Crédits du Ministère de la Justice pour 2008

Catégories: Assemblée Nationale, Autres interventions, Budget-Finance, Interventions dans l'hémicycle, Justice, Prisons, video

Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2007-2008



Compte rendu 
intégral

Première séance du jeudi 15 novembre 2007

Projet de loi de finances pour 2008

Seconde partie 

Justice

 M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Au nom de mes collègues du groupe Nouveau Centre, madame la ministre, je salue votre projet de budget pour 2008.

Comme l’ont fort bien indiqué les trois rapporteurs, le budget de la justice, en augmentation sensible, représente cette année 2,4 % de celui de l’État.

Un effort considérable de rattrapage est consenti, même si nous restons en retard par rapport aux autres pays européens. Je salue cet effort, chers collègues de l’opposition. D’ailleurs, pourquoi ne l’avez-vous pas réalisé lorsque vous étiez dans la majorité ?

Je voudrais en particulier saluer l’augmentation de 8 % des crédits de l’administration pénitentiaire.

Nous avons été nombreux à dénoncer depuis plusieurs années, notamment par le biais des commissions d’enquête, la situation dans les prisons françaises. Elles accueillent aujourd’hui plus de 61 000 détenus, alors que leur capacité est de 48 000 places. Grâce à votre budget, madame la ministre, nous allons poursuivre l’effort engagé sous la précédente législature par M. Perben et M. Clément. Nous pourrons ainsi rendre les prisons françaises plus dignes et les mettre en conformité avec les normes européennes.

Madame la ministre, vous êtes à la Chancellerie depuis cinq mois et vous avez déjà fait adopter une réforme à laquelle nous étions tous favorables, quelle que soit notre opinion politique.

Il s’agit de la création d’un contrôleur général des prisons et de tous les lieux privatifs de liberté.

Vous vous êtes aussi engagée à faire voter une loi d’orientation pénitentiaire pour mettre la France en conformité avec les règles définies par le Conseil de l’Europe. Ayons au moins l’honnêteté de saluer cette volonté ! Soyez assurée, madame la ministre, du soutien de la majorité pour mener à bien ces réformes exigeantes, qui n’ont pour but que la dignité des personnes privées de liberté.

Je salue également l’extraordinaire travail des personnels pénitentiaires, dont la mission est extrêmement difficile, et l’augmentation des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse.

Venons-en au sujet qui fâche : la réforme de la carte judiciaire.

Cette réforme, mesdames, messieurs de l’opposition, était l’une des trente mesures que les membres de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau avaient appelées de leurs vœux à l’unanimité.

Cette commission d’enquête, je m’en souviens, avait été décidée après le drame d’Outreau, qui avait obligé le Chef de l’État et le garde des sceaux à présenter publiquement les excuses de la nation pour des dysfonctionnements qui n’avaient pas été à l’honneur de la justice de notre pays !

Pendant six mois, nous avons tous travaillé, au-delà de nos clivages politiques, pour faire en sorte que ce scandale ne se reproduise jamais. Parmi les mesures qui ont été suggérées, il y avait la réforme de la carte judiciaire et la réorganisation de la justice.

Vendredi dernier, madame la ministre, vous avez présenté cette réforme à Rennes : il y aura au moins un tribunal de grande instance par département, et des pôles de l’instruction seront créés pour lutter contre l’isolement des juges qui sont de plus en plus confrontés à des affaires complexes, notamment en matière de crimes et de délits sexuels. Ce sont souvent des juges inexpérimentés, à qui l’on demande de rechercher la vérité sans leur en donner les moyens. La création de pôles de l’instruction permettra d’éviter des dysfonctionnements tels que ceux d’Outreau. C’est pourquoi les députés du groupe Nouveau Centre soutiennent votre réforme de la carte judiciaire. Mais cela n’exonère pas de la nécessaire concertation, de l’écoute, du respect des magistrats et des greffiers, qui s’interrogent.

Madame la ministre, vendredi dernier, en Bretagne, vous vous êtes engagée à assurer, dans un délai de trois ans, un service public de la justice pour tous, notamment avec la création, là où ce sera possible, de maisons du droit et de points d’accès au droit afin de regrouper tous ceux qui concourent à rendre la justice et à prévenir les conflits.

Mais tenez bon, madame la ministre : si nous voulons être crédibles, il nous faut concrétiser les conclusions de la commission d’enquête parlementaire, et donc créer des pôles de l’instruction, des points d’accès au droit et des maisons du droit.

Il aurait cependant été préférable, pour présenter cette réforme, d’améliorer la communication, au lieu d’annoncer que vous allez supprimer un tribunal de grande instance tout en maintenant un tribunal d’instance, qui abritera une chambre civile du tribunal de grande instance, les affaires pénales étant du seul ressort du tribunal du chef-lieu de département. Cette présentation ne reflète pas la dimension de votre réforme !

Certes, la discussion de votre budget se déroule dans un contexte d’incertitude et de malaise. Mais ce que nous n’admettons pas, avec mes collègues du Nouveau Centre, c’est le procès personnel qui vous est fait. J’entendais ce matin sur une radio nationale un élu de la nation dire que vous ne connaissez rien aux réalités, rien au monde rural.

J’apprécie pour ma part que le Gouvernement reflète ce qu’est la France d’aujourd’hui. Vous avez toute compétence, mais vous avez besoin du soutien du Parlement pour accomplir votre délicate mission. Le contrôle des prisons, la réforme de la carte judiciaire, la loi pénitentiaire sont des objectifs sur lesquels nous pouvons nous retrouver. Qu’ils soient pour nous l’occasion de réconcilier les Français avec leur justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)