Débat sur les Partenariats Public Privé

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2011-2012



Compte rendu
 intégral

Deuxième séance du jeudi 2 février 2012

Débat sur les partenariats public – privé

M. Michel Hunault. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je regrette comme vous que cette discussion sur les partenariats public-privé n’intéresse pas plus de cinq députés…

Cela étant, je remercie Roland Muzeau d’avoir pris l’initiative de ce débat.

Étant le troisième orateur, je salue la qualité des propos des deux intervenants qui m’ont précédé.

Monsieur Urvoas, nous avons évoqué ce sujet il y a peu, le 22 mars 2011, lors de l’examen d’un texte visant à permettre la construction des stades chargés d’accueillir l’Euro 2016. Grâce à ce texte, qui a été adopté à une voix près, venant du Nouveau Centre, nous avons pu débloquer un dossier et trouver une solution, à travers le partenariat public-privé, pour construire les enceintes sportives qui permettront à notre pays d’accueillir la Coupe d’Europe.

Je me souviens des réticences, des interrogations et de l’hostilité d’un certain nombre de nos collègues et de la satisfaction des maires accueillant les enceintes sportives grâce à ce texte. C’est la preuve qu’il y a quelquefois des discours dans cet hémicycle et une appréciation différente sur le terrain.

Pour autant, le débat que vous avez lancé, cher collègue, est important. Nous sommes dans une conjoncture difficile. L’État, qui n’a pas les moyens d’assurer un certain nombre d’investissements, a recours aux partenariats public-privé. Il s’avère, monsieur le ministre, que j’ai l’honneur d’être le rapporteur d’un certain nombre de textes sur l’éthique et, notamment, sur la corruption. Le recours aux partenariats public-privé ne doit pas être un moyen de se détourner de la règle, donc du droit de la concurrence. Pour ma part, je ne vois aucune objection à ce que vous posiez le problème, monsieur Muzeau. Vous avez cité Jean Arthuis et Charles de Courson. Vous connaissez l’engagement de ces deux spécialistes sur ces questions. Ils se ont, eux aussi, en leur temps, interrogés.

En 2011, nous comptions 104 partenariats public-privé, représentant plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissements. Vous avez rappelé qu’en 2002, la loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure avait institué les PPP afin d’édifier des équipements de sécurité tels que les commissariats ou, comme l’a précisé mon collègue Urvoas, les prisons. C’est heureux parce que, sans cela, nous connaîtrions aujourd’hui un déficit de places de prison ne permettant pas à l’État d’assurer une de ses fonctions régaliennes. Je rappellerai à M. Urvoas, que c’est le groupe Nouveau Centre qui, voici deux semaines, lorsque le Gouvernement a proposé un plan de création de 20 000 places de prison, a souhaité que le recours aux partenariats public-privé laisse toutefois une place à nos petites et moyennes entreprises. Je vous réitère cette demande, monsieur le ministre : réfléchissons, lors de la réalisation de ces investissements d’envergure, à la place qu’il convient de réserver à des groupes de taille moyenne qui font la richesse de notre tissu industriel.

Monsieur le ministre, les partenariats public-privé sont des outils qui ont fait leurs preuves.

J’évoquerai la dernière grande réalisation : la ligne à grande vitesse Paris-Bordeaux. La discussion a porté sur les droits de péage, s’agissant notamment d’une société présente dans le tour de table. Mais je ne pourrais en parler dans le laps de temps qui m’est imparti.

Il convient de rappeler la philosophie des PPP. L’État recourt à ces partenariats lorsqu’il ne peut pas assurer un projet complexe et coûteux. Quel doit être le statut de l’actuelle mission d’appui aux PPP, compte tenu de l’importance qu’ont pris ces partenariats public-privé ? Cette question doit être posée dans un débat de cette nature. Vos interrogations sont légitimes, monsieur Muzeau, et elles sont partagées : notre collègue de l’UMP ne s’intéresse, en effet, pas moins que vous aux deniers publics.

Je vous poserai donc, monsieur le ministre, au nom du groupe que j’ai l’honneur de représenter à cette tribune, une première question. Vous proposez, à défaut, une commission d’enquête. Ne pensez-vous pas qu’une mission d’information serait largement suffisante ?

Ne pourrait-on pas se pencher sur le statut de cette mission, en faire une agence d’appui aux côtés des collectivités et de l’État et exiger, en plus de la complexité d’urgence, qu’il y ait une réglementation, une traçabilité et un cahier des charges, afin que soit respecté pour l’investissement public le caractère éthique, que nous partageons tous ?

Je vous ferai, par ailleurs, quelques suggestions pour que ce débat présente quelque intérêt pour le Gouvernement.

Les partenariats public-privé doivent, on le sait, concilier des exigences a priori antinomiques. M. Muzeau a laissé entendre qu’ils étaient favorables aux intérêts des partenaires privés, alors que nous avons entendu, de l’autre côté de l’hémicycle, qu’ils pouvaient, en fait, assurer la primauté de l’intérêt général. Cet équilibre est-il assuré ? La loi du 22 juillet 2008 a modifié l’ordonnance du 17 juin 2004. Dans le cadre du contrat de partenariat, la tâche des prestataires est très étendue puisque peuvent leur être confiées des missions aussi diverses que le financement des investissements, la construction d’ouvrages et la maintenance et l’exploitation. C’est ce qui apparaît comme une dérive par rapport à l’ordonnance de 2004.

Les interrogations, monsieur le ministre, ne sont pas sans intérêt. S’agissait-il bien, à l’origine, de toutes ces missions ? On peut se poser des questions. Il incombe à l’Etat, et cette majorité, au moins, l’a bien compris, de trouver les sources de financement des investissements que le pays attend, pour les concevoir, les construire, les maintenir et les exploiter. Il convient de mieux vérifier les objectifs de réalisation et la gestion. Je vous pose donc une deuxième question : comment peut-on éviter toute dérive ?

Enfin, les prévisions de taux de croissance annoncées par le Premier ministre sont, en dépit de tous nos efforts, relativement inquiétantes. Il est donc essentiel, dans la conjoncture que nous connaissons, de relancer l’investissement.

Je terminerai mon propos par une suggestion, car tel est l’esprit du Nouveau Centre. Vous n’avez, en effet, pas manqué de remarquer tout au long de cette législature, qu’au-delà d’un soutien, nous avons essayé d’apporter notre pierre à l’édification de la loi. L’État a des moyens. Il est actionnaire par le biais de la Caisse des dépôts et du Fonds stratégique d’investissement, outil nouveau voté par cette majorité à la demande du Président de la République. Il a pris une part du capital dans un certain nombre de groupes industriels primordiaux pour l’économie nationale. Comment faire pour continuer à donner de l’importance aux PPP tout en répondant aux préoccupations légitimes posées par ce débat ? L’État actionnaire, ne pourrait-il pas faire des partenariats public-privé institutionnalisés un outil lui permettant de garder la main sur un certain nombre d’investissements, illustration des fonctions régaliennes de l’État ? Un certain nombre d’entre nous est, en effet, attaché à ce que l’État ait un droit de regard sur le devenir de ces investissements. Il ne doit pas s’agir uniquement d’un transfert à des grands groupes aussi importants, compétents et remarquables soient-ils.

Il ne me reste qu’une minute, je ne ferais donc pas le calcul de ce que coûtent les partenariats public-privé. Nous avons parlé des prisons, nous pourrions citer d’autres exemples.

Monsieur le ministre, l’État doit conforter son ambition industrielle, son rôle d’investisseur. Nous devons avoir à l’avenir, grâce à la modification du statut de la mission d’appui aux partenariats public-privé et grâce au rôle de l’État actionnaire, non pas de simples partenariats public-privé, mais des partenariats public-privé institutionnalisés.