Adaptation du droit des sociétés au droit communautaire

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Assemblée nationale


XIIIe législature


Session ordinaire de 2007-2008



Compte rendu
 intégral

Deuxième séance du mardi 6 mai 2008 

Adaptation du droit des sociétés au droit communautaire

Discussion d’un projet de loi
 après déclaration d’urgence

Discussion générale 

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les sociétés ont connu un développement considérable en France puisqu’elles sont désormais, selon l’INSEE, au nombre de 1,3 million réparties dans les secteurs des affaires et de l’économie. La mondialisation a accentué l’internationalisation des sociétés.

Jusqu’à une époque récente, vous l’avez dit, madame la garde des sceaux, le droit n’a pas suffisamment accompagné cette évolution. Les fusions transfrontalières impliquant des sociétés françaises ont longtemps buté sur des difficultés juridiques. Il aura fallu ainsi de longues années avant que ne soit adaptée la directive du PE et du Conseil du 26 octobre 2005.

Le projet de loi ne se limite pas à la seule transposition de la directive sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux. Il poursuit un objectif plus large d’adaptation de notre droit national aux exigences d’une économie ouvertes sur l’Europe et le monde. En procédant, d’une part, aux modifications nécessaires pour permettre aux sociétés coopératives, au nombre de 21 000 en France, de prendre le statut de la société coopérative européenne et, ainsi, de se voir reconnues dans l’ensemble des autres États de l’Union ; en procédant, d’autre part, à un ajustement des règles de gouvernance des sociétés anonymes afin d’améliorer l’information sur leur organisation et les modalités de contrôle interne et, j’y reviendrai, à certaines coordinations nécessaire pour donner sa pleine effectivité au régime de la société européenne.

J’en viens aux objectifs du projet de loi.

Harmoniser et simplifier la réalisation de fusions de sociétés transfrontalières au sein de l’Union européenne, comme l’a très bien expliqué Mme la rapporteure.

Adapter la législation pour simplifier la gouvernance de sociétés implantées dans différents États membres.

Renforcer et garantir le respect de la participation des salariés.

Permettre aux coopératives nationales ayant des filiales dans plusieurs États membres de se constituer sous une forme sociale unique coopérative européenne.

Renforcer les obligations de transparence des entreprises avec la modification de directives comptables antérieures.

Les principales dispositions de ce projet de loi visent à transposer la directive relative aux fusions transfrontalières des sociétés de capitaux. Les fusions transfrontalières relèvent du droit national : chaque société participant à la fusion transfrontalière doit se conformer aux dispositions et aux formalités de la législation de l’État membre dont elle relève et qui serait applicable à une fusion nationale. Le présent projet de loi vise à une harmonisation. Sans vouloir répéter tout ce qu’a dit Mme la rapporteure, je m’interroge sur les modalités du contrôle de légalité préalable et postérieur à la fusion, qui incombe au greffier du tribunal compétent sur les territoires où sont implantées les structures. Nous avons eu, en commission, une discussion sur le rôle des notaires. J’ai bien noté que la commission souhaitait privilégier le greffe. Je pose néanmoins la question des moyens, mais nous aurons l’occasion d’en débattre et, peut-être, lorsque nous examinerons les articles, de revenir à une disposition plus équilibrée.

Ce projet de loi précise également les modalités de constitution du groupe spécial de négociation et du comité de la société issue de la fusion transfrontalière, et comporte des dispositions applicables aux modalités de participation, postérieurement à l’immatriculation de la société issue de la fusion.

Des mesures de simplification des fusions et scissions des sociétés commerciales sont introduites par les articles 10 à 12.

Je reviendrai un peu plus longuement que ne l’a fait Mme la rapporteure sur le statut de société européenne. Nous savons qu’en dépit de nombreuses tentatives de la Commission européenne, l’instauration d’un véritable statut social communautaire pour les entreprises européennes de dimension transnationale a longtemps achoppé sur les réticences des États membres. Ainsi la directive du 8 octobre 2001 a-t-elle été transposée par le biais d’amendements parlementaires à la loi du 26 juillet 2005 relative à la confiance et à la modernisation de l’économie. Le décret d’application date du 14 avril 2006.

Nous le savons, il existe quatre modes de constitution d’une société européenne : par fusion, par création d’une société holding, par filialisation commune d’entités, par transformation d’une société anonyme. Il me semble que l’Assemblée nationale aurait intérêt à dresser un bilan de la création de ces sociétés européennes. Comme Mme la rapporteure l’a fort justement précisé, elles sont très peu nombreuses – on les compte sur les doigts d’une main –, cette possibilité n’étant utilisée que par de grands groupes, opérant notamment dans la finance ou dans les assurances.

Comme l’a dit Mme la garde des sceaux, le législateur et le gouvernement français ont un défi à relever : donner à ces sociétés les moyens juridiques de s’adapter à la compétition internationale. Là réside peut-être la principale difficulté : le projet de loi y répond en partie, notamment en ce qui concerne les sociétés coopératives européennes, dont le statut a été créé par le règlement du 22 juillet 2003. L’article 15 du présent projet de loi vise à donner une assise juridique nationale à la société coopérative européenne en intégrant les principes du règlement de 2003, par une définition du cadre juridique opposable à la société coopérative européenne dont le siège est situé en France. Une société coopérative peut se constituer par fusion. Le transfert de siège est également permis dans tout autre État membre, après publication d’un projet de transfert. Le présent projet précise encore diverses modalités concernant les sociétés coopératives européennes.

Enfin, le Gouvernement a profité de la discussion de ce projet pour transposer la directive du 14 juin 2006 dans un délai raisonnable : la date limite était en effet fixée au 5 septembre et l’on ne peut que se féliciter de cette anticipation.

Vous avez rappelé, madame la garde des sceaux, la triple ambition du projet : moderniser, simplifier, sécuriser les fusions. Je crois que la sécurité juridique, l’information des salariés, le droit des actionnaires minoritaires, le gouvernement d’entreprise – autant d’objectifs qui sont aussi les nôtres – sont réunis dans ce projet de loi, que le groupe Nouveau Centre adoptera.

Pour terminer, je veux saluer le travail que Mme la rapporteure a effectué sur un dossier particulièrement technique. Dans une économie et une compétition mondialisées, ce projet de loi constitue une étape, en se mettant au service des entreprises, et donc de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)