Loi Pénitentiaire

Catégories: Assemblée Nationale, Droits de l'Homme, Interventions en réunion de commission, Justice, Prisons, Sécurité

Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mardi 8 septembre 2009

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 74

Audition, ouverte à la presse, de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés sur le projet, adopté par le Sénat, de loi pénitentiaire (n° 1506) (M. Jean-Paul Garraud, rapporteur) 

M. Michel Hunault. Je me réjouis que cette loi pénitentiaire vienne enfin devant cette commission et salue l’excellent travail de notre rapporteur Jean-Paul Garraud.

Madame la ministre, vous avez rappelé les défis de ce texte. La situation des prisons en France a été dénoncée sur tous les bancs, et l’Assemblée nationale a créé une commission d’enquête parlementaire sur le sujet il y a déjà plusieurs années. C’est pourquoi je voudrais saluer ce qui a été fait par les ministres de toutes les majorités depuis 2002, à commencer par la création du contrôleur général des prisons ou le lancement d’un plan de construction sans précédent qui devrait nous permettre de disposer de 60 000 places de prison en 2012. Le travail réglementaire mené au niveau européen – vous connaissez l’action de la délégation française au Conseil de l’Europe sur ce point – a également abouti à une réactualisation de nos règles pénitentiaires.

Outre le constat, nous sommes également d’accord sur les objectifs. Les crimes et délits commis doivent être sanctionnés. C’est une obligation vis-à-vis des victimes, et un devoir de la société. Or, sur 100 000 peines de prison prononcées chaque année, 35 000 ne sont jamais exécutées. Certes, la sanction va toujours de pair avec une exigence d’humanité : elle réside dans la privation de liberté, pas l’humiliation. En revanche, elle doit impérativement être exécutée. Nous avons déjà connu un long processus en faveur des alternatives à l’emprisonnement, notamment, sous l’action du président de notre commission des lois, pour le bracelet électronique. Les chiffres que vous avez donnés, madame la ministre, montrent un mouvement dans le bon sens. En revanche, la décision du Sénat de relever les seuils à deux ans – les aménagements de peine seraient ainsi possibles lorsqu’il reste encore deux ans de prison à effectuer, ou que la peine prononcée est de deux ans – pose problème. Cela concerne 80 % des peines de prison prononcées chaque année ! Cette mesure risque de passer pour du laxisme dans l’opinion publique. Il faut tout faire pour concilier l’exigence d’humanité avec celle de fermeté.

Vous avez dit, madame la ministre, être ouverte aux amendements. Pour notre part, nous souhaitons que la loi dresse un cadre, mais pas trop rigide. Pour ce qui est de l’encellulement individuel, il nous paraît bon de permettre aux détenus de choisir. En revanche, nous insisterons sur la nécessité d’augmenter les moyens financiers pour traiter les détenus relevant de la psychiatrie ou nécessitant des soins – problème qui manque singulièrement de solution aujourd’hui.

Le Nouveau centre vous apportera son entier soutien pour le vote de ce texte, madame la ministre, et sera très exigeant sur sa mise en œuvre. Mais il combattra fermement la mesure qui porte les limites des aménagements de peine de un à deux ans. Ainsi que vous l’avez dit, cette mesure n’est pas concevable sans prise en compte de la dangerosité du détenu. Or, aujourd’hui, les remises de peine sont automatiques. Même un récidiviste en matière de crime sexuel peut en bénéficier ! La presse a révélé des tragédies récentes. Comment ne pas penser à ces jeunes filles violées et assassinées par des détenus dangereux, qui avaient été condamnés à vingt ans et étaient sortis au bout de neuf ? Toutefois, nous légiférerons dans la sérénité. Vous savez mon engagement personnel pour l’amélioration de la situation dans les prisons et de la dignité des personnes privées de liberté. Mais il faut aussi améliorer les processus qui précèdent la sortie, notamment en faveur du travail et de la formation qui favorisent la réinsertion des détenus.

……

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Je voudrais remercier chacun des orateurs ; leur nombre, la qualité des propos tenus, quelle que soit leur orientation, montre bien la motivation des membres de la Commission.

Je remercie Michel Hunault de son accord à la fois sur le constat et les objectifs. Nous devons en effet toujours avoir en tête les victimes ; l’une de leurs premières attentes, c’est un jugement, et une fois celui-ci rendu, son exécution. L’une de nos difficultés, ce sont les 82 000 peines non exécutées – ou plutôt, si l’on considère que ce chiffre comporte à la fois des stocks et des flux, les 30 000 peines environ qui ne sont pas exécutées chaque année.

De ce fait, les dispositions sur les aménagements de peines ont aussi pour objet de mettre fin à ces non-exécutions. Un bracelet électronique ou un aménagement de peine ne viendra pas se substituer à la prison, mais à l’absence de sanction et de respect du jugement, qui est la réalité dans ces 30 000 cas. Les aménagements doivent aboutir à ce que toutes les peines soient effectivement exécutées.

J’en viens à la question des seuils. Actuellement, 80 % des jugements prononcés portent sur des peines inférieures à un an d’emprisonnement, et 88 % à deux ans. Le différentiel est faible, voire symbolique – ce qui en la matière ne doit pas être négligé. Pour ce qui est des récidivistes, nous devons bien sûr veiller à ne pas mettre à mal le texte voté l’année dernière par le Parlement.

Je ne reviens pas sur la problématique des auteurs d’infractions sexuelles, mais je rappelle que les remises de peine, qui ne sont pas abordées dans ce projet de loi, ne sont pas automatiques. Il s’agit d’une sorte de crédit, que le juge de l’application des peines peut supprimer si le comportement du détenu le justifie.