Contrôleur général
 des lieux de privation de liberté

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2007-2008



Compte rendu 
intégral

Deuxième séance du mardi 25 septembre 2007 

Contrôleur général
 des lieux de privation de liberté

Suite de la discussion
 d’un projet de loi adopté par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (nos 114, 162).

Discussion des articles (suite)

Article 6 (suite)

 

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 51.

La parole est à M. Michel Hunault, pour le soutenir.

M. Michel Hunault. Je retire cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 51 est retiré.

Je suis saisie de deux amendements, nos 50 et 60, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Michel Hunault, pour soutenir l’amendement n° 50.

M. Michel Hunault. Par cet amendement, nous entendons permettre à la personne privée de liberté, dotée d’un consentement libre et éclairé, d’autoriser le Contrôleur à consulter son dossier médical. En effet, la levée du secret médical peut, dans certains cas, faciliter le contrôle du respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté.

En complétant l’alinéa 4 de l’article 6 par la phrase suivante : « Le secret médical peut être levé avec le consentement libre et éclairé de la personne privée de liberté », nous nous inscrivons dans l’esprit de la loi du 12 février 2002, dans l’intérêt du détenu.

Je voudrais profiter de l’occasion pour remercier Mme la garde des sceaux de l’inscription de ce projet de loi dans le cadre de la session extraordinaire du Parlement. L’institution d’un Contrôleur indépendant des prisons est un signe fort. La richesse de la discussion montre qu’avec l’adoption de ce texte la France sera à la pointe du combat des démocraties pour contrôler l’ensemble des lieux de privation de liberté. En tout état de cause, il répond à une attente très forte du Parlement, et, comme vous l’avez répété tout au long de cet après-midi, madame la garde des sceaux, il s’inscrit dans le prolongement des textes internationaux. Mon amendement vise donc a améliorer encore votre projet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 60.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mon amendement concerne également le secret médical, mais ma position diffère de celle de M. Hunault et de M. Urvoas.

Je ne pense pas que le Contrôleur général doive avoir accès directement et personnellement au dossier médical de la personne privée de liberté. Dans le droit actuel, le patient ne peut lui-même désigner qui il veut pour avoir accès à son dossier. Seul un médecin peut être habilité à cet effet. Je comprends, certes, les intentions de mes collègues, mais je crois qu’il faut maintenir le droit médical actuel sur ce point.

J’ai également déposé un amendement n° 61 rectifié après l’article 6. Je rassure d’emblée Mme la garde des sceaux en lui indiquant qu’il s’agit d’amendements d’appel. J’entends simplement engager un débat, en espérant que la question sera reprise plus tard.

Le contrôle de la prise en charge médicale de patients privés de liberté et hospitalisés dans des hôpitaux psychiatriques ou dans les infirmeries de prison par exemple relève de la compétence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Si l’on souhaite que le contrôle soit complet, les conditions de soins et de prise en charge sur le plan de la santé doivent être examinées par le Contrôleur général. Sur ce point, je suis d’accord avec les amendements précédents.

Le droit actuel prévoit que le patient ne peut donner accès à son dossier médical à qui il veut. Seul un médecin peut y accéder. Mais le patient est en droit de donner des informations sur les traitements qu’il reçoit.

Tout cela fonctionne lorsque le patient est en état de donner son consentement ou de désigner un médecin qui accède à son dossier médical pour son compte ou pour le compte du Contrôleur général. Mais si le patient est trop malade, inconscient ou trop jeune, il n’est pas en état de donner son consentement, et le recours à un tiers est nécessaire pour permettre à un autre médecin d’accéder au dossier médical.

C’est la raison pour laquelle j’ai proposé ces deux amendements. Le premier prévoit que seul le médecin qui accompagne le Contrôleur général peut avoir accès, avec l’autorisation du patient, au dossier médical, et non le Contrôleur général lui-même.

Le second prévoit d’inclure le médecin qui accompagne le Contrôleur général dans la liste des médecins habilités à consulter ces dossiers : les médecins de l’assurance maladie et de l’IGAS, notamment.

Cela dit, je suis conscient que mes propositions, touchant au secret médical, ne peuvent figurer dans un texte de cette nature. Néanmoins, il me semble nécessaire que nous abordions le sujet au moment de l’examen de la loi pénitentiaire et que nous tranchions la question. Par ailleurs, je me permets de vous suggérer, madame la garde des sceaux, de saisir le comité consultatif national d’éthique sur cette question. Je pense que sa contribution éclairera utilement notre assemblée et nous aidera à statuer de manière plus précise sur le secret médical.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements n°s 50 et 60 ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. Le débat sur le secret médical ayant eu lieu, nous n’y reviendrons pas, tous les arguments ont été développés. Ce sujet fera l’objet de dispositions nouvelles dans le cadre de la loi pénitentiaire, en fonction des éléments que Mme la garde des sceaux a évoqués.

Il n’est pas opportun que le Contrôleur général, pas plus que le médecin l’accompagnant, aient accès au secret médical, qu’il est nécessaire de conserver. Seule la personne détenue peut donner connaissance des faits le concernant.

C’est la raison pour laquelle la commission a rejeté ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Même avis que la commission. Je saisirai effectivement le comité consultatif national d’éthique sur ce sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Prenant acte des engagements de Mme la garde des sceaux, je retire mes deux amendements, n°s 60 et 61 rectifié.

Mme la présidente. L’amendement n° 60 est retiré.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(L’amendement n’est pas adopté.)

 

Explications de vote

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Michel Hunault. Madame la présidente, au nom de tous ses députés, je vous annonce que le groupe Nouveau Centre votera ce projet de loi. Je remercie Mme la ministre de l’avoir inscrit à l’ordre du jour de cette session extraordinaire.

Cela fait moins de quatre mois que vous avez pris vos fonctions, madame la garde des sceaux, et vous avez déjà fait montre de votre volonté politique : lors de la session de juillet, vous faisiez adopter une loi contre la récidive ; vous nous présentez aujourd’hui une loi sur le contrôle des prisons ; et, cet après-midi, vous nous avez donné rendez-vous pour une loi pénitentiaire à venir.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Très bien !

M. Michel Hunault. Avec ce texte, vous répondez à une attente partagée depuis des années par l’ensemble de nos collègues ; et, surtout, vous concrétisez les recommandations de l’Organisation des Nations unies et du Conseil de l’Europe, qui appelaient de leurs vœux un contrôle indépendant des prisons.

Aux explications de vote des groupes de l’opposition, qui, sans voter contre, s’abstiennent, je réponds qu’il faut déjà considérer ce qui a été fait. La création de cette nouvelle institution indépendante répond à une volonté commune, même s’il reste des interrogations sur ses pouvoirs – notamment d’investigation – et sur ses moyens financiers et matériels. Quant à la seconde délibération sur l’article 6, c’est une affaire entre le Gouvernement et le groupe majoritaire. J’avais pour ma part apporté ma voix à l’amendement d’une éminente membre de la majorité visant à supprimer l’alinéa 2 de l’article 6, et je pense qu’il était inutile de le rétablir. Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Au cours de la discussion, vous avez dit, madame la garde des sceaux, que, pour mener à bien sa mission, le Contrôleur s’appuiera sur les règles qui seront fixées dans la loi pénitentiaire. J’en prends acte. Ce sera à celui ou celle qui assumera cette fonction de donner toute sa grandeur à la mission qui lui sera confiée.

Ce texte est un grand pas en avant et, contrairement à mes collègues de l’opposition, qui l’interprètent comme une simple réponse aux recommandations européennes, je pense que la France est plutôt en avance sur ses voisins. Il est, madame la garde des sceaux, la manifestation d’une volonté politique dont je prends acte ; je vous en félicite et vous encourage dans cette mission difficile.

Nous débattions sur le point de savoir si le travail du Contrôleur devrait ou non faire l’objet d’un compte rendu devant les assemblées. Mais le texte que nous allons voter ira d’abord en deuxième lecture au Sénat, puis reviendra à l’Assemblée nationale, et par la suite il sera évalué. Ainsi, je suis sûr que cette institution nouvelle finira par prendre ses marques.

Madame la garde des sceaux, vous pouvez être fière du travail accompli au cours de ces derniers mois. Les députés du Nouveau Centre vous apportent leur appui et leur confiance. Sachons faire de ce texte un objet de consensus et, s’il reste des interrogations, ne diminuons pas la portée du vote de ce soir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)