Création du Défenseur des Droits

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session extraordinaire de 2010-2011



Compte rendu 
intégral

Première séance du jeudi 13 janvier 2011

Défenseur des droits

Suite de la discussion d’un projet de loi organique adopté par le Sénat.

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif au Défenseur des droits (nos 2573, 2991).

Je rappelle que ce projet de loi organique a fait l’objet d’une discussion générale commune avec le projet de loi relatif au Défenseur des droits.

 

Article 11 A 

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 229, 137 et 14, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Christian Vanneste, pour défendre l’amendement n° 229.

M. Christian Vanneste. L’un des axes forts de la réforme constitutionnelle, c’était l’extension du rôle du Parlement. En soumettant la nomination des adjoints à l’approbation des trois cinquièmes des commissions compétentes du Parlement, nous atteindrions cet objectif du constituant. Il ne s’agit plus ici de les faire élire, mais, je le répète, de soumettre les propositions de désignation à l’approbation du Parlement, ce qui est tout de même assez différent.

La désignation du Défenseur par le Président de la République avec seulement le veto des trois cinquièmes prévu dans la situation actuelle – c’est-à-dire avec le risque improbable d’une opposition d’une partie de la majorité – consacre évidemment la prééminence de l’exécutif.

La désignation des adjoints par le Premier ministre sur proposition du Défenseur des droits accentue cette évidence. On nous objectera que la formule que nous proposons donnerait une plus grande légitimité aux adjoints qu’au Défenseur des droits lui-même. C’est évidemment faux, puisque le Président de la République incarne, par son élection directe au suffrage universel, le plus haut degré de légitimité.

En revanche, notre formule présenterait trois avantages. Premièrement, elle serait davantage dans l’esprit de la défense des droits qui doit être un regard transversal sur le fonctionnement de notre société et non l’exercice d’un pouvoir vertical, comme vient de le dire M. le rapporteur. C’est une manière de donner raison à ce que disait Alain dans Le citoyen contre les pouvoirs.

Deuxièmement, elle répondrait au souhait qui s’exprime ici de voir sauvegarder leur visibilité et leur spécificité aux adjoints du Défenseur des droits. Les adjoints ne doivent pas être de simples collaborateurs, nous l’avons dit.

Enfin, les trois cinquièmes garantiraient le choix de personnalités au-dessus des clivages politiques. Là réside l’essentiel : il ne faut pas qu’il y ait une suspicion politique à ce niveau ; les adjoints doivent bénéficier d’une autorité morale incontestable.

Michel Hunault soulignait que le Président de la République avait désigné des personnalités indépendantes. Bien sûr et c’est tout à son honneur, mais rien ne l’y obligeait ! C’est quand même le fait du prince. Nous vous demandons donc de garantir que ce ne soit pas seulement le fait du prince, mais le principe même du fonctionnement de nos institutions.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur. Avis négatif.

M. Christian Vanneste. C’est un peu court !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Vanneste, vous comprendrez bien que je ne peux être favorable à votre amendement, pour plusieurs raisons.

Vous faites une référence intéressante à Alain, vous auriez pu aussi citer Anatole France : « Je pardonne à la République de gouverner mal parce qu’elle gouverne peu ».

M. Christian Vanneste. Il ne s’agit pas de gouvernement, justement !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. On trouve toujours des références adéquates dans notre littérature et il faut savoir en user.

Pourquoi ne puis-je pas être pour votre amendement ? Pour une raison toute simple : comme vous l’avez vous-même fort bien dit, le constituant a créé le Défenseur des droits ; ses adjoints sont des adjoints.

Il ne s’agit pas, au travers des adjoints, de changer quoi que ce soit au Défenseur des droits. Il s’agit simplement de faciliter le travail puisque les adjoints auront des spécialités et c’est là leur intérêt.

En conséquence, cher monsieur le député, je suis au regret de vous demander de bien vouloir retirer votre amendement pour respecter la volonté du constituant à laquelle vous avez collaboré, en son temps. Sinon, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour présenter l’amendement n° 137. J’aurais d’ailleurs dû la lui donner avant de demander les avis de la commission et du Gouvernement.

Mme Marie-George Buffet. On a parlé d’attelage, mais je vais poursuive dans le fil des propos de M. Vanneste.

Si ce ne sont que des adjoints, des collaborateurs, cela pose deux problèmes : le Défenseur des droits a une masse de compétences qu’il ne pourra pas assumer de façon attentive, attentionnée et spécialisée ; et ses adjoints n’ont aucune légitimité.

À travers différents amendements, nous demandons simplement à ce que les commissions compétentes de l’Assemblée nationale puissent donner un avis sur le choix de ces adjoints, c’est-à-dire de les légitimer en quelque sorte, de leur donner plus de poids dans la gestion de leurs dossiers.

En quoi cela remettrait-il en cause les choix – que je n’avais pas faits – de l’assemblée constituante ? Il faut donc adopter ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l’amendement n° 14.

M. Jean-Jacques Urvoas. Notre amendement est similaire.

Monsieur le garde des sceaux, rappelons que nous discutons des adjoints du Défenseur des droits. La Constitution n’en dit rien, donc la loi organique a toute sa place pour en parler. Le rôle de la loi organique n’est-il pas de compléter la Constitution ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Uniquement lorsqu’elle a un fondement constitutionnel !

M. Jean-Jacques Urvoas. Je rappelle que l’article 71-1 de la Constitution compte cinq alinéas qui font tous référence à la loi organique. C’est donc que la loi organique a un sens.

Depuis le début, vous ne cessez de vouloir donner tous les pouvoirs au Président de la République, en vous référant à la Constitution et en nous expliquant que tout le reste serait inutile.

Le Parlement – l’Assemblée nationale et le Sénat – insiste pour donner une petite place au pouvoir législatif, monsieur le garde des sceaux. Pourquoi ? Parce que nous parlons des libertés publiques ! Il est tout de même inconcevable d’imaginer qu’une institution qui a pour vocation de protéger les libertés publiques, le Parlement, n’y soit pas associée en terme d’influence, d’une manière ou d’une autre.

Ce débat n’oppose d’ailleurs pas la droite à la gauche. Hier soir, droite et gauche confondues, nous avons adopté des amendements sur les adjoints. Nous avons ainsi décidé que l’un de ces adjoints s’appellerait le Défenseur des enfants. Droite et gauche confondues, contre l’avis du Gouvernement, nous avons aussi décidé que les enfants pourraient saisir directement le Défenseur des enfants.

Pourquoi ce Défenseur des enfants ne serait-il pas suggéré, informé par les commissions compétentes ? C’est ce que le Sénat voulait. Que je sache, le Sénat n’est pas encore majoritairement de gauche ! Cela viendra, mais ce n’est pas encore le cas.

Il n’en demeure pas moins que lorsque le Sénat prend une bonne position, nous nous y retrouvons. Nous voulons donc revenir au texte du Sénat – ce qui ne serait d’ailleurs pas une avancée considérable – parce que le débat touche aux libertés publiques et à des choses essentielles.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, voulez-vous reprendre la parole sur ces amendements ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur. La commission émet un avis négatif sur ces amendements.

Nous créons le Défenseur des droits ; il est désigné par le Président de la République, après avis des commissions. Leur légitimité, les adjoints la tireront du Défenseur des droits puisque c’est lui qui les proposera et qu’ils seront spécialisés par domaine.

Pour le bon fonctionnement de la structure, il est normal que ce soit le Défenseur des droits qui les propose. Leur légitimité découlera de leur liaison directe avec le Défenseur des droits.

Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur le ministre.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Urvoas, je voudrais tenter de vous convaincre, même si j’ai peur d’aller tout droit à l’échec…

M. Jean-Jacques Urvoas. Du tout ! Votre capacité de conviction est forte, monsieur le ministre !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Merci de bien vouloir le noter et si vous vous en persuadez dès le départ, je vais peut-être y parvenir.

M. René Dosière. Cela peut-être réciproque !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cela peut être réciproque, mais ce n’est pas encore le cas.

Pour ma part, je trouve que les choses sont claires. En matière de loi organique, le législateur ne peut intervenir que lorsqu’il y a un fondement constitutionnel, ce qui est le cas avec ce texte.

Cette loi organique est prévue par l’article 71-1 de la Constitution. Cet article traite du Défenseur des droits ; il évoque les collèges mais n’aborde pas la question des adjoints. Cet ajout montre l’esprit d’ouverture du Gouvernement dans cette affaire et j’aimerais que vous le notiez, monsieur Urvoas.

Cependant, il y a un fossé infranchissable…

M. Jean-Jacques Urvoas. Bâtissons des ponts !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.… entre accepter l’existence d’adjoints dans l’organisation interne de l’institution du Défenseur des droits et les élever, comme vous le faites, au rang de représentants du Parlement. C’est aller au-delà des dispositions constitutionnelles.

Pour des motifs qui tiennent strictement à la constitutionnalité des textes, j’émets un avis défavorable à ces amendements.

Mme Marie-George Buffet et M. Jean-Jacques Urvoas. Ce n’est pas valable !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Tout en comprenant l’amendement de mon collègue Christian Vanneste, je pense comme M. le ministre qu’il devrait le retirer.

Nous ne pouvons pas faire comme si nous n’avions pas siégé jusqu’à tard dans la nuit. Ensemble, chers collègues, nous avons travaillé sur la saisine du Défenseur des droits et sur l’identification du Défenseur des enfants. L’une de nos collègues a présenté plusieurs amendements destinés à conserver le mode actuel de saisine du Défenseur des enfants.

Si l’on veut affaiblir le Défenseur des droits, votons les amendements qui viennent de nous être présentés. Nous aboutirions au résultat inverse de celui qui était souhaité lors de la révision de la Constitution.

Alors que cette assemblée manque souvent de comparaisons et d’études d’impact, nous pouvons ici nous référer à l’ombudsman de certains pays européens. Cet ombudsman a des adjoints mais leur mode de nomination est différent du sien.

La loi organique a pour effet de préciser les compétences et les modes de saisine du Défenseur des droits. Ces amendements affaibliraient l’institution que nous avons justement vocation à conforter. Compte tenu du travail effectué ensemble, au cours de la séance de nuit, sur la saisine des différents adjoints, ces amendements doivent être repoussés.

(L’amendement n° 229 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 137 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 14 n’est pas adopté.)