Catégories: Administration, Assemblée Nationale, Budget-Finance, Interventions en réunion de commission
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Mardi 21 octobre 2008
Séance de 17 heures
Compte rendu n° 9
Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des collectivités territoriales, sur le projet de loi de finance pour 2009
Examen pour avis des crédits des missions « Sécurité » (M. Guy Geoffroy, rapporteur), « Sécurité civile » (M. Thierry Mariani, rapporteur), « Administration générale et territoriale de l’État » (M. Jérôme Lambert, rapporteur), « Outre-mer » (M. Didier Quentin, rapporteur) pour 2009
La Commission procède à l’audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des collectivités territoriales, sur le projet de loi de finances pour 2009.
La séance est ouverte à 17 heures.
Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président
M. le président Jean-Luc Warsmann. Madame la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, au nom de l’ensemble de mes collègues, je vous souhaite la bienvenue à la commission des lois.
Nous allons examiner quatre missions budgétaires dont vous assumez la charge : Sécurité, Sécurité civile, Administration générale et territoriale de l’État, Outre-mer, étant rappelé que la mission Relations avec les collectivités territoriales fera l’objet d’une commission élargie, le 4 novembre.
Selon les documents de présentation des missions budgétaires, il s’agit : pour la Sécurité, de poursuivre l’amélioration de la sécurité de nos compatriotes, notamment en renforçant la mutualisation des forces de sécurité et en développant leurs moyens technologiques ; pour la Sécurité civile, de protéger les populations et d’assurer la mise en œuvre des moyens nécessaires à la gestion des crises ; pour l’Administration générale et territoriale de l’État, d’assurer la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire de la République et la mise en œuvre des politiques publiques au niveau local ; pour l’Outre-mer, de substituer une logique de développement endogène à un système reposant essentiellement sur le soutien de la demande.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. C’est toujours avec grand plaisir que je me présente devant votre commission, avec laquelle j’ai déjà abordé de nombreux thèmes que nous retrouvons dans ce projet de budget.
Celui-ci intervient dans un contexte caractérisé par trois défis : un nouveau périmètre ministériel, une situation financière exigeante et des menaces réelles sur la sécurité.
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Dans le contexte budgétaire actuel, il me revient de suivre une démarche de valorisation systématique des moyens opérationnels mis à notre disposition.
Tout d’abord, les policiers et les gendarmes seront recentrés sur leur cœur de métier. Ils seront extraits d’une série de missions comme les gardes statiques et les transfèrements de prisonniers. J’ai donné des instructions en ce sens et je demande que ces évolutions soient effectivement mises en œuvre au niveau local, où des pesanteurs et des réticences peuvent s’exprimer. De même, je veux que les missions administratives et techniques soient remplies par du personnel administratif et technique et non par du personnel en uniforme, qui ne s’est pas engagé pour gérer de l’immobilier ou pour servir d’hôtesse d’accueil. Au total, quelque 1 200 gendarmes et policiers seront ainsi remplacés en 2009.
Par ailleurs, le rapprochement entre la police et la gendarmerie favorisera les mutualisations dans de nombreux domaines : formation des plongeurs et des équipes cynophiles, perfectionnement au maintien de l’ordre ; fonctions de soutien comme les réparations automobiles ou les achats ; mise à disposition des hélicoptères de la gendarmerie et de la sécurité civile au profit de la police. Tous ces rapprochements nous permettront de renforcer l’efficacité tout en diminuant assez sensiblement les coûts.
Je compte faire de ce ministère un grand ministère moderne. Pour cela, nous devons être exemplaires dans l’utilisation des technologies nouvelles, qui facilitent la vie de nos concitoyens et allègent les tâches bureaucratiques. Pour les relations entre les préfectures et les sous-préfectures, nous allons systématiser les transferts dématérialisés des actes. Il en ira de même des relations entre les collectivités et les préfectures et sous-préfectures, notamment pour les contrôles de légalité. Pour faciliter les démarches des victimes, je viens d’engager une expérience de dépôt de pré-plainte en ligne, qui sera menée pendant six mois dans deux départements, la Charente-Maritime et les Yvelines ; au vu du retour d’expérience, nous pourrons étendre ce dispositif à l’ensemble du territoire national. Le nouveau système d’immatriculation des véhicules facilitera considérablement les démarches des particuliers, tout en renforçant la sécurité puisque l’utilisation du nouveau système de lecture des plaques deviendra possible. La mise en œuvre des passeports biométriques et demain des cartes d’identité électroniques facilitera également les relations entre usagers et services. Bref, toutes ces mesures améliorent la sécurité et la proximité tout en offrant aux personnels des perspectives d’emploi et de promotion plus valorisantes.
Ces objectifs seront réalisables dans le cadre de ce budget. Le ministère de l’intérieur, enrichi par le rattachement de la gendarmerie nationale, pourra continuer d’assumer pleinement ses missions au service des Français dans la lutte contre le terrorisme et la délinquance, dans l’aide en cas de catastrophe naturelle, dans la protection des libertés et dans le maintien de notre pacte républicain.
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Le rattachement de la gendarmerie à mon ministère crée quelques perturbations parmi les gendarmes mais aussi parmi les policiers, même s’ils travaillent ensemble depuis six ans et même si je fais en sorte que tout se passe dans les meilleures conditions. Il ne faut pas pour autant négliger ces inquiétudes. La loi portant dispositions relatives à la gendarmerie apportera des garanties. De toute façon, vous le savez, je suis particulièrement attachée au maintien de deux forces de sécurité intérieure soumises à des statuts différents car cela constitue une garantie démocratique et républicaine. Du reste, j’ai maintenu sous l’autorité du ministère de la défense tout ce qui a trait à la discipline militaire ainsi que certains éléments de soutien de la gendarmerie, notamment le soutien médical. À cet effet, j’ai signé une trentaine de conventions avec le ministre de la défense. Les missions extérieures de la gendarmerie – accomplies en particulier au sein de la force européenne de gendarmerie, actuellement projetée en Géorgie – garantissent aussi sa « militarité ». Je souhaite que tout officier de gendarmerie parte au moins une fois en OPEX, en opération extérieure.
Je n’ai pas exigé de mutualisations ; le directeur général de la gendarmerie nationale et le directeur général de la police nationale sont venus me voir ensemble pour m’en proposer.
L’équilibre entre les deux forces devra d’abord être réalisé sur le terrain. Il sera mouvant, comme la société elle-même. La gendarmerie est chargée de 95 % du territoire national, plutôt en zone rurale, tandis que la police agit en zone urbaine ; mais certaines communes dortoirs, situées en zone périurbaine, ont vocation à passer en zone police, et inversement certaines petites villes, qui malheureusement se dépeuplent, ont vocation à passer en zone gendarmerie.
L’équilibre passe aussi par l’harmonisation des statuts. Les deux forces se caractérisent par des contraintes différentes et des avantages différents. Une étude globale est menée par des groupes extérieurs pour effectuer une comparaison. La meilleure garantie d’équilibre sera inscrite dans la LOPPSI : s’ils se jugent défavorisés, les personnels auront la possibilité de passer du statut de gendarme à celui de policier, ou inversement, après avoir suivi la formation nécessaire.
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En dépit de l’adoption successive de plusieurs lois de décentralisation et d’évolutions techniques majeures, nos structures administratives n’ont pas changé depuis cinquante ans. Je cherche simplement, sans idée préconçue, à déterminer quelles sont les adaptations nécessaires. Les collectivités territoriales ont eu beau recevoir des attributions, le périmètre de compétence des préfectures et des sous-préfectures n’a guère changé. Je crois à l’autorité de l’État et à sa présence sur les territoires. C’est pourquoi je n’ai nullement l’intention – contrairement à ce que certains, étrangers à ma famille politique, ont réclamé – de supprimer des sous-préfectures dans des endroits isolés et peu peuplés, notamment en zone de montagne. Cela ne peut être envisageable que là où la présence de l’État est déjà assurée, à proximité d’une préfecture, par exemple à Boulogne-Billancourt, ville située à cinq kilomètres de Paris et desservie par le métro et l’autobus.
Même si la conjonction des deux problèmes dans le temps a pu prêter à confusion, celui des conseillers d’administration n’a rien à voir. Depuis plusieurs années, ces personnels peuvent être promus directeurs de cabinet de préfet, postes auxquels ils prennent la place d’un sous-préfet : 25 % des directeurs de cabinet de préfet sont aujourd’hui des conseillers d’administration et cela ne pose aucun problème. Dans le cadre de la promotion sociale et professionnelle, un conseiller d’administration pourrait fort bien trouver toute sa place dans un emploi de sous-préfet ; la fonction serait occupée alternativement par un sous-préfet et un conseiller d’administration. La liste des 115 sous-préfectures reprend les implantations où l’administration estime qu’il n’y a pas de problème majeur, c’est-à-dire celles où pourrait être affecté un sous-préfet débutant sortant de l’ENA ou un conseiller d’administration expérimenté. Je ne compte évidemment pas nommer 115 conseillers d’administration en sous-préfecture – je n’en aurais d’ailleurs probablement pas autant à ma disposition – mais dix à quinze, ce qui donnerait déjà un signal fort de promotion.
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M. Michel Hunault. Je vous remercie pour vos réponses à propos du statut des gendarmes et du maintien des sous-préfectures, Madame la ministre.
Que pouvez-vous nous dire à propos de la pérennité des brigades territoriales de gendarmerie en milieu rural ? Certaines déclarations ou articles de presse ont suscité des inquiétudes parmi les élus locaux.
Des mesures incitatives sont nécessaires afin de favoriser l’engagement bénévole des sapeurs-pompiers volontaires, essentiels pour l’organisation des services de secours et d’incendie dans notre pays.
Enfin, comment ne pas exprimer de l’écœurement devant les révélations parues dans la presse concernant les carnets d’Yves Bertrand, ancien patron des Renseignements généraux ? Notre commission est attachée à ce que les fonctions régaliennes de l’État soient assurées dans le respect des libertés individuelles essentielles. M. Bertrand dispose-t-il encore d’un bureau au ministère ? Est-il toujours inspecteur général de l’administration ? Quels sont aujourd’hui son statut et sa fonction ?
Mme la ministre de l’intérieur. Monsieur Hunault, la diminution des effectifs de gendarmerie sera d’abord rendue possible par la disparition de certaines charges, par exemple la garde des centres de rétention administrative, qui sera progressivement assumée par la PAF, ou encore la réduction des effectifs mobilisés pour la garde du palais de justice de Paris, qui atteignent actuellement 450 personnes. Ensuite, nous avons précisément créé les communautés de brigades pour faire en sorte que le plus grand nombre possible de gendarmes soient à l’extérieur, au contact de la population. Cette nécessité d’assurer une présence sur le terrain est d’ailleurs le message que je fais passer dans les écoles.
J’ai annoncé la semaine dernière, à l’occasion du congrès de la FNSPF, la création d’un groupe de travail « Ambition volontariat » pour encourager le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires.
M. Yves Bertrand est aujourd’hui en congé de son emploi et partira à la retraite à la fin de l’année.