Immigration, intégration et nationalité

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session extraordinaire de 2010-2011



Compte rendu 
intégral

Deuxième séance du mardi 8 mars 2011

Immigration, intégration et nationalité

Suite de la discussion, en deuxième lecture, 
d’un projet de loi

Discussion générale

M. Michel Hunault. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’exprimerai mon point de vue personnel, Stéphane Demilly s’étant exprimé au nom de mon groupe.

Nous sommes réunis en seconde lecture pour examiner ce projet de loi qui vise avant tout – M. le rapporteur a eu raison de le préciser – à transposer trois directives de l’Union européenne : la directive « retour » du 16 décembre 2008, la directive « carte bleue européenne » du 25 mai 2009 et, enfin, la directive « sanctions » du 18 juin 2009.

Au-delà de son objet précis, le projet de loi embrasse toutes les problématiques liées à l’immigration. Je voudrais revenir sur un principe qui me paraît fondamental, qui ne saurait être remis en cause, celui de la promotion de l’immigration choisie et de l’ardente nécessité d’intégrer des étrangers entrés légalement sur le territoire national, et qui va de pair avec une lutte contre toutes les formes d’immigration irrégulière. L’un ne peut aller sans l’autre. M. Mamère lui-même a tout à l’heure reconnu le droit pour un État de réguler l’immigration. Il n’y a pas d’alternative. La régularisation massive préconisée par certains a montré ses limites et a conduit les pays qui l’ont pratiquée dans l’impasse. Il faut instaurer des règles compatibles avec notre exigence et notre idéal républicain.

L’idée de ce projet de loi, à savoir l’adhésion aux valeurs essentielles de notre République, doit être validée dans son principe à travers la signature de la charte non seulement des droits, mais aussi des devoirs du citoyen français à l’occasion de l’acquisition de la nationalité. Par conséquent, il faut une corrélation étroite entre l’entrée de nouveaux ressortissants dans la communauté nationale, dont nous devons faire une source d’enrichissement pour la communauté nationale tout entière, et l’adhésion indispensable aux valeurs qui cimentent le fonctionnement même de notre République.

Permettez-moi d’ailleurs, monsieur le ministre, d’émettre le souhait que le contenu de cette charte soit étendu à tous nos jeunes compatriotes.

Ce projet de loi a aussi pour mérite de rappeler un objectif à certaines entreprises – et non des moindres puisqu’il s’agit de celles qui sont cotées – : mettre en œuvre les mesures susceptibles de lutter contre les discriminations et donc de favoriser les diversités.

Nous devons mettre en avant la philosophie des précédents textes adoptés par notre assemblée et sur lesquels nos concitoyens sont particulièrement vigilants : la recherche d’une meilleure intégration de nos compatriotes issus de l’immigration et en situation régulière.

Quant à la directive « carte bleue européenne », elle contient des dispositions qui semblent plus jamais nécessaires pour lutter contre le travail illégal et le travail dissimulé. Pour l’essentiel, ce projet de loi tend vers l’équilibre qui est à rechercher entre la promotion de l’immigration choisie – et donc l’intégration – et la fermeté contre l’immigration irrégulière.

Rapporteur des lois contre la corruption et le blanchiment pour cette assemblée, je ne peux ignorer l’absolue nécessité de lutter contre ces formes modernes d’esclavage et ces filières de travailleurs clandestins, exploités au mépris de toute dignité humaine, au profit d’employeurs peu scrupuleux. On oublie souvent cet aspect du projet de loi, que vous avez rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre.

M. Philippe Goujon. C’est vrai !

M. Michel Hunault. Ce projet de loi vise aussi à renforcer les exigences requises des candidats au séjour et à la nationalité française et prévoit des sanctions accrues envers les mariages frauduleux. Des éléments positifs devraient nous rassembler, sur tous les bancs de cet hémicycle. Je pense à la mesure permettant à des étrangers entrés en France comme scientifiques, sous couvert d’un visa de long séjour valant titre de séjour, de bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle à l’expiration de ce visa.

Citons aussi l’assouplissement des conditions de résidence des conjoints des titulaires de la carte « salarié en mission », lesquels pourront bénéficier de l’octroi de plein droit d’une carte « vie privée et familiale ». Tout cela va renforcer l’attractivité de la carte de résident pour contribution économique.

Entre autres améliorations, citons encore la reconnaissance du décès du conjoint français comme exception au motif de rupture de la vie commune pour le non-renouvellement des titres de séjour. Dois-je rappeler qu’à ce jour, la mort de l’époux peut entraîner le non-renouvellement de ce titre ?

Je crois qu’il n’était pas superflu de rappeler quelques-unes des améliorations contenues dans ce projet de loi. Monsieur le ministre, j’appartiens à un groupe parlementaire qui n’a pas manqué de soulever deux interrogations auxquelles vous avez répondu tout à l’heure, ainsi que la commission.

L’une portait sur l’article 3 bis qui permettait de déchoir de sa nationalité un individu condamné pour avoir tué une personne dépositaire de l’autorité publique. Si je me réjouis du compromis trouvé en commission, je pense qu’il faut réaffirmer une exigence : faire preuve de la plus grande fermeté à l’égard de ceux qui s’en prennent aux dépositaires d’une autorité publique. Monsieur le ministre, il y a quelques jours, vous vous êtes rendu au chevet de ce gendarme qui se trouve entre la vie et la mort à l’heure où nous parlons. Notre assemblée doit aussi être intransigeante pour conforter ces milliers d’hommes et de femmes qui vouent leur vie au service de la République pour assumer cette fonction régalienne essentielle qu’est la sécurité. Ils paient un lourd tribut. Si je me réjouis du retrait de cette disposition, je pense que le problème reste posé et qu’il nous faudra y apporter des réponses.

Notre seconde interrogation portait sur l’article 17 ter, lequel a aussi fait l’objet de plusieurs questions de M. Mamère. Monsieur le ministre, vous avez répondu qu’il y avait un accès aux soins pour les étrangers malades et que ce droit était accordé aux étrangers en situation irrégulière. C’est bien de le rappeler, parce qu’aux dires de certains, ce droit n’existerait pas. Pour autant, il faut parvenir à un équilibre et veiller à lutter contre les abus, notamment par la création du guichet unique et par la clarification du titre de séjour pour les étrangers malades, deux mesures qui apporteront des réponses à ces légitimes interrogations.

Pour conclure, monsieur le ministre, je dirai qu’il est nécessaire de lutter contre l’immigration clandestine. C’est à chaque État d’organiser et de réguler l’immigration et nous le faisons dans le cadre d’une transposition de textes européens. Mercredi dernier, dans cet hémicycle, nous avons eu un débat sur les rapports entre la France et le continent africain. Nombre d’orateurs sont intervenus sur les événements qui se déroulent aux Maghreb et qui nous interpellent tous. La France a un rôle primordial à jouer. Lors de ce débat, nous avons envisagé divers moyens d’améliorer le développement de ces pays. En effet, la première manière de faire baisser l’immigration, c’est de contribuer au développement de ces pays qui connaissent la misère.

À cette tribune, mercredi, j’évoquais notamment la nécessité de trouver des outils financiers. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement avait été créée pour financer les pays d’Europe centrale. L’Union européenne n’aurait-elle pas intérêt à créer une institution financière spécifique ? Le Président de la République a eu l’idée de lancer l’Union pour la Méditerranée. Tout cela contribuera à orienter l’argent public vers l’éducation et le développement. Ce sera aussi une contribution active à la lutte contre l’immigration clandestine. Il faut également améliorer la délivrance de visas aux étudiants qui viennent étudier dans nos pays.

Monsieur le ministre, voilà quelques réflexions d’un député qui vous apporte un soutien exigeant puisque subordonné à notre attachement aux valeurs essentielles du pacte républicain dont la gauche n’a pas le monopole et qui animent l’esprit de ce texte. Je vous remercie de votre attention.