Exécution des peines

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2011-2012



Compte rendu 
intégral

Deuxième séance du mardi 10 janvier 2012

 

Exécution des peines

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

Discussion générale 

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Notre collègue Urvoas vient de conclure son propos en estimant que ce projet de loi était inutile. Je ne le pense pas. Il vise au contraire à répondre à un défi que nous lance aujourd’hui la population : celui de la crédibilité de notre système judiciaire et de la confiance qu’il peut inspirer.

À quoi sert ce projet de loi ? À répondre au problème de l’exécution des peines. Je salue à cet égard le travail de la commission des lois, et en particulier le rapport sur l’exécution des peines qui est à l’origine du projet de loi.

Le problème est réel : plusieurs dizaines de milliers de peines d’emprisonnement prononcées chaque année ne sont jamais exécutées. Le projet de loi tente d’y répondre.

J’ai entendu les différents intervenants. Les places de prison sont-elles trop nombreuses dans notre pays ? La question est légitime. Avec 60 000 places de prison, la France se situe dans la moyenne des grandes démocraties. Grâce aux 20 000 places supplémentaires que vous proposez de créer, monsieur le garde des sceaux, notre pays resterait dans les normes internationales.

La prison est-elle utile ? Oui, bien sûr.

Rappelons à l’opposition qu’en dix ans nous avons voté une loi pénitentiaire et mis en place des mécanismes susceptibles de contrôler la vie en prison – je pense en particulier à la création de la fonction de Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Aussi, si ce que vient de déclarer notre collègue Jean-Jacques Urvoas concernant des manquements à la loi pénitentiaire s’avérait, et donc si les accusations qui ont été prononcées à cette tribune se révélaient exactes, ce serait inadmissible, du fait même qu’il existe un Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Nous avons d’autre part la faculté, comme parlementaires, d’aller voir ce qui se passe derrière les barreaux, car la loi doit être respectée par tous. Pour autant, on devrait être assez prudent lorsque l’on porte de telles accusations.

J’ai noté avec satisfaction que plusieurs orateurs ont fait état des travaux du Conseil de l’Europe. Nous avons traduit dans les différents projets et propositions de loi examinés depuis maintenant cinq ans certaines dispositions concernant notamment la charte pénitentiaire et la réactualisation des règles pénitentiaires. Personne ne pourra nier que la loi pénitentiaire, le contrôle général des prisons et le programme de modernisation des établissements vétustes sont à porter à l’honneur de cette majorité.

Reste l’aménagement des peines. Je dirai à cet égard à mon collègue Éric Ciotti, avec qui j’ai eu certains échanges sur cette question, que je ne comprends pas comment le groupe UMP a pu s’opposer à un amendement que j’avais eu l’honneur de défendre au nom des députés du Nouveau Centre, et qui visait à ce que les remises de peine ne soient plus automatiques, mais tiennent compte de la dangerosité des détenus, notamment en matière de récidive criminelle. Il y a là une exigence : s’il y a des remises de peine, elles sont sûrement nécessaires, mais il faut redonner tout son rôle au juge de l’application des peines quant à l’appréciation de la dangerosité des détenus.

À cet effet, monsieur le garde des sceaux, je vous invite une nouvelle fois, au nom de mes collègues du Nouveau Centre, à retenir un critère objectif de dangerosité, à savoir le crime qui a déjà été commis. On doit en tout cas, afin que le détenu ne récidive pas, prendre en compte la dangerosité. C’est un élément essentiel, sur lequel on peut trouver un consensus.

Je rappelle à mes collègues de l’opposition que nous avons fait des efforts pour mettre en place des alternatives à l’emprisonnement, tel le bracelet électronique. Plus de 10 000 condamnés chaque année en portent un. On a même été jusqu’à permettre, dans la loi pénitentiaire, l’aménagement de la sanction : c’est ainsi qu’aujourd’hui un condamné à deux ans d’emprisonnement ne va pas en prison, ce qui est d’ailleurs une vraie source d’interrogation pour nos concitoyens. Si l’on veut en effet redonner confiance dans la justice, il faut, en face de la condamnation, une réalité de la peine d’emprisonnement. On peut ne pas être d’accord sur le seuil, mais il faut une certitude de la peine lorsqu’il y a condamnation. Votre projet de loi, monsieur le garde des sceaux, répond à cette exigence.

Je ne peux, avant de terminer – j’ai en effet promis à mes collègues qui veulent intervenir ce soir de ne pas utiliser l’intégralité de mon temps de parole –, que vous faire remarquer, monsieur le garde des sceaux, que s’il est très bien de faire voter des projets de loi, encore faut-il que les moyens humains et financiers suivent.

Nous sommes, en ce 10 janvier, en pleine période de rentrée solennelle de nos tribunaux, et je sais que vous êtes au courant de ce qui s’y dit et de ce qui s’y passe. Nos magistrats doivent appliquer des textes qui sont modifiés assez régulièrement. Ils ont besoin, comme les greffiers et tous les acteurs de la chaîne pénale, de moyens humains. Les budgets que vous nous avez fait voter, et encore tout récemment, ont permis, dans un contexte budgétaire et économique extrêmement difficile, de faire porter l’effort sur la justice : c’est le seul budget qui ait été en augmentation constante au cours de ces dix dernières années. Pour autant, monsieur le garde des sceaux, on ne saurait aborder ce texte sans évoquer les moyens humains et financiers. À cet égard, il est particulièrement important de dire à cette tribune, comme vous l’avez fait, notre solidarité et notre reconnaissance envers tous les acteurs de l’ordre judiciaire et pénitentiaire, qui ont une mission particulièrement importante devant l’exigence d’ordre public. On ne dira jamais assez que la sécurité est la première des libertés.

Nos collègues de l’opposition ont regretté que nous ayons voté de nombreux textes au cours de cette législature. Si l’on veut bien porter un regard objectif sur ce que nous avons voté, on verra que nous avons été très loin dans la garantie des libertés fondamentales. Pour autant, mettre les victimes en perspective est aujourd’hui une exigence, de même que valoriser la mission de tous les acteurs de l’ordre judiciaire et pénitentiaire. Ce sont là, je crois, des objectifs qui, loin d’être contradictoires, répondent à une réelle exigence.

Enfin, s’agissant des programmes des nouvelles prisons, une vraie interrogation existe. Vous en avez vous-même fait état en commission, monsieur le garde des sceaux : elle porte sur le montant des loyers dans le cadre de partenariats public-privé. Cependant, il s’agit d’un effort financier nécessaire de la nation pour assurer la dignité de toute personne, quoi qu’elle ait pu faire pour être privée de liberté, et c’est à ce titre que je vous apporte ce soir le soutien du groupe du Nouveau Centre. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. Merci, mon cher collègue, pour la concision de votre propos, qui est une marque de respect à l’égard de vos collègues et qui, je l’espère, inspirera les orateurs suivants…