Contrôleur général
 des lieux de privation de liberté

Catégories: Assemblée Nationale, Autres interventions, Droits de l'Homme, Interventions dans l'hémicycle, Justice, Prisons

Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2007-2008



Compte rendu 
intégral

Première séance du mardi 25 septembre 2007

Contrôleur général
 des lieux de privation de liberté

Suite de la discussion
d’un projet de loi adopté par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (nos 114, 162).

 

 

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 43.

La parole est à M. Michel Hunault, pour le soutenir.

M. Michel Hunault. Nous sommes au cœur de la mission du Contrôleur général telle que la définit l’article 1er : « Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté […] est chargé […] de s’assurer du respect » des « droits fondamentaux » des « personnes privées de liberté ».

Par cet amendement, je souhaite soulever une question relative aux pouvoirs réels du Contrôleur : comment celui-ci peut-il apprécier si les droits fondamentaux des détenus ou de toute personne privée de liberté sont mis à mal ? L’amendement propose que l’on se réfère aux règles pénitentiaires établies par le Conseil de l’Europe.

Lors de l’examen de l’amendement en commission, le rapporteur m’a précisé que les règles pénitentiaires n’avaient pas force de loi, puisqu’elles ne sont que des recommandations. Toutefois, il importe à mes yeux que le Contrôleur puisse asseoir sa mission sur des règles incontestables.

En répondant aux orateurs à l’issue de la discussion générale, madame la garde des sceaux, vous avez apporté cette précision en indiquant que le Contrôleur pourrait s’appuyer sur la loi pénitentiaire, que le Parlement examinera en novembre prochain. Compte tenu de votre engagement sur ce point, je retire mon amendement.

M. Philippe Goujon, rapporteur. Très bien !

M. le président. L’amendement n° 43 est retiré.

Article 2

 

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. M. Caresche propose de confier au Médiateur une mission de contrôle indépendante et, pour m’en être entretenu avec le Médiateur de la République, il fait référence à certaines expériences menées en Europe : je pense à la création d’un ombudsman en République tchèque. Mais, comme l’a rappelé Mme la garde des sceaux, quel est alors le rôle du Médiateur ? En cas de réclamation ou de conflit avec l’administration pénitentiaire, le Médiateur de la République dispose des moyens d’une mission de médiation.

L’amendement est en retrait par rapport à l’ambition de ce texte. Mme la garde des sceaux a indiqué qu’il s’agirait d’un contrôle indépendant visant à faire appliquer des règles pénitentiaires prévues dans la loi, avec un véritable pouvoir d’injonction vis-à-vis de l’administration. La qualité du travail de M. Delevoye est connue de tous : en qualité de parlementaires, nous sommes tous amenés à lui confier certaines interventions qu’il mène avec beaucoup de sérieux et nous n’avons qu’à nous louer de ses services. Mais il faut veiller à ne pas affaiblir le texte. Si nous voulions réduire la fonction de Contrôleur général indépendant à celle d’une médiation, nous pourrions nous contenter de suivre l’exemple de certains de nos voisins européens. Mais, comme l’a indiqué Mme la garde des sceaux, l’adoption de cet amendement ne permettrait pas l’exercice d’un contrôle indépendant, avec un véritable pouvoir vis-à-vis de l’administration pénitentiaire.

…….

 

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault, pour défendre l’amendement n° 45.

M. Michel Hunault. Il est défendu.

 

……..

 

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 45 et 65 et sur le sous-amendement n° 68 ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. Avis défavorable : la commission considère que la rédaction de l’amendement n° 18 est plus pertinente. En outre, elle répond à votre demande.

Nous l’avons dit tout à l’heure, nous devons nous rapprocher le plus possible des Conventions internationales. Or, vous conviendrez que la « haute moralité » – qui va de soi s’agissant d’une personnalité nommée par le Président de la République, avec l’aval des commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat – est une expression sans valeur juridique.

D’autre part, vous proposez de reprendre le texte de l’article 5-2 du Protocole, qui vise le sous-comité de prévention de la torture. La commission lui préfère l’article 18-2, qui concerne le mécanisme national de prévention, recommandé dans la plupart des pays.

Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté les amendements nos 45 et 65, ainsi que le sous-amendement n° 68.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 18, mais défavorable aux amendements nos 45 et 65, ainsi qu’au sous-amendement n° 68.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 68.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 45 et 65 tombent.

…..

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault, pour soutenir l’amendement n° 44.

M. Michel Hunault. Cet amendement est similaire : il tend à instaurer une majorité des trois cinquièmes des membres des assemblées compétentes. Dans la discussion générale, le rapporteur a rappelé le travail du Comité de réflexion sur la réforme de nos institutions, dont l’axe majeur est le renforcement du rôle du Parlement. Dans ce cadre, le comité se penche sur la procédure qui pourrait permettre d’associer le Parlement aux nominations les plus importantes, qui seraient ainsi entourées d’une certaine solennité avant d’être confirmées par le Président de la République. Je prends acte de l’engagement du rapporteur et, n’ayant aucune raison de le remettre en cause, je retire mon amendement.

J’ajoute à l’attention de M. Poisson que, sur un sujet aussi difficile, chacun a le droit d’apporter sa contribution. Nous avons des sensibilités différentes, mais nous sommes tous animés de la même volonté d’améliorer le texte pour donner à l’institution que nous allons mettre en place la grandeur qu’elle mérite. Quand j’entends notre collègue porter certains jugements sur les amendements précédents, je voudrais lui dire qu’après l’ouverture dont ont fait preuve le rapporteur et Mme la garde des sceaux, nous devrions nous abstenir de faire certains commentaires. C’est un texte complexe et nous sommes là pour appliquer les recommandations du Conseil de l’Europe – notre collègue a d’ailleurs cité une recommandation que je connais bien, pour l’avoir rédigée. Notre ambition doit être d’améliorer le texte, non de donner des leçons aux autres intervenants.

La création du Contrôleur général devrait faire l’objet d’un consensus, car vous l’avez rappelé, madame la garde des sceaux, les hommes et les femmes qui sont privés de liberté ont le droit de conserver leur dignité. L’une des missions du Parlement est de remédier aux manquements de l’institution pénitentiaire, que chacun de nous a pu dénoncer. Si nous parvenons, à la fin de notre discussion, à un vote unanime, le Parlement aura bien travaillé !

Mme la présidente. L’amendement n° 44 est retiré.

 

………

 

 

 

 

Article 6 

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 49.

La parole est à M. Michel Hunault, pour le soutenir.

M. Michel Hunault. Cet amendement doit vous permettre, monsieur le rapporteur, de nous apporter quelques précisions.

En notre qualité de parlementaires, nous avons la possibilité de visiter à tout moment les prisons, sans avoir à en demander l’autorisation à qui que ce soit. Je voudrais être certain que le Contrôleur général disposera de la même faculté d’exercer son droit de visite sans aucune autorisation. Il me semble inconcevable que cette autorité indépendante dispose de moins de pouvoir que les parlementaires pour exercer la mission qui lui est confiée.

Or l’alinéa 2 de l’article 6 prévoit des restrictions à l’exercice par le Contrôleur général de son droit de visite. Cet amendement est-il utile, monsieur le rapporteur, ou pouvez-vous me certifier que le Contrôleur général pourra exercer en toute liberté son droit de visite, qui est un élément essentiel de sa mission ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. Rassurez-vous, cher collègue, cette précision n’est pas utile. Comme vous l’aurez constaté, le Sénat a supprimé l’obligation d’information préalable qui figurait au début de cet alinéa 2. Il n’y a donc pas nécessité de demander ni l’autorisation des autorités responsables du lieu qui doit être visité, ni même de les en informer : les visites inopinées sont tout à fait possibles.

Les visites du Contrôleur général pourront donc être, en fonction de leur finalité, soit programmées, soit inopinées, à l’instar de celles du Chief inspector of prisons britannique. Celui-ci ne prévient les autorités à l’avance qu’en cas de visites programmées : cela lui permet de mieux les organiser et d’être mieux informé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Mêmes observations, même avis.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Hunault ?

M. Michel Hunault. Je le retire.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Il me semble que, sauf erreur de ma part, le contrôle des « lieux situés en dehors du territoire national » qu’évoque Mme Hostalier relève de certaines instances européennes, comme le Comité européen pour la prévention de la torture – dont il a été rappelé qu’un procureur général français est membre depuis le début de l’année – ou le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, ou d’autres institutions au sein desquelles la France est représentée. Tout en comprenant la finalité et le fondement de l’amendement n° 56, je crains donc que, dans la rédaction qui nous en est soumise, il ne contredise nos engagements européens dans le domaine de ces mécanismes de contrôle.

Sans doute serait-il regrettable de voter contre un amendement dont nous comprenons bien la philosophie et le bien-fondé, mais il faut aussi veiller à limiter l’action du Contrôleur général que nous sommes en train d’instituer, afin d’éviter qu’il n’empiète sur le mandat d’instances européennes au sein desquelles la France est déjà représentée et qui, précisément, satisfont déjà à la préoccupation qu’il exprime.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 57, 66 et 87.

La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour soutenir l’amendement n° 57.

Mme Françoise Hostalier. L’amendement n° 57 vise à supprimer l’alinéa 2 de l’article 6, qui évoque explicitement diverses conditions qui pourraient permettre d’exclure, d’interdire ou d’empêcher les visites du Contrôleur général. Ces mesures restrictives sont contraires à la mission que celui-ci devrait pouvoir remplir librement.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l’amendement n° 66.

M. Michel Vaxès. L’amendement n° 66 vise lui aussi à supprimer l’alinéa 2 de l’article 6, qui prévoit que les autorités responsables du lieu de privation de liberté pourront s’opposer à la visite du Contrôleur général pour des motifs graves liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans l’établissement où la visite doit avoir lieu.

Tout d’abord, nous ne comprenons pas ces restrictions et les explications données aux sénateurs ne nous ont pas convaincus. Quelles raisons liées à la défense nationale ou à la sécurité publique pourraient s’opposer à la simple visite du Contrôleur ? Pour ce qui concerne les catastrophes naturelles, il faut compter avec le bon sens du Contrôleur, qui ne doit pas exiger de visiter des lieux qui ne seraient pas visitables.

Quant aux « troubles sérieux », ils nous semblent pouvoir être une raison supplémentaire, pour le Contrôleur, de visiter l’établissement, étant entendu que le Contrôleur n’imposerait pas sa visite si elle devait mettre quiconque en danger.

Pour refuser cette suppression au Sénat, vous avez fait valoir, madame la garde des sceaux, le Protocole facultatif à la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Or les restrictions aux visites prévues par le Protocole ne concernent que le sous-comité pour la prévention de la torture, et non le Contrôleur général, dont la liberté d’action n’est nullement limitée. C’est d’ailleurs pourquoi nous demandons la suppression de l’alinéa 2, qui a conduit du reste les sénateurs à demander eux-mêmes une nouvelle délibération sur l’article 6, estimant que les explications données tant par le rapporteur que par Mme la garde des sceaux n’ont pas de fondement. Nous souhaitons donc que le principe du libre accès commande le texte dans son intégralité.

Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement n° 87.

M. Jean Jacques Urvoas. Nous espérons tous ici que le Contrôleur général pourra exercer sa mission de la manière la plus absolue qui soit. Certes, j’ai lu le compte rendu des débats du Sénat et je sais que le rapporteur va me dire dans un instant que ces restrictions ont un caractère provisoire et qu’il s’agit d’un report de la visite du Contrôleur général, non d’une interdiction. La formulation retenue n’en autorise pas moins, en réalité, les autorités responsables des lieux de détention à choisir le moment de la visite, ce qui est contradictoire avec l’indépendance dont on prétend faire bénéficier le Contrôleur.

On voit mal, comme cela vient d’être dit, quelles raisons liées à la défense ou à la sécurité publique pourraient s’opposer à une simple visite. Quant aux catastrophes naturelles, le fait qu’il s’agisse de cas de force majeure devrait suffire : c’est une question de bon sens. Je tiens, en revanche, à m’arrêter sur la notion de « troubles sérieux » dans le lieu de détention, notion dont la définition n’existe pas et qui est susceptible de nourrir toutes les interrogations.

Le fait que des détenus refusent de remonter en cellule après la promenade, qui est aujourd’hui la réaction la plus badine de leur part, peut parfaitement être qualifié de « troubles sérieux » dans l’établissement visité. Cette notion de « troubles sérieux » est-elle opposable à un préfet qui veut venir visiter un établissement pénitentiaire ? Interdirait-elle à un procureur de la République qui le souhaiterait, en application de l’article D. 178 du code de procédure pénale, de se rendre dans une prison ? Ou à un parlementaire qui, en vertu de l’article 719 du code de procédure pénale, dont les dispositions ont été introduites par la loi du 15 juin 2000, est autorisé à « visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d’attente et les établissements pénitentiaires » ?

Il n’y est pas fait mention de « troubles sérieux ». Ceux-ci ne seraient donc pas opposables à un parlementaire ; on a dès lors du mal à comprendre pourquoi ils le seraient au Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

De deux choses l’une : soit la mission du Contrôleur est bien, comme l’affirme notre rapporteur, de prévenir d’éventuels abus qu’un milieu fermé peut favoriser et de lever la suspicion concernant les conditions de traitement des personnes enfermées, et, dès lors, sa liberté de mouvement ne peut être entravée et il convient de supprimer cet alinéa ; soit la vocation du Contrôleur général n’est que d’entretenir un dialogue avec les administrations, et alors nous sommes loin de l’esprit du Protocole facultatif.

De notre point de vue, il est évident que le principe de libre accès doit commander entièrement le texte que nous élaborons. La frilosité qui caractérise ces restrictions n’a pas sa place dans une loi instituant un contrôleur général indépendant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme Laurence Dumont. C’est un point central !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements identiques ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. Il s’agit d’un point extrêmement important, et vous conviendrez avec moi, monsieur Urvoas, que la commission a beaucoup travaillé sur ce texte qui nous vient du Sénat, puisqu’elle a tout de même adopté deux amendements visant à restreindre les possibilités de reports de visite.

Un premier amendement tend ainsi à compléter la qualification des motifs pouvant conduire au report de la visite du Contrôleur, pour préciser, en reprenant la terminologie internationale, qu’il ne peut s’agir que de motifs « graves et impérieux ». Il ne s’agit donc plus simplement de motifs graves – cela va beaucoup plus loin.

Un second amendement fait obligation aux autorités responsables des lieux à visiter de prévenir le Contrôleur général dès que les circonstances justifiant le report ont pris fin.

Aux deux bouts de la chaîne, il y a donc des restrictions à ces reports de visite, lesquels, je le souligne, ne sont pas des annulations. Les motifs de ces reports reprennent ceux mentionnés à l’article 14-2 du Protocole facultatif, effectivement applicables aux visites du sous-comité de prévention, mais cela n’exclut pas qu’ils le soient aussi au mécanisme national de prévention.

Je cite l’article 14-2 : « L’objection à la visite d’un lieu de détention déterminée suppose des raisons pressantes et impérieuses » – c’est-à-dire des motifs graves et impérieux – « liées à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles graves là où la visite doit avoir lieu. » Je pourrais aussi citer la Convention européenne pour la prévention de la torture, dont l’article 9 évoque « des motifs de défense nationale ou de sûreté publique ou en raison de troubles graves dans les lieux où des personnes sont privées de liberté », mais également « l’état de santé d’une personne ou d’un interrogatoire urgent, dans une enquête en cours, en relation avec une infraction pénale grave ».

Je passe sur les catastrophes naturelles. S’agissant de la défense nationale, il peut y avoir un certain nombre de restrictions, même si les cas sont assez rares. Quant aux motifs liés à la sécurité publique, ils peuvent concerner une manifestation autour de l’établissement pénitentiaire, qui en empêche l’accès, ou des troubles sérieux dans l’établissement tels qu’une mutinerie ou un refus de retour en cellule après la promenade, car les personnels sont entièrement mobilisés pour régler l’incident. Il peut s’agir aussi d’une évasion – je pense à l’évasion par hélicoptère, comme à Grasse, où l’on tirait dans tous les sens. Ce sont des exemples tout à fait objectifs. Et je rappelle que le Contrôleur n’a pas dans sa mission d’assurer la médiation pour mettre fin à des troubles dans l’établissement.

Reconnaissez, mon cher collègue, que, même si nous ne sommes pas aussi jusqu’au-boutistes que vos amendements, nous limitons et nous encadrons néanmoins de façon très forte…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Absolument !

M. Philippe Goujon, rapporteur. …les reports de visite du Contrôleur général.

M. Georges Fenech. C’est du bon sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux. Je m’associe totalement aux arguments de M. le rapporteur.

Quand des détenus ne veulent pas remonter en cellule à l’issue d’une promenade, ce n’est pas badin, monsieur le député. Vous savez que, chez les personnels pénitentiaires, il y a presque deux agressions par jour. C’est extrêmement violent. Ils travaillent dans des conditions extrêmement difficiles. Si on a prévu de telles précautions, c’est parce que les mutineries peuvent être très graves. Il y a des blessés très sérieux parmi les membres du personnel. Pour le Contrôleur, ce n’est alors peut-être pas le meilleur moment pour effectuer sa mission. De même, vous savez très bien que certaines gardes à vue se passent très mal du fait de la violence des personnes appréhendées. C’est pourquoi nous avons souhaité que le Contrôleur puisse différer sa visite, peut-être pour quelques heures seulement, en de telles circonstances, à charge pour les autorités de le prévenir immédiatement lorsque sa venue redevient possible.

Il y a aussi la sécurité du personnel. Croyez-moi, pour l’administration pénitentiaire, ce sont des conditions difficiles au quotidien. Au 1er septembre, nous en sommes à 397 agressions à l’encontre du personnel pénitentiaire. C’est donc aussi pour respecter la sécurité du personnel que nous avons souhaité inscrire dans la loi ces précautions concernant les visites, sans forcément les annuler, et, je le répète, le Contrôleur sera informé immédiatement du report.

C’est pourquoi nous sommes défavorables à ces trois amendements.

M. Georges Fenech. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. J’interviens contre les amendements, madame la présidente.

Chers collègues, je m’interroge comme vous sur ce sujet, et j’ai déposé un amendement qui vise à objectiver les conditions dans lesquelles il peut y avoir un motif de reporter la visite, et, en même temps, à assurer que les autorités responsables des lieux de privation de liberté ne puissent pas être juges et parties lorsqu’elles évaluent une situation susceptible de conduire à un report. Mais il me semble tout de même que, en dehors des catastrophes naturelles et des troubles sérieux qui viennent d’être évoqués, certaines circonstances doivent conduire au report de la visite, qu’il s’agisse d’un niveau d’alerte particulièrement élevé dans une base militaire, d’une mesure de quarantaine ou d’un problème de santé publique de cette nature.

On doit faire confiance à la loi car il y a des situations dans lesquelles le bien public prime sur la faculté du Contrôleur d’exercer sa mission au moment où il le souhaite, et je suis sensible aux arguments du rapporteur : il est légitime de fixer des critères objectifs pour motiver le report de visite du Contrôleur et donc de prévoir que, dès que les circonstances du report prennent fin, non seulement – ce qui nous avait été proposé en commission par Amnesty International – le Contrôleur retrouve un droit immédiat de visite, et l’autorité de l’établissement l’en informe immédiatement.

Je pense aussi qu’il faut maintenir l’alinéa 2 de l’article 6 parce que, même si le Contrôleur est amené à retarder sa visite, il n’a pas de pouvoir de médiation. Rien ne l’empêche d’investiguer ensuite – il a tous les pouvoirs de le faire s’il le souhaite – sur les conditions qui ont expliqué le report.

On peut donc trouver un équilibre entre la nécessité du report dans certaines circonstances et, bien sûr, le maintien de son pouvoir d’investigation dès que celles-ci ont cessé. L’obligation, que nous allons certainement voter tout à l’heure, d’informer le Contrôleur dès que les circonstances ont pris fin permettra de trouver un tel équilibre.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Pour ma part, je tiens à intervenir en faveur de ces amendements, qui émanent comme vous le voyez, madame la garde des sceaux, de votre majorité comme de l’opposition.

Je comprends votre argumentation concernant la sécurité du personnel pénitentiaire. Nous sommes comme vous très attentifs à sa sécurité. Il fait un travail extrêmement difficile et il mérite toute notre attention et toute notre considération.

Mais l’alinéa 2 est trop restrictif. J’aurais préféré qu’il soit supprimé et que l’on fasse confiance au Contrôleur. S’agissant des instances de contrôle existant à travers l’Europe, que ce soit le Commissaire aux droits de l’homme ou les membres du Comité de prévention de la torture, il ne me semble pas que les uns ou les autres aient été à l’origine d’une visite alors qu’il y avait une catastrophe naturelle ou une mutinerie. Il vaudrait mieux faire confiance au Contrôleur indépendant pour qu’il puisse exercer sa mission dans des circonstances normales.

Il va de soi qu’on ne lui demande pas d’aller visiter une prison pendant une mutinerie. Puisque Mme la ministre s’est dite ouverte aux amendements, qu’elle veuille bien accepter autre chose que les déplacements de virgules ! (Sourires.) Je suis certain que ce contrôleur indépendant saura très bien prendre ces marques vis-à-vis de l’administration pénitentiaire pour ne pas aller dans un établissement au moment où il y a des évasions par hélicoptère, monsieur le rapporteur, qui restent tout de même très exceptionnelles. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. Michel Vaxès. Très bien, monsieur Hunault !

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 57, 66 et 87.

(Ces amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.