Développement de la concurrence au service des consommateurs

Catégories: Assemblée Nationale, Economie, Interventions en réunion de commission

Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 14 novembre 2007

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 16

Examen pour avis du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (articles 1, 2, 4, 5, 9, 10) (n° 351) (M. Bertrand Pancher, rapporteur)

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Bertrand Pancher, les articles 1, 2, 4, 5, 9 et 10 du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (n° 351), dont elle s’est saisie pour avis.

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis, a estimé que le pouvoir d’achat constituant l’un des sujets de préoccupation majeurs des Français, il représentait l’un des grands chantiers de la XIIIlégislature.

Il a rappelé qu’en juillet 2007, le Parlement a adopté la loi n° 2007-1223 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, destinée notamment à revaloriser la rémunération des heures supplémentaires. Depuis le 1er octobre, les dispositions de ce texte sont pleinement en vigueur.

Le rapporteur pour avis a fait valoir que ce levier de la rémunération salariale n’est pas suffisant pour améliorer durablement le pouvoir d’achat car le niveau des prix des biens de consommation constitue lui aussi un paramètre important. Or, le projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs a justement pour objet d’infléchir l’évolution des prix à la consommation, afin d’amplifier les effets de la loi n° 2007-1223.

Les mesures phares de ce projet de loi sont la réforme du seuil de revente à perte (SRP) et l’encadrement de la pratique des « marges arrière » dans la grande distribution, à travers une convention unique entre fournisseurs et distributeurs.

Le rapporteur pour avis a rappelé que l’interdiction de la vente à perte date de 1963. Elle a pour but de préserver la diversité des formes de commerce en empêchant une guerre des prix que les petits commerçants n’auraient pas la possibilité de supporter. La loi du 1er juillet 1996, dite « Galland », avait pour ambition de conforter cette logique en introduisant un seuil de revente à perte correspondant au prix net facturé par le fournisseur au distributeur, avant rétrocession de la marge arrière.

Mais en érigeant une barrière entre « marges avant » et « marges arrière », cette loi a créé des difficultés. Les distributeurs ont concentré leurs efforts sur la négociation des marges arrière davantage que sur les prix de vente facturés par les fournisseurs. Selon une étude de l’institut de liaison et d’études des industries de consommation (ILEC) menée en 2004, les marges arrière auraient augmenté de plus de 80 % entre 1998 et 2004, tandis que leur taux moyen serait passé de 21,9 % à 33,5 %. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, quant à elle, a évalué entre 25 % et 45 % du prix de vente aux consommateurs le montant de ces marges arrière en 2004.

Le rapporteur pour avis s’est déclaré également troublé par la complexité de la règlementation des conditions générales de vente, qui détaillent parfois sur une vingtaine de pages des pratiques commerciales en vigueur entre distributeurs et fournisseurs et qui alimentent les contrôles ainsi que les contentieux.

Il a ensuite observé que, depuis l’accord de baisse des prix entre fournisseurs et distributeurs, signé le 17 juin 2004, le législateur a été appelé à modifier la loi Galland pour encourager fournisseurs et distributeurs à diminuer l’ampleur de ces marges arrière, devenues bien souvent abusives. La loi du 2 août 2005 en faveur des PME a donc introduit un nouveau mode de calcul du seuil de revente à perte, de manière à inciter les distributeurs à baisser leurs prix de vente.

Entre mars 2006 et août 2007, les prix des produits de grande consommation ont diminué de 3,47 % alors même que les tarifs des fournisseurs ont augmenté de 6 % sur la même période, ce qui montre que les distributeurs ont effectivement répercuté une partie de leurs marges arrière dans les prix de vente aux consommateurs. De même, selon une étude menée en 2007 pour le compte de l’ILEC, afin de comparer l’évolution des prix dans sept pays européens (la France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, la Belgique, le Portugal et les Pays-Bas), dont la moyenne constitue un indice 100, l’indice des prix en France serait passé de 105, en octobre 2003, à 98, en juin 2007.

Pour autant, il semblerait que depuis le mois de septembre, de nouvelles tensions à la hausse soient apparues, du fait notamment, mais pas seulement, de l’évolution des cours des matières premières et de l’énergie. Le projet de loi pour le développement de la concurrence en faveur des consommateurs entend donc aller au bout de la logique de la loi en faveur des PME, en incluant la totalité des marges arrière dans le seuil de revente à perte alors que 15 % de ces marges en étaient jusqu’à présent exclues. Il vise aussi à préciser les contrats annuels définissant la coopération commerciale des fournisseurs et distributeurs, dans un but de transparence.

Le rapporteur pour avis a fait part de son adhésion à la démarche du Gouvernement, une réforme par étapes lui semblant préférable, au moins dans un premier temps, à une remise en cause plus radicale de l’organisation actuelle. Reconnaissant avoir été tenté par l’idée d’une suppression pure et simple des marges arrière, il a observé qu’une telle initiative aurait surtout pénalisé les PME, qui sont les premières bénéficiaires de la coopération commerciale. Il a souligné qu’il aurait fallu en outre l’accompagner d’une remise à plat intégrale des conditions de tarification entre fournisseurs et distributeurs, dont personne n’est en mesure de prédire les effets sur les acteurs les plus petits. Il s’est donc déclaré satisfait que le Gouvernement ait confié une mission sur le sujet à Mme Marie-Dominique Hagelsteen, afin d’envisager de nouveaux ajustements au printemps prochain, dans le cadre de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie.

Des contreparties à une libéralisation beaucoup plus large des échanges pourraient sans doute être imaginées pour rassurer les fournisseurs tout en satisfaisant les distributeurs. Il pourrait notamment être envisagé de permettre une réduction des délais de paiement ainsi qu’une contractualisation des échanges sur des périodes beaucoup plus longues qu’une année. Il s’agit là, en tout cas, de pistes à explorer dans la perspective de la réforme plus large prévue en 2008.

Le rapporteur pour avis a ensuite indiqué que le projet de loi pour le développement en faveur des consommateurs comporte également une mesure de dépénalisation symbolique. Il a mis en exergue que la non-communication des conditions générales de vente ne se trouvera en effet plus sanctionnée par une amende de 15 000 euros mais pourra engager la responsabilité civile du fournisseur et donner lieu au versement de dommages et intérêts.

L’efficacité de l’action en justice devrait s’en trouver renforcée, car le ministre chargé de l’économie ou le ministère public pourront la déclencher et faire ainsi constater la cessation des pratiques en cause, demander la répétition de l’indu ou le prononcé d’une amende civile pouvant atteindre 2 millions d’euros. Cette alternative garantira l’effectivité de la procédure dans l’hypothèse où la victime, du fait de son extrême dépendance vis-à-vis de la partie fautive, n’envisagerait pas de donner des suites judiciaires à son préjudice.

Le rapporteur pour avis a considéré qu’il s’agissait là d’une mesure de bon sens, bien éloignée d’une anticipation du chantier de dépénalisation confié par la Garde des Sceaux au groupe de travail présidé par M. Jean-Marie Coulon et ayant parfaitement sa place dans un texte traitant notamment des rapports entre distributeurs et fournisseurs.

Puis, il a exposé le dernier volet du projet de loi sur lequel porte l’avis de la Commission, lequel réside dans l’extension de l’objet de la médiation bancaire et l’instauration d’un relevé annuel des frais bancaires pour les personnes physiques agissant dans un cadre non professionnel.

Se félicitant de l’objectif de développement de la médiation bancaire, le rapporteur pour avis s’est montré réservé sur les effets de la mesure proposée. Après avoir précisé que, dans son bilan pour l’exercice 2005, le comité de la médiation bancaire indiquait que le volume global des réclamations reçues par les médiateurs bancaires est passé de 23 143 en 2003 à 19 726 en 2005, il a estimé que la cause de cette diminution de 14,5 % était sans doute davantage à rechercher dans le statut de ces médiateurs que dans le champ de leurs compétences. Il a également souligné que les pays qui ont mis en place des institutions de médiation clairement distinctes des entreprises ou des administrations, à l’instar du Québec, sont ceux où cette forme de règlement des litiges est la plus développée.

De ce fait, le projet de loi de modernisation de l’économie, qui devrait comporter un volet traitant plus largement de cette importante question des règlements non juridictionnels des conflits, revêtira un intérêt majeur.

Le rapporteur pour avis a ensuite observé que, pour ce qui concerne le relevé annuel des frais bancaires, la mesure proposée est certainement trop timide. Elle ne concerne que les personnes physiques agissant dans un cadre non professionnel, ce qui exclut les entreprises et les artisans. De même, elle n’inclut pas les agios liés à la gestion des découverts et ne fixe aucun cadre précis aux banques sur la période de référence du relevé, rendant par là même plus difficile toute comparaison entre les établissements de crédit.

En conclusion, le rapporteur pour avis a insisté sur le fait que le projet de loi pour le développement de la concurrence en faveur des consommateurs visait seulement à permettre une amélioration sensible du pouvoir d’achat des Français dès 2008, et non à transformer radicalement les modalités de fonctionnement de notre économie.

Comme beaucoup de parlementaires, il s’est déclaré convaincu que les consommateurs doivent jouer un rôle essentiel dans la gouvernance économique et il a appelé de ses vœux de grandes réformes afin de leur donner une place et des pouvoirs à la mesure de cet impératif. Favorable à l’action de groupe et souhaitant que les associations de consommateurs aient plus de moyens publics pour remplir leurs missions, il s’est montré également désireux de voir la législation sur l’équipement commercial, source de nombreux problèmes de concurrence dans le commerce en France, profondément révisée.

Nécessaires, de telles réformes n’ont toutefois pas leur place dans le projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Elles doivent en effet intervenir à l’issue des concertations que le Président de la République et le Gouvernement ont lancées en vue de l’élaboration du projet de loi de modernisation de l’économie. Chercher à brûler les étapes, au mépris de la possibilité pour les principaux intéressés de donner leur point de vue, n’aboutirait à rien.

Rien n’interdit aux parlementaires, en revanche, de dresser des pistes de réforme afin de contribuer à la réflexion du Gouvernement. Tel est justement l’état d’esprit de l’avis élaboré au nom de la Commission.

M. Michel Hunault a souligné que la discussion du projet de loi intervient au moment où la question du pouvoir d’achat des consommateurs fait l’objet de débats. L’exposé des motifs du projet de loi affirmant que le prix payé au fournisseur par le distributeur devra prendre en compte toutes les contreparties financières obtenues, il s’est inquiété de ce que la mise œuvre des dispositions proposées ne se fasse pas au détriment des fournisseurs.

Il a observé que le projet de loi élargit le champ de la médiation bancaire, il ne prévoit pas pour autant la création d’un organe centralisé recensant les différents crédits souscrits par un particulier. Les personnes les plus modestes étant celles qui ont le plus recours au crédit à la consommation, il a jugé indispensable de pouvoir estimer la solvabilité des clients pour limiter le risque de surendettement.