Jurys citoyens

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2010-2011



Compte rendu
 intégral

Première séance du mercredi 22 juin 2011

Participation des citoyens 
au fonctionnement de la justice pénale 
et jugement des mineurs

Suite de la discussion d’un projet de loi 
adopté par le Sénat

M. Michel Hunault. Mon collègue Yvan Lachaud étant déjà intervenu dans la nuit sur la justice des mineurs, je ne m’exprimerai, au nom du Nouveau Centre, que sur l’un des trois aspects du projet de loi, celui de la participation des citoyens à la justice pénale, qui existe déjà au niveau des cours d’assises.

Monsieur le Garde des Sceaux, je le dis devant votre prédécesseur, Mme Guigou, nous partageons la même exigence. L’ouverture des tribunaux aux jurys citoyens n’est pas une marque de défiance à l’encontre des magistrats. Vous l’avez dit en commission, monsieur le Garde des Sceaux, mais également au sein de cet hémicycle. Je le répète, il n’est pas question pour nous, en soutenant cette réforme, de remettre en cause la légitimité des décisions rendues par des juges recrutés à l’issue d’une formation rigoureuse, sélective, et qui incarnent l’institution et l’autorité judiciaire. La présence des citoyens assesseurs, me semble-t-il, sera au contraire l’occasion de restaurer la confiance de nos concitoyens dans la justice.

Monsieur le Garde des Sceaux, vous avez pris les dispositions nécessaires pour encadrer cette nouvelle mesure et son objectif. Il en a été fait de même au Sénat.

Il était nécessaire de répéter notre confiance dans les magistrats et de rappeler la finalité de l’introduction d’un jury citoyen.

Vous avez insisté hier, lors des questions d’actualité, sur le fait que cette réforme serait suivie de la volonté d’apporter des moyens, répondant ainsi aux interrogations légitimes de l’ensemble de la représentation nationale sur les limites de telles réformes en l’absence de moyens supplémentaires.

Rappelons que c’est cette majorité qui a constamment augmenté depuis plusieurs années, et dans des proportions importantes, les crédits du ministère de la justice. Il y avait urgence car la France avait pris un retard considérable, notamment par rapport aux budgets de la justice de nos principaux partenaires européens.

Vous avez apporté des éléments susceptibles d’apaiser les inquiétudes, d’autant plus que vous vous êtes engagé, monsieur le Garde des Sceaux, à recruter des magistrats et des greffiers, ce qui atteste bien de l’état d’esprit dans lequel cette réforme est votée.

Vous avez également évoqué la nécessité d’améliorer la justice des mineurs. Mon collègue Yvan Lachaud a rappelé la position du Nouveau Centre : l’ordonnance de 1945 doit être adaptée, comme nous l’avons déjà fait ces dernières années, à l’évolution de la délinquance des mineurs. On ne rappellera jamais assez, dans cet hémicycle, que la première exigence reste la sécurité. Encore faut-il pour cela que la justice soit rendue avec une certaine sévérité : améliorer la loi est une chose, veiller à la sévérité et à l’exécution des décisions de justice en est une autre.

Le Sénat a également voulu rendre plus efficaces les décisions de justice en réduisant leur taux d’inexécution. Il y a urgence à agir puisque, malgré l’amélioration chaque année de la capacité de jugement, nos concitoyens ne supportent pas le taux d’inexécution des décisions de justice, notamment des peines de prison. Vous vous êtes engagé hier, monsieur le Garde des Sceaux, à améliorer la situation d’autant plus que la présence d’un jury populaire au sein du tribunal correctionnel ou du tribunal de l’application des peines rendra nos concitoyens encore plus hostiles à l’inexécution des peines ou à la libération des détenus sans que soit prise en compte leur dangerosité.

J’entends bien qu’il ne faut pas légiférer sous le coup de l’émotion mais chaque jour est apportée la preuve que des détenus dangereux ont bénéficié d’une sortie « sèche », sans que leur dangerosité ne soit prise en compte.

Vous connaissez, monsieur le Garde des Sceaux, la sensibilité des députés du Nouveau Centre à l’existence d’un équilibre entre l’humanisation des prisons, la prise en compte des victimes et l’exécution des peines.

C’est dans cette optique que les députés du Nouveau centre, qui vous ont toujours soutenu, considèrent comme un progrès la présence des jurys citoyens.

J’ai rappelé en introduction notre confiance dans les magistrats, mais nous ne devons pas craindre pour autant la présence des jurys citoyens.

J’ai écouté très attentivement hier les critiques de l’opposition qui a soulevé un certain nombre d’interrogations parfaitement légitimes. Prenons garde à ne pas faire dire au texte ce qu’il ne dit pas.

M. Sébastien Huyghe, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Tout à fait.

M. Michel Hunault. Vous avez pu y répondre, messieurs le rapporteur et le Garde des Sceaux, notamment à la suite des motions de procédure. Nous devrons garder cette ligne lorsque nous aborderons la discussion des articles : nous en tenir au texte et ne pas sombrer dans la caricature.

Je voudrais également vous féliciter, monsieur le Garde des Sceaux, au nom de mes collègues, pour votre volonté de mettre fin à la correctionnalisation, trop aisée, de certains crimes, en particulier les crimes sexuels. Ce sujet devrait tous nous préoccuper et je sais que ce combat est partagé sur l’ensemble des bancs de cet hémicycle.

Nous devons regarder la situation en face. Un crime sexuel sur dix est dénoncé, ce qui signifie que neuf sur dix ne le sont pas. Et lorsqu’une victime parvient à porter plainte, malgré les difficultés à apporter la preuve de ce qu’elle avance, ce crime est encore trop souvent jugé par un tribunal correctionnel.

Votre détermination à mettre fin à ce qui peut paraître comme un affaiblissement de la gravité des infractions doit être saluée et encouragée.

Cela implique bien entendu qu’il soit accordé plus de moyens aux cours d’assises pour traiter des affaires criminelles.

M. Michel Hunault. C’est dans ce cadre que je conçois votre réforme qui prévoit, non seulement de recruter des magistrats, mais également de refondre, sur un plan technique, mais avec du sens, les cours d’assises.

Je défendrai tout à l’heure un amendement dont la finalité essentielle sera de vous interpeller sur les délais. La Convention européenne des droits de l’Homme et ses quatorze protocoles ont défini les conditions d’un procès équitable. Comment voulez-vous que les victimes aient confiance dans la justice quand les procès se déroulent plusieurs années après la commission d’un délit ou d’un crime ? Puisque la victime est au cœur de cette réforme, je souhaiterais que nous prenions des engagements sur des objectifs afin qu’elle puisse espérer un procès dans des délais raisonnables. La Convention européenne n’est guère précise en la matière ; aussi vous proposerai-je que l’on ne dépasse pas la période de prescription. Nous en discuterons, mais j’ai confiance, monsieur le Garde des Sceaux, en l’attention que vous nous accorderez et l’engagement que vous prendrez pour aboutir à un compromis.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Tout à fait.

M. Michel Hunault. Le Nouveau Centre vous apporte son soutien…et vous rejoint dans votre volonté de rapprocher nos concitoyens de la justice.

Ce n’est pas nouveau, chère collègue, en effet. Nous arrivons au terme d’une législature où avec vous, monsieur le Garde des Sceaux, avec vos prédécesseurs, Mme Dati et Mme Alliot-Marie, nous avons été souvent réunis dans cet hémicycle pour voter de nombreux textes destinés à améliorer les libertés – je suis certain que le parti socialiste a pu se reconnaître dans des dispositions comme celles relatives au contrôle général des prisons, la loi pénitentiaire ou l’institution du défenseur des droits. Aujourd’hui, c’est la victime qui est au cœur de cette nouvelle réforme.

Notre soutien est exigeant car nos concitoyens, que vous entendez aussi bien que moi, réclament beaucoup d’humanité mais aussi de la sévérité, notamment pour prévenir la récidive.

Enfin, je m’opposerai aux amendements d’une partie de nos collègues qui voudraient instituer le droit pour la partie civile devant la cour d’assises d’interjeter appel ou de se pourvoir en cassation en cas d’acquittement de l’accusé. Depuis une dizaine d’années, nous avons pu mesurer les progrès extraordinaires accomplis en faveur des victimes qui se trouvent aujourd’hui au cœur de toutes les réformes, mais nous devons éviter qu’une telle disposition soit votée, d’autant plus qu’il leur reste la possibilité d’interjeter appel au civil et d’obtenir réparation de leur préjudice. Nous aurons l’occasion d’en reparler mais à l’issue de la discussion au Sénat, nous étions parvenus à un texte d’équilibre. Restons-y. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)