle le poursuivra.

Dès lors que l’article 1er énumère clairement les catégories susceptibles d’être poursuivies plus lourdement, notamment les titulaires de mandats électifs publics, donc les élus, pourquoi ne pas insérer, après les mots « d’un mandat électif public » les mots : « ou désignée par une organisation syndicale de salariés ou d’employeurs exerçant une fonction de gestion ou de contrôle au sein d’un organisme habilité par la loi à percevoir des contributions obligatoires de toute nature » ? Cette précision serait, je le pense, assez intéressante. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marylise Lebranchu. Pensez-vous à Gautier-Sauvagnac ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Hunault, rapporteur. La commission a repoussé l’amendement de notre collègue, non qu’elle ne l’ait pas jugé opportun, mais parce qu’il est déjà satisfait. En effet, l’article 432-11 du code pénal incrimine la corruption passive d’une personne : « dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public,… ». Sont donc classées dans la catégorie des personnes chargées d’une mission de service public toutes celles qui exercent une fonction et accomplissent des actes dans le but de satisfaire un intérêt général. Par conséquent, peuvent être condamnées sur le fondement de cet article tant les membres des différentes autorités administratives indépendantes…

Mme Marylise Lebranchu. Les chambres de commerce, par exemple !

M. Michel Hunault, rapporteur. …que les personnes remplissant des fonctions dans une union de recouvrement de cotisations de sécurité sociale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Je ferai exactement les mêmes observations.

Il n’y a pas ici de vide juridique. En effet, les personnes visées par votre amendement, qu’elles exercent dans le public ou le privé, sont déjà passibles de sanctions, soit pour corruption d’agent public, soit pour corruption dans le secteur privé.

Mme Marylise Lebranchu. Vous avez raison, madame la garde des sceaux !

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Tian ?

M. Dominique Tian. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 11 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 24.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Hunault, rapporteur. Les amendements, n°s 24, 13 et 25, sont d’ordre rédactionnel. Nous aurions donc pu les examiner ensemble.

M. le président. Il serait toutefois préférable que vous présentiez déjà votre amendement n° 24, mon cher collègue.

M. Michel Hunault, rapporteur. L’amendement n° 24 est rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 13.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Hunault, rapporteur. Amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 25.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Hunault, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 2

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Hunault, rapporteur. Cet amendement de cohérence a pour objet d’harmoniser les peines complémentaires en cas de corruption et trafic d’influence à l’égard d’agents judiciaires français avec les peines complémentaires déjà prévues en cas de corruption et trafic d’influence à l’égard d’agents judiciaires d’État étrangers ou d’organisations internationales.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 3.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Hunault, rapporteur. Cet amendement de cohérence a, là aussi, pour objet d’apporter les mêmes précisions aux incriminations de corruption passive et active de personnes n’exerçant pas une fonction publique que celles qui sont apportées par les paragraphes I et II du présent article aux incriminations de corruption passive et active d’agents publics.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. Après l’article 1er, je suis saisi d’un amendement n° 20, portant article additionnel.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. En cas de délit de corruption ou de trafic d’influence ayant donné lieu à une condamnation sur le fondement d’articles du code pénal, spécifiquement énumérés, les filiales de groupes structurés, dont les maisons mères sont installées à l’étranger, doivent pouvoir faire l’objet de mesures de réparation civile. Cet amendement tend donc à étendre au domaine civil les efforts que nous faisons tous au plan pénal.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Hunault, rapporteur. La commission a rejeté l’amendement n° 20, non pas à cause de son signataire…

M. Arnaud Montebourg. Il ne manquerait plus que cela ! (Sourires.)

M. Michel Hunault, rapporteur. Cela prouve que nous sommes ouverts à la discussion, mon cher collègue !

M. Arnaud Montebourg. Ce n’est pas une ouverture !

M. Michel Hunault, rapporteur. La commission, disais-je, a repoussé l’amendement n° 20 parce que, depuis l’adoption de la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, la règle selon laquelle le pénal tient le civil en l’état a été supprimée. Par conséquent, il est désormais possible d’intenter une action devant la juridiction civile sans attendre l’aboutissement du procès pénal. Au regard de cette nouvelle articulation, l’amendement proposé n’est pas nécessaire, car il sera toujours possible d’intenter directement devant la juridiction civile une action en dommages et intérêts à l’encontre des personnes physiques ou morales qui auraient bénéficié d’un avantage consécutif à un fait de corruption ou de trafic d’influence.

Cet amendement va, plus encore, à l’encontre de la modification récente de l’article 4 du code de procédure pénale puisqu’il subordonne la condamnation au civil à une condamnation au pénal. Il convient, au contraire, de laisser au juge civil toute latitude de prononcer, le cas échéant, une condamnation, même en cas de non-lieu pénal.

Compte tenu de ces explications, je me permets, cher collègue, de vous inviter à retirer votre amendement.

M. Arnaud Montebourg. Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 20 est retiré.

Article 2

M. le président. Sur l’article 2, je suis saisi d’un amendement n° 26.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Hunault, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 27.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Hunault, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 14.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Hunault, rapporteur. Amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis d’un amendement n° 16.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Hunault, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 17.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Hunault, rapporteur. Même explication que pour le précédent amendement, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 4.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Hunault, rapporteur. Amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 5 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Hunault, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

M. le président. L’article 3 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L’article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président. Sur l’article 4, je suis saisi d’un amendement n° 6.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Hunault, rapporteur. Cet amendement corrige une erreur de référence introduite par la loi du 30 juin 2000 relative à la lutte contre la corruption.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié par l’amendement n° 6.

(L’article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 4

M. le président. Après l’article 4, je suis d’un amendement n° 21, portant article additionnel.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Cet amendement est essentiel, puisqu’il fait référence à ce que nous constatons dans les juridictions, notamment celles chargées d’enquêter sur les actes de délinquance économique et financière. Les syndicats de magistrats et les magistrats du parquet que nous rencontrons au fil de nos visites, de nos enquêtes, donc de notre travail de parlementaires, déplorent de ne pas avoir d’autorité sur les officiers de police judiciaire, qui dépendent du ministère de l’intérieur, lequel décide des enquêtes à mener. Cette double autorité – vieux sujet que certains pays européens ont d’ailleurs résolu en permettant aux magistrats de disposer de moyens de police judiciaire en matière de douane, de gendarmerie ou de police stricto sensu – nous préoccupe.

Nous avons évoqué la façon dont les brigades financières ont été dépeuplées, au profit notamment de services de police tels que la sécurité publique, ce dont certains magistrats se sont plaints.

Par cet amendement, nous proposons – et nous pourrions imaginer ensemble cette rupture – que des officiers de police judiciaire puissent être détachés, sur la base du volontariat, auprès de magistrats, notamment de magistrats appartenant à des pôles financiers, qui ont besoin d’une autorité lorsqu’ils mènent leurs enquêtes. Cette proposition d’article additionnel tient compte de la culture policière et permettra d’envisager une réorganisation des relations justice-police.

Je rappelle que, sous la précédente législature, la fusion gendarmerie-police n’a pas été sans poser un certain nombre de problèmes, notamment en matière judiciaire. Notre pays a mis en place une concentration, voire une confusion, des moyens de la police et de la gendarmerie, alors qu’en Italie ou en Angleterre, les mécanismes sont toujours dédoublés. Notre magistrature voit ses moyens de police judiciaire diminuer du fait de la raréfaction des moyens de police judicaire mis à sa disposition.

Nous adressons ici un signal fort à l’appareil répressif, de recherche et de lutte contre les infractions en matière économique et financière ainsi qu’aux magistrats et policiers qui ont envie, eux aussi, de travailler ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Hunault, rapporteur. C’est une vraie question que celle posée par notre collègue dans le cadre de cet amendement qui a, cependant, été rejeté par la commission.

En effet, comme vous venez de le préciser, cher collègue, votre amendement tend à bouleverser l’organisation judiciaire. La commission a donc considéré que le projet de loi relatif à la lutte contre la corruption n’était pas l’endroit le plus adapté pour une telle mesure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Défavorable.

La police judiciaire a une hiérarchie administrative mais, en enquête judiciaire, elle est sous l’autorité exclusive du parquet ou du juge d’instruction. L’enquêteur a toute liberté d’investigation dans les limites de cette délégation.

En matière de corruption et d’affaires financières, vous le savez bien, les gendarmes et les policiers sont affectés à des services spécialisés et n’ont pas d’autre mission.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. J’entends votre argument, madame la ministre, car je sais combien il est difficile pour le ministère de la justice de résoudre le problème de la double autorité. Depuis longtemps, on s’est au moins mis d’accord pour que des policiers ou des gendarmes soient spécialisés.

Nous avons tous en tête des exemples pour lesquels le magistrat n’a pas eu le concours de la force publique. C’est au détour de deux ou trois affaires, en particulier de l’une dont on a beaucoup parlé dans les médias, que la question s’est posée, de la même façon que pour les experts du ministère des finances qui sont au pôle, d’une autorité unique pour pouvoir disposer des moyens au moment où il le faut. Il y a eu des cas trop difficiles pour qu’on ne laisse pas passer l’occasion de poser au moins la question. J’imagine qu’il faudrait un arbitrage interministériel délicat mais, à force de le demander, on pourra peut-être réussir.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux. Vous avez raison, la difficulté est de faire travailler ensemble diverses administrations. La création des GIR a été une grande avancée dans la lutte contre l’économie souterraine, parce que nous avons fait travailler ensemble l’administration des douanes, l’administration fiscale, la police et la gendarmerie, autour du magistrat instructeur ou du procureur.

Sans doute faudra-t-il aller plus loin dans la coopération sur ces matières extrêmement complexes, mais je suis défavorable à une autorité unique de direction et d’instruction.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 21.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 5

M. le président. Sur l’article 5, je suis saisi d’un amendement n° 12.

La parole est à M. Dominique Tian, pour le défendre.

M. Dominique Tian. Le projet supprime plusieurs outils d’enquête spécifiques introduits par la loi du 5 mars 2007, permettant notamment de lutter contre les grandes escroqueries commises en bandes organisées, comme les escroqueries à la TVA ou les escroqueries aux comptes sociaux. En cas d’infractions particulièrement graves et difficiles à prouver, impliquant souvent de nombreux co-auteurs et complices, les enquêteurs, qui pouvaient jusqu’à présent utiliser la plénitude des moyens mis à disposition par la loi, se verraient contraints de revenir au même régime de garde à vue et de perquisition que pour un simple vol à la roulotte.

Je ne m’explique pas la nouvelle rédaction alors que la loi du 5 mars 2007 donnait apparemment toute satisfaction et était extrêmement efficace.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Hunault, rapporteur. Je vous rassure, monsieur Tian, nous partageons le même souci de renforcer les moyens des enquêteurs : le texte ainsi que des amendements adoptés en commission répondront à votre préoccupation.

Ainsi, selon un amendement de la commission, la quasi-totalité des mesures prévues en matière de délinquance organisée seront applicables à la corruption et à l’escroquerie en bande organisée : surveillance, infiltrations, écoutes téléphoniques, sonorisations, fixations d’images et saisies conservatoires. Les deux seules exceptions sont la garde à vue de quatre-vingt-seize heures et les perquisitions nocturnes.

Comme M. le président n’a pas manqué de le relever en commission, il y a eu un consensus pour étendre ces dispositions issues de la loi Perben II qui, à l’époque, avaient fait grand bruit et étaient l’objet d’interrogations, pour ne pas dire de contestations.

En ce qui concerne les procédures, il ne serait pas logique qu’elles soient différentes pour l’escroquerie et pour la corruption alors que ces délits font courir des peines similaires.

Très sincèrement, mon cher collègue, le texte répond à vos préoccupations. Nous n’affaiblissons pas, nous renforçons au contraire les outils des enquêteurs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Défavorable.

Pour l’extension de certains pouvoirs d’enquête, vous avez satisfaction avec l’amendement n° 7 de la commission des lois.

S’agissant de l’escroquerie en bande organisée, nous essayons de lui appliquer, de manière proportionnelle, les mesures applicables aux autres infractions financières. Nous retirons ce qui peut paraître disproportionné : la garde à vue de quatre jours et la perquisition de nuit.

La captation des données informatiques est une idée extrêmement intéressante, mais la Chancellerie doit y travailler de façon très approfondie. Il y a en effet différents aspects à considérer, il faut par exemple respecter le cadre établi par la CNIL.

M. le président. Monsieur Tian, retirez-vous votre amendement.

M. Dominique Tian. Oui.

M. le président. L’amendement n° 12 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 7.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Michel Hunault, rapporteur. Cet amendement rend possible, en matière de corruption, d’une part , la saisie conservatoire des avoirs et, d’autre part, des écoutes téléphoniques. Il accorde également aux personnes mises en examen les mêmes droits qu’en matière de délinquance organisée.

Si nous augmentons les moyens donnés aux enquêteurs, nous sommes extrêmement vigilants sur la présomption d’innocence et les droits les plus élémentaires des personnes concernées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 8.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Michel Hunault, rapporteur. Cet amendement tend à réparer une omission du projet de loi.

Le texte ne prévoit pas l’utilisation de techniques d’enquête spéciales pour la corruption d’agent public étranger alors qu’il la prévoit en matière de trafic d’influence des agents publics étrangers. Il convient donc d’harmoniser ces dispositions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 5

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 9 rectifié, tendant à insérer un article additionnel après l’article 5.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 9 rectifié.

M. Michel Hunault, rapporteur. C’est un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 10.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement, n° 29.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 10.

M. Michel Hunault, rapporteur. Dans le cadre des dispositions prévues pour prévenir la corruption, il s’agit de rendre obligatoire, dans le code général des collectivités territoriales, la communication des comptes certifiés aux élus locaux.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir le sous-amendement n° 29.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je partage l’objectif mais, dans un esprit de simplification du droit, je propose que la communication ne soit pas systématique mais soit obligatoire dès que les comptes sont demandés. Cela fera moins de papiers.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. le Gouvernement est favorable à cet amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 29.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10, modifié par le sous-amendement n° 29.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 18.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Michel Hunault, rapporteur. C’est un amendement que je vous présente à titre personnel, il a été repoussé par la commission.

Il s’agit de permettre à toute association reconnue d’utilité publique qui se propose, par ses statuts, de lutter contre la corruption de se constituer partie civile à l’audience, dans les conditions prévues par l’article 421 du code de procédure pénale. Il ne s’agit pas, madame, la garde des sceaux, de gêner l’instruction ou d’apprécier l’opportunité des poursuites ou les actes de procédure.

La lutte contre la corruption est un sujet délicat et il me semble que ce sujet nous rassemble plus qu’il ne nous divise. Mon objectif est de permettre aux associations, dans des cas très strictement définis, de se porter partie civile à l’audience pour demander réparation, ne serait-ce que de façon symbolique. Je n’ai pas été suivi par mes collègues mais, dans le climat actuel des affaires, il me semble que ce serait un signal fort du Parlement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Nous souhaitons que seul le parquet, qui a pour rôle de protéger la société et donc l’intérêt général, ait l’opportunité des poursuites. Si les associations pouvaient se constituer partie civile à l’audience, elles demanderaient d’abord à consulter le dossier, ce qui retarderait les choses, sans que les réquisitions du ministère public soient forcément différentes, ce qui veut dire qu’on ne défendra pas mieux l’intérêt général. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. La commission partage l’avis du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Nous soutenons, monsieur le président, l’amendement de M. le rapporteur. Le parquet représente, certes, l’intérêt général, mais lorsqu’il est repris en main politiquement, comme c’est le cas en ce moment (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), il y a des risques de conflit d’intérêts. Et c’est précisément pourquoi les associations réclament une telle faculté. Le terrain nous offre maints exemples, dans les juridictions, de parquets qui reçoivent des instructions téléphoniques, de victimes qui ne sont plus défendues dans des affaires économiques et financières où des intérêts politiques sont en cause.

Dans ces temps de confusion des intérêts privés et publics, la question se pose. C’est une des raisons pour lesquelles nous prônons dans ces matières un droit de regard de la société, que l’amendement du rapporteur entoure de conditions assez raisonnables, et qui existe dans de nombreuses autres matières. Il serait temps en effet que nous ouvrions les portes et les fenêtres de parquets aujourd’hui en voie de caporalisation.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux. Des débats de ce type, Monsieur Montebourg, nous les avons eus avant les élections, mais nous ne sommes plus en campagne électorale. Je vous parle, moi, de procédure ; je vous parle du rôle des procureurs, chargés de veiller au respect et à l’application, et vous me répondez concept, théorie, « caporalisation ». Je ne sais pas de quoi vous parlez !

M. Arnaud Montebourg. C’est pourtant ce que vous faites !

Mme la garde des sceaux. Cela ne me parle pas, et cela ne parle pas aux magistrats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Arnaud Montebourg. C’est pourtant eux qui en parlent cette semaine !

Mme la garde des sceaux. Arrêtez de faire du concept ! Arrêtez de faire de la théorie, et parlez de la réalité ! C’est ce que les Français attendent de la justice, et pas du tout de l’idéologie, car ils ont bien vu à quoi cela a mené. Désormais on parle du concret, de la réalité, de choses sérieuses, et dans le cas particulier – je me permets de vous le rappeler – de la procédure et du statut des parquetiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Hunault, rapporteur. Je le répète, je ne veux pas que cet amendement tranche avec le caractère consensuel de ce texte. Cela ne me semble plus possible après une mise en cause aussi inadmissible du rôle du ministère public dans les affaires de corruption. Cette mise en cause est d’ailleurs en contradiction avec ce que vous avez dit en faveur de ce texte, monsieur Montebourg : seriez-vous un peu gêné par un texte dont vous reconnaissez la qualité, tout en intentant depuis trois heures un procès d’intention au Gouvernement ?

Compte tenu de ce que vous avez dit, je retire l’amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Arnaud Montebourg. Je le reprends.

M. le président. L’amendement n° 18 est repris par M. Montebourg.

La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. L’amendement de M. Hunault a emporté ma conviction, et je reste persuadée que le repousser serait fermer une voie intéressante. J’entends bien, monsieur Hunault, que vous refusez d’entrer dans un débat politique. On ne peut tout de même pas nier que, dans des affaires de ce type, la corruption peut, par une série de réactions en chaîne, être source de préjudice au détriment d’un grand nombre de personnes, jusqu’à des usagers ou des consommateurs. Sans citer de nom, puisque je n’en ai pas le droit, je pense à une affaire récente de blanchiment de capitaux par le biais d’opérations de promotion immobilière sur une certaine île : des particuliers n’ont plus voulu se porter acquéreurs des logements en cause.

Il me semble extrêmement important qu’une association puisse se porter partie civile quand, par une telle réaction en chaîne, la corruption engendre ce type de situation. Ne revenons donc pas, monsieur Hunault, sur la question du parquet et de l’ambiance qui y règne actuellement, puisque c’est ce qui vous a fait retirer votre amendement. Il me semble dommage de fermer la porte à des associations qui se constituent autour d’affaires de grande ampleur, parfois de dimension internationale – je me souviens d’associations d’armateurs qui s’étaient aussi constituées à l’occasion d’affaires de corruption.

Il serait également souhaitable de pouvoir associer à ces procédures les organisations non gouvernementales, afin de conforter l’utilité de celles-ci. Elles sont souvent en effet un grand renfort pour nos magistrats dans les pays très concernés par la corruption.

Je trouve dommage que des associations de personnes qui ont subi un préjudice ou qui estiment en avoir subi un, ou des ONG qui permettent à un magistrat de poursuivre son instruction, ne puissent ester à l’audience.

Je veux quand même souligner la prudence dont fait preuve le rapporteur, puisque son amendement précise que les associations ne pourraient se constituer partie civile qu’à l’audience.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux. Vous avez raison, madame Lebranchu, mais vous savez bien que les éléments que vous venez d’indiquer, susceptibles de faire avancer des enquêtes, peuvent toujours être transmis au procureur. D’ailleurs la police et la gendarmerie ont déjà été amenées à auditionner des associations dans le cadre d’affaires financières complexes.

Mme Marylise Lebranchu. Pourquoi ne pas aller jusqu’au bout ?

Mme la garde des sceaux. Parce que la constitution de partie civile – par parenthèse, ce serait une première – retarderait l’audience et donc le jugement.

Mme Marylise Lebranchu. D’un mois !

Mme la garde des sceaux. De beaucoup plus, vous le savez bien.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 6

M. le président. L’article 6 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je mets aux voix l’article 6.

(L’article 6 est adopté.)

Après l’article 6

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 22, portant article additionnel après l’article 6.

La parole est à M. le rapporteur pour le soutenir.

M. Michel Hunault, rapporteur. À l’occasion de l’examen de cet amendement particulièrement important, permettez-moi, madame la garde des sceaux, de vous remercier de l’esprit d’ouverture dont vous avez fait preuve à l’égard des amendements par lesquels la commission a cherché à améliorer et à rendre plus efficace la transposition de cette convention anti-corruption du Conseil de l’Europe.

Cet amendement permet de satisfaire aux exigences de l’article 9 de la convention civile du Conseil de l’Europe du 4 novembre 1999 sur la corruption, qui invite les États parties à prévoir une « protection adéquate » contre toute sanction injustifiée au profit des salariés « donneurs d’alerte ». Il permet également à la France de répondre aux recommandations formulées par le groupe d’États contre la corruption, GRECO, constitué au sein du Conseil de l’Europe, et par le groupe de travail permanent de l’OCDE.

Cet amendement insère dans le code du travail une section relative à la corruption, qui instaure une protection légale efficace au profit de l’employé qui, de bonne foi, porte témoignage ou relate, à son employeur ou aux autorités, des faits de corruption dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

Ceux de nos collègues qui ont, à l’occasion de la discussion générale, exprimé le souhait que des dispositions de ce type soient prises, ne peuvent que se réjouir de l’esprit d’ouverture dont la Chancellerie à fait preuve – ce dont je vous remercie encore une fois, madame la garde des sceaux. Vous nous avez ainsi permis d’aller encore plus loin que ce qu’imposait la transposition de la seule convention pénale du Conseil de l’Europe.

Enfin, en tant que membre, avec quelques-uns des collègues présents dans cet hémicycle, de la délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, je crois qu’il est bon, de temps en temps, de rendre hommage à cette assemblée, qui est un peu la conscience de l’Europe. Le Conseil de l’Europe œuvre en effet pour les droits de l’homme, tels ceux des personnes privées de liberté, mais il lutte également, par le biais de conventions, contre la corruption, le blanchiment, afin que l’éthique soit au cœur de l’exigence de bonne gouvernance, et il mérite bien qu’on s’attarde cet après-midi sur la qualité de ses travaux. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Cet amendement est une heureuse initiative, qui complète très utilement ce texte, conformément au vœu exprimé tout à l’heure par Mme Fioraso. À la protection constituée par le témoignage anonyme, qui permet déjà à une personne menacée de déposer « sous x », cet amendement ajoute une protection plus particulièrement adaptée, afin de protéger ceux qui dénoncent des faits de corruption de mesures de rétorsion dans le cadre de l’entreprise.

M. le président. L’avis de la commission est favorable, monsieur le président ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Oui.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22.

(L’amendement est adopté.)

Article 7

M. le président. À l’article 7, je suis saisi d’un amendement n° 23.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Hunault, rapporteur. C’est un amendement de coordination.

M. le président. Avis favorable du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Oui.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié par l’amendement n° 23.

(L’article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous allons voter ce texte, mais notre soutien s’accompagne d’une grande exigence, comme nos débats l’ont montré. À l’inverse de ce qui a été allégué, nous ne sommes pas bien sûr en campagne électorale, mais dans l’exercice naturel d’une opposition vigilante, constructive, qui fait les remarques nécessaires et s’inquiète des dysfonctionnements démocratiques dans notre pays.

Nous avons dit dans ce débat que le texte représentait une avancée significative, grâce notamment aux amendements du rapporteur. Je regrette qu’il en ait retiré certains, que nous nous apprêtions à voter ; nous en avons repris d’autres, qui n’ont pas été soutenus par l’UMP, ni même par le Nouveau Centre. Nous souhaitons que les avancées importantes de ce texte soient inscrites dans le droit positif.

Mais nous n’avons accompli que la moitié du chemin ; il reste l’autre moitié. Nous exercerons tout au long de cette législature un contrôle vigilant. Il pourra nous arriver de faire des compliments, et c’est normal : lorsqu’il y a des avancées, nous le disons ; lorsqu’il y a des reculs, nous les dénonçons.

Que cela vous plaise ou non, madame la garde des sceaux, il est naturel que le Parlement soit le lieu du débat avec l’opposition, un débat respectueux mais juste. Et si le mot de « caporalisation » ne vous plaît pas, sachez que ce n’est pas le mien : c’est celui qu’emploient 90 % des magistrats dont vous avez la charge, madame la ministre.

Edgar Faure, qui fut garde des sceaux pendant cinquante-deux jours, déclara à l’issue de son « magistère » que le ministère de la place Vendôme était « le seul où les fonctionnaires étaient payés pour nous désobéir ». (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Madame la garde des sceaux, retenez cette leçon d’Edgar Faure, qui n’est pas celle d’un socialiste, mais d’un républicain tout simplement : elle vous sera très utile pour les mois qui vous attendent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.

M. François Rochebloine. Mon explication de vote sera essentiellement une confirmation du vote du Nouveau Centre en faveur de ce projet de loi relatif à la lutte contre la corruption.

Je me réjouis de voir qu’après un débat intéressant, et grâce à des propositions issues tous les bancs de cette assemblée, on arrive aujourd’hui à un vote consensuel.

Je veux cependant dire à Arnaud Montebourg, dont tout le monde est prêt à reconnaître les nombreuses qualités, que nous ne sommes pas dans un tribunal, et qu’une plaidoirie, aussi talentueuse soit-elle, n’a pas sa place ici. Je déplore tout particulièrement le mot de « caporalisation » même s’il n’est pas de vous, mais de certains syndicats de magistrats, comme vous l’avez rappelé, car il ne correspond pas au rôle que joue la ministre.

Je me réjouis en tous les cas de voir que ce texte va être adopté à l’unanimité, ce qui est pour moi le plus important.

M. le président. La parole est à M. Émile Blessig, pour le groupe de l’UMP.

M. Émile Blessig. Monsieur le président, mes chers collègues, le premier mérite de ce texte est de concrétiser un certain nombre d’avancées extrêmement importantes en matière de lutte contre la corruption, tant sur le plan interne que sur le plan international.

Les prises de position auxquels ce débat a donné lieu relèvent de la responsabilité de chacun dans le cadre du jeu démocratique. Mais quand on laisse entendre qu’une partie de cette assemblée ou certains responsables ne seraient pas républicains, ou qu’il y aurait de bons républicains, d’autres qui ne le seraient qu’à la marge, je ne suis pas.

Vous avez ainsi, monsieur Montebourg donné au débat une tonalité que je regrette à titre personnel, d’autant que nous avions là l’occasion d’exprimer l’adhésion unanime du Parlement à une cause extrêmement importante puisqu’il s’agit de la lutte contre la corruption. Tout ce qui est excessif affaiblit le Parlement.

Par conséquent, l’UMP apporte sans complexe et avec satisfaction sa voix à ce bon texte, dont nous pouvons tous être collectivement fiers et qui nous donne lieu d’être satisfaits du travail accompli.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Madame la garde des sceaux, je vous en félicite. Vous avez la parole.

Mme la garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je remercie votre assemblée, qui a toujours eu la volonté, depuis de très nombreuses années, de parfaire l’efficacité de notre dispositif de lutte contre la corruption. Cette préoccupation est restée constamment présente lors de nos débats.

Je remercie également la commission des lois, son président et son rapporteur pour le travail effectué.

Le texte que vous avez voté apporte des avancées significatives en étendant les possibilités de poursuites pour corruption et trafic d’influence dans la sphère internationale. J’ai constaté que, sur tous les bancs de l’Assemblée, vous appelez à une réponse ferme à un fléau qui porte atteinte aux valeurs démocratiques et aux grands équilibres économiques.

Les amendements que vous avez adoptés ont grandement amélioré ce projet de loi.

Je pense d’abord aux amendements qui visent à harmoniser la rédaction des différentes incriminations. Le souhait du Gouvernement était de rationaliser l’ensemble des dispositions applicables, et le travail parlementaire s’est précisément inscrit dans cet esprit.

Je pense ensuite aux amendements sur les moyens procéduraux à la disposition des enquêteurs, qui permettent de renforcer l’efficacité des investigations tout en respectant les droits de la défense et nos exigences constitutionnelles.

Je pense enfin et surtout à la protection des salariés donneurs d’alerte contre toute forme de sanction ou de discrimination. L’importance du sujet n’a pas échappé à M. le rapporteur, dont l’amendement pertinent prolonge la volonté gouvernementale de mettre en œuvre nos engagements internationaux.

Le texte adopté témoigne ainsi de votre haute exigence démocratique en apportant une réponse efficace, déterminée et coordonnée à la lutte contre la corruption. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)